Faut-il vraiment défendre les Juifs lorsqu´on veut les exterminer ? Il y a longtemps que l´on avait défilé au cri de « Mort aux Juifs !» dans les rues de Paris. Sans doute était-ce, voici déjà quelques semaines, la première fois depuis ĺ...
moreFaut-il vraiment défendre les Juifs lorsqu´on veut les exterminer ? Il y a longtemps que l´on avait défilé au cri de « Mort aux Juifs !» dans les rues de Paris. Sans doute était-ce, voici déjà quelques semaines, la première fois depuis ĺ affaire Dreyfus. Ce n´est pas près de ne pas recommencer. Je ne crois pas qu´on en veuille aux Juifs en raison de ce qu´ils ont fait à Gaza ou ailleurs. Je crois fermement qu´on ne leur en voudrait pas de ce qu´ils font à Gaza s´ils n´étaient ce qu´ils sont -des Juifs. Nos sociétés européennes tiennent grosso modo qu´on ne tue pas quelqu´un en raison de ce qu´il est mais de ce qu´il fait. Cependant, quand tout vous pousse à ne pas professer publiquement ce que l´on sait pertinemment au dedans de soi, défier la force de pression exige une forme de courage qui, sans l´ombre d´un doute cartésien, est la chose la moins partagée du monde. Cela s´appelle la conscience. Non pas celle que l´on a mais celle que ĺ on est. En l´occurrence, j´ai de moins en moins l´espoir que les gouvernements européens puissent en devenir -ou en redevenir -une. À tort ou à raison, il m´en reste un petit peu plus s´agissant de l´Église catholique. De ce point de vue, il n´est peut-être pas inutile de faire mémoire de la lettre qu´Edith Stein, sainte patronne de l´Europe, adressa au pape Pie XI en 1933 1 . Certes, on ne se baigne jamais deux fois dans un même fleuve de sang. Cependant, la question qui se pose à l´Église comme aux gouvernements européens est bien à nouveau celle de 1933, à savoir celle de l´attitude qu´il convient d´adopter face au danger. Et le choix qui s´offre est aussi simple aujourd´hui qu´en 1933. Il y a la parole ou il y a le silence. Bien sûr, j´entends par paroles autre chose que ces discours lénifiants dont le monde politique s´est fait une spécialité. Le plus souvent, cela n´est que manière de couvrir un silence éhonté. Par parole, j´entends la décision de courir un risque pour tenter de prévenir le pire. Aujourd´hui en France comme dans l´Allemagne de 1933, prendre publiquement la défense des Juifs, a fortiori fait et cause pour l´État d Israël, revient de plus en plus quotidiennement à risquer sa vie comme celle de son entourage. C´était bien un risque de ce type, non pour eux-mêmes directement, mais pour des millions de fidèles catholiques, qui fit hésiter les Papes à condamner le nazisme avec une vigueur à la mesure du danger et, peu de temps après, de la terrifiante réalité. Et c´était a contrario le besoin d entendre une parole de ce type, une parole à la hauteur du danger pour autrui et bravant le risque pour soi ou pour les siens, qui incita Edith Stein à s´adresser au Pape : Depuis des semaines, non seulement les Juifs mais aussi des milliers de catholiques fidèles en Allemagne -et je pense dans le monde entierattendent et espèrent que l'Église du Christ fasse entendre sa voix pour mettre un terme à cet abus du nom du Christ. (...) Nous tous qui sommes les enfants fidèles de l'Église et qui observons les événements qui se déroulent en Allemagne sans fermer les yeux, nous craignons le pire pour l'image de l'Église, si jamais son silence durait encore 2 . À première vue, il y a quelque paradoxe à espérer que l´Église saura dire haut et fort, au moment qu´il convient, ce que les gouvernements européens ont et auront de plus en plus tendance à noyer dans le silence. N´est-ce pas 1 Une traduction de cette lettre est disponible sur le site du Carmel de France,
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