L'Identité. Dictionnaire encyclopédique (Essais Folio, Gallimard), dir. Jean Gayon, V. Courtier, A. Nicoglou, G. Pontarotti, S. Troublé, F. Villa, J.Weitzman, 2020
À un moment où les revendications identitaires sont légion, il faut revenir en amont d'une tendan... more À un moment où les revendications identitaires sont légion, il faut revenir en amont d'une tendance qui galvaude un concept philosophique pour le mobiliser sur le seul terrain idéologique et politique. Qui suis-je ? Aucune discipline scientifique n'oserait à elle seule penser, affronter et circonscrire cette vieille question métaphysique… et enfantine. En mettant en oeuvre une interdisciplinarité effective, les auteurs ont pour ambition d'éclairer l'énigme de l'identité personnelle, mais pas seulement. En effet, l'identité est à la fois le caractère de ce qui est même et de ce qui est unique, qu'importe l'objet. Pensée comme individuelle, elle serait tour à tour personnelle, psychologique, génétique ou narrative ; pensée comme collective, elle serait sociale, ethnique, familiale, genrée, linguistique ou encore nationale. À travers les différents regards exposés ici, le lecteur tracera son propre chemin dans les méandres de cette notion.
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Papers by Sylvie Perceau
Si l’audace se manifeste dans l’écart à la norme, comment pourrait-elle acquérir une légitimité dans l’épopée homérique où les dieux régissent tous les comportements humains et où la tradition formulaire en fige l’expression ? Elle semble vouée à n’être perçue que comme hubris condamnable dont Patrocle offre un exemple éclairant : combattant à la place d’Achille, au chant XVI de l’Iliade, il se lance contre les Troyens en outrepassant les limites fermement posées par Achille et imposées par les dieux, audace aussitôt punie par Apollon et clairement blâmée par le poète. Pourtant, c’est paradoxalement la tradition formulaire avec son apparente rigidité qui offre au poète les moyens poétiques de valoriser certaines formes d’audace dont il exhibe la valeur positive d’émancipation face aux normes contraignantes ou à l’injustice : c’est grâce à un subtil jeu d’écarts et de variations dans les formules que le poète oriente la réception et le jugement des auditeurs lorsqu’il met en scène l’audace verbale de certains personnages, tel Thersite dont le discours quoique déplacé permet de réfléchir sur certaines hiérarchies figées, ou surtout Hélène qui, refusant de se laisser enfermer dans un rôle traditionnel, le conteste en en détournant l’expression formulaire .
Résumé
Dans l’épopée homérique ou sur la scène tragique, la maison prend forme au fil de la performance orale, l’auditoire étant invité à visualiser les déplacements des personnages. Ces déplacements structurent la narration, organisant l’espace en conformité ou en opposition avec les normes et les rituels sociaux et culturels. Sur la toile de fond d’une organisation normative de l’espace liée à la fois au genre et aux activités des personnages (espace public ouvert masculin et espace domestique – oikos, thalamos – fermé féminin), certains poètes mettent en scène dans la narration des transgressions qui permettent d’en interroger les codifications normatives et font apparaître des résistances du côté de certaines femmes.
L’Hélène homérique, ou encore l’Antigone d’Euripide occupent ainsi l’espace de façon transgressive, brisant les lignes de partage entre intérieur et extérieur de l’oikos et mettant en question, à travers ces écarts par rapport à la norme, le statut assigné aux femmes.
Afin d’en finir avec les lectures allégorisantes du F. 6 d’Empédocle qui identifient de manière conflictuelle les quatre éléments à des entités théologiques isolables, cette contribution en livre une analyse phono-rythmique qui se fonde sur le postulat de l’existence d’une langue hypo-phonique qui opère des associations infra- signifiantes. C’est dans cette langue qu’Empédocle exige de son destinataire de discerner de manière aurale les « racines » des choses, dans une écoute phono-rythmique. Empédocle est humnopolos, « tourneur d’hymnes » (F. 146, 1), comme Apollon musicien est homopolos « tourneur assimilateur » et, pour décrire des processus physiologiques ou cosmogoniques, il use d’une langue ritualisée où se superposent différents scenarii (« l’enlèvement de Perséphone », « le serment des dieux », « le chagrin de Perséphone », etc.). Il semble ainsi dénoncer les hiérogamies olympiennes caractérisées par la tromperie et la violence et leur opposer la figure sotériologique de Nêstis- Aphrodite.
Imprégnée d’imagerie romantique relative à la neige, la critique moderne aime à reconnaître dans l’éloquence d’Ulysse dont « les mots sont semblables aux flocons d’une neige hivernale » un modèle d’élévation, voire de sublime (hupsos), en s’appuyant sur certains commentaires des Anciens posant l’existence chez Homère des trois genres ou styles de la rhétorique, le style brachylogique de Ménélas, le style élevé d’Ulysse, et le style persuasif, technique et clair de Nestor. Mais l’étude de quelques commentaires rhétoriques du passage montre que le sens de cette comparaison est loin d’être aussi clair et que c’est en coupant la citation de sa situation d’énonciation dans l’Iliade que l’on aboutit parfois, au gré des connotations, aux amalgames les plus extravagants comme lorsque dans l’Anthologie grecque, une épigramme de Cométas, écrite dans le « style homérique » réunit contre toute attente, pour illustrer la noblesse de la parole des amis du Christ « de céleste origine », « une voix plus douce que le miel » et « des mots semblables aux flocons d’une neige hivernale » devenus purs clichés de langage (XV, 40, vers 23-24).
Dans cette contribution publiée en 2006, je montre que dans l’épopée homérique, le plaisir « musical », c’est-à-dire le plaisir lié à la performance de l’aède, est toujours présenté comme une expérience sensorielle intense qui ne repose pas sur la simple audition mais se manifeste en interaction avec les autres sensations, qu’elles soient visuelles, olfactives, gustatives, ou tactiles, en particulier dans le cadre des repas pris en commun. Ce plaisir synesthésique ((terpsis) est lié à la kharis, au sens où il suppose un bien-être collectif, partagé, car le chant doit être « gracieux à tous, pantessi charizomenos » (Odyssée, VIII, 538). Contrairement aux théories élaborées à partir de la poésie hésiodique, ce plaisir se distingue donc de toute espèce de « charme » ou de sortilège (thelxis) destiné à endormir ou à tromper.
Les ekphraseis d’œuvres d’art mises en œuvre dans les poèmes homériques nous informent sur la façon dont l’artiste archaïque conçoit sa création. Toujours réalisées pour un destinataire unique, ses œuvres suscitent l’admiration (thaûma) pour leur qualité exceptionnelle. Car fût-il un dieu comme Héphaïstos, l’artiste archaïque, est avant tout un artisan talentueux qui grâce à la précision de sa technè, de ses outils et de ses matériaux, crée des objets qui ne visent pas à produire une « illusion de vie », mais un plaisir esthétique intense (terpsis) en rendant visible la technè dans l’objet bien achevé. Cet artiste nous place donc en amont de la conception platonicienne du poiètès dépossédé de sa raison par un dieu, ou pratiquant l’art de l’illusion comme un magicien.
Pour saisir le processus créateur dans la poésie homérique, il est impossible de partir de données biographiques d’autant que les « Vies » d’Homère, toutes postérieures au ive siècle avant J.‑C., sont en réalité des procédures étiologiques visant à constituer l’aède épique en « auteur » de l’épopée. Toutefois, les Poèmes homériques montrent des aèdes‑poètes en performance, ce qui permet de se représenter la façon dont ils composent, et en quoi consiste pour eux ce que nous appelons « inspiration ». On a l’habitude d’assimiler l’inspiration des poètes épiques archaïques à une possession par la ou des Muse(s). Mais, en particulier dans l’Iliade, les Muses, filles de Mémoire, sont en fait les garantes de l’authenticité des informations délivrées par le chant et de leur conformité à la tradition épique, mais c’est l’aède qui compose son chant selon sa propre volonté, en interaction avec l’auditoire sans lequel le chant, oral, n’existerait pas.
In The Phoenician Women, Euripides stages the murderous confrontation of Eteocles and Polynices, the sons of Oedipus and Jocasta, to exert power over Thebes. Revisiting the entire Theban myth of Oedipus, the play goes back to the origins of the Labdacids and the founding of Thebes by Cadmus, husband of Harmony, beeing herself daughter of the goddess of love, Aphrodite, and of the god of war, Ares. However, it is Harmony, whose ambivalent nature appears very quickly, who is at the heart of the play at the same time as she gives shape to the city of Thebes. Through the protagonists' movements in the scenic Thebes and the extra-scenic perspectives on the Theban landscape as described by certain characters, or through the evocation of the myth of the foundation of Thebes, it is the disharmonic contours of the tragic city par excellence that Euripides seems to want to draw in a tragedy that can be understood as a poetic manifesto of its author.
Les « catalogues » homériques incluent souvent des séries de noms propres. Quand ces noms sont énumérés sans élaboration, on aurait affaire à des « listes », sans portée véritable. Pourtant, non seulement ces « listes » de noms partagent les caractéristiques de la « parole en catalogue » (un mode d’énonciation adapté à des circonstances exceptionnelles, où le locuteur, intra ou extra-diégétique, exprime de façon performative un point de vue toujours singulier qui oriente le choix des éléments décrits et suit le rythme de sa pensée en acte), mais surtout elles permettent de penser la liste en dehors des classifications rationnelles, comme un mode d’énonciation poétique qui joue un rôle essentiel dans la dramaturgie épique en sollicitant l’imagination du récepteur, c’est-à dire en lui donnant à voir et a entendre ce qui se joue sur la scène épique. Comparé à celui d’Hésiode, le « catalogue » des Néréides (Iliade XVIII, vers 39-51) offre un exemple particulièrement remarquable de la poétique des listes de noms.
Les héros de l’Iliade sont de grands parleurs, et les commentateurs ont, depuis l’Antiquité, tenté de dégager les prémisses chez Homère d’une théorie des styles d’éloquence en se fondant sur un passage bien connu du chant III (vers 200 sq.) où le Troyen Anténor décrit les prestations oratoires de Ménélas et d’Ulysse. Mais ce que ce passage met surtout en évidence, c’est une pragmatique du discours où tout fait sens, la posture de l’orateur, sa voix, son débit, la visée de son discours et sa réception par l’auditoire. En comparant la pratique oratoire des deux hommes, Anténor montre qu’elle constitue un révélateur de leur comportement héroïque : l’éloquence d’Ulysse est à l’image du héros polumètis, qui brouille les codes, use de coups de force pour détourner l’attention avec son sceptre et dissimule ses intentions sous « des paroles semblables aux flocons d’une neige hivernale".
Si l’audace se manifeste dans l’écart à la norme, comment pourrait-elle acquérir une légitimité dans l’épopée homérique où les dieux régissent tous les comportements humains et où la tradition formulaire en fige l’expression ? Elle semble vouée à n’être perçue que comme hubris condamnable dont Patrocle offre un exemple éclairant : combattant à la place d’Achille, au chant XVI de l’Iliade, il se lance contre les Troyens en outrepassant les limites fermement posées par Achille et imposées par les dieux, audace aussitôt punie par Apollon et clairement blâmée par le poète. Pourtant, c’est paradoxalement la tradition formulaire avec son apparente rigidité qui offre au poète les moyens poétiques de valoriser certaines formes d’audace dont il exhibe la valeur positive d’émancipation face aux normes contraignantes ou à l’injustice : c’est grâce à un subtil jeu d’écarts et de variations dans les formules que le poète oriente la réception et le jugement des auditeurs lorsqu’il met en scène l’audace verbale de certains personnages, tel Thersite dont le discours quoique déplacé permet de réfléchir sur certaines hiérarchies figées, ou surtout Hélène qui, refusant de se laisser enfermer dans un rôle traditionnel, le conteste en en détournant l’expression formulaire .
Résumé
Dans l’épopée homérique ou sur la scène tragique, la maison prend forme au fil de la performance orale, l’auditoire étant invité à visualiser les déplacements des personnages. Ces déplacements structurent la narration, organisant l’espace en conformité ou en opposition avec les normes et les rituels sociaux et culturels. Sur la toile de fond d’une organisation normative de l’espace liée à la fois au genre et aux activités des personnages (espace public ouvert masculin et espace domestique – oikos, thalamos – fermé féminin), certains poètes mettent en scène dans la narration des transgressions qui permettent d’en interroger les codifications normatives et font apparaître des résistances du côté de certaines femmes.
L’Hélène homérique, ou encore l’Antigone d’Euripide occupent ainsi l’espace de façon transgressive, brisant les lignes de partage entre intérieur et extérieur de l’oikos et mettant en question, à travers ces écarts par rapport à la norme, le statut assigné aux femmes.
Afin d’en finir avec les lectures allégorisantes du F. 6 d’Empédocle qui identifient de manière conflictuelle les quatre éléments à des entités théologiques isolables, cette contribution en livre une analyse phono-rythmique qui se fonde sur le postulat de l’existence d’une langue hypo-phonique qui opère des associations infra- signifiantes. C’est dans cette langue qu’Empédocle exige de son destinataire de discerner de manière aurale les « racines » des choses, dans une écoute phono-rythmique. Empédocle est humnopolos, « tourneur d’hymnes » (F. 146, 1), comme Apollon musicien est homopolos « tourneur assimilateur » et, pour décrire des processus physiologiques ou cosmogoniques, il use d’une langue ritualisée où se superposent différents scenarii (« l’enlèvement de Perséphone », « le serment des dieux », « le chagrin de Perséphone », etc.). Il semble ainsi dénoncer les hiérogamies olympiennes caractérisées par la tromperie et la violence et leur opposer la figure sotériologique de Nêstis- Aphrodite.
Imprégnée d’imagerie romantique relative à la neige, la critique moderne aime à reconnaître dans l’éloquence d’Ulysse dont « les mots sont semblables aux flocons d’une neige hivernale » un modèle d’élévation, voire de sublime (hupsos), en s’appuyant sur certains commentaires des Anciens posant l’existence chez Homère des trois genres ou styles de la rhétorique, le style brachylogique de Ménélas, le style élevé d’Ulysse, et le style persuasif, technique et clair de Nestor. Mais l’étude de quelques commentaires rhétoriques du passage montre que le sens de cette comparaison est loin d’être aussi clair et que c’est en coupant la citation de sa situation d’énonciation dans l’Iliade que l’on aboutit parfois, au gré des connotations, aux amalgames les plus extravagants comme lorsque dans l’Anthologie grecque, une épigramme de Cométas, écrite dans le « style homérique » réunit contre toute attente, pour illustrer la noblesse de la parole des amis du Christ « de céleste origine », « une voix plus douce que le miel » et « des mots semblables aux flocons d’une neige hivernale » devenus purs clichés de langage (XV, 40, vers 23-24).
Dans cette contribution publiée en 2006, je montre que dans l’épopée homérique, le plaisir « musical », c’est-à-dire le plaisir lié à la performance de l’aède, est toujours présenté comme une expérience sensorielle intense qui ne repose pas sur la simple audition mais se manifeste en interaction avec les autres sensations, qu’elles soient visuelles, olfactives, gustatives, ou tactiles, en particulier dans le cadre des repas pris en commun. Ce plaisir synesthésique ((terpsis) est lié à la kharis, au sens où il suppose un bien-être collectif, partagé, car le chant doit être « gracieux à tous, pantessi charizomenos » (Odyssée, VIII, 538). Contrairement aux théories élaborées à partir de la poésie hésiodique, ce plaisir se distingue donc de toute espèce de « charme » ou de sortilège (thelxis) destiné à endormir ou à tromper.
Les ekphraseis d’œuvres d’art mises en œuvre dans les poèmes homériques nous informent sur la façon dont l’artiste archaïque conçoit sa création. Toujours réalisées pour un destinataire unique, ses œuvres suscitent l’admiration (thaûma) pour leur qualité exceptionnelle. Car fût-il un dieu comme Héphaïstos, l’artiste archaïque, est avant tout un artisan talentueux qui grâce à la précision de sa technè, de ses outils et de ses matériaux, crée des objets qui ne visent pas à produire une « illusion de vie », mais un plaisir esthétique intense (terpsis) en rendant visible la technè dans l’objet bien achevé. Cet artiste nous place donc en amont de la conception platonicienne du poiètès dépossédé de sa raison par un dieu, ou pratiquant l’art de l’illusion comme un magicien.
Pour saisir le processus créateur dans la poésie homérique, il est impossible de partir de données biographiques d’autant que les « Vies » d’Homère, toutes postérieures au ive siècle avant J.‑C., sont en réalité des procédures étiologiques visant à constituer l’aède épique en « auteur » de l’épopée. Toutefois, les Poèmes homériques montrent des aèdes‑poètes en performance, ce qui permet de se représenter la façon dont ils composent, et en quoi consiste pour eux ce que nous appelons « inspiration ». On a l’habitude d’assimiler l’inspiration des poètes épiques archaïques à une possession par la ou des Muse(s). Mais, en particulier dans l’Iliade, les Muses, filles de Mémoire, sont en fait les garantes de l’authenticité des informations délivrées par le chant et de leur conformité à la tradition épique, mais c’est l’aède qui compose son chant selon sa propre volonté, en interaction avec l’auditoire sans lequel le chant, oral, n’existerait pas.
In The Phoenician Women, Euripides stages the murderous confrontation of Eteocles and Polynices, the sons of Oedipus and Jocasta, to exert power over Thebes. Revisiting the entire Theban myth of Oedipus, the play goes back to the origins of the Labdacids and the founding of Thebes by Cadmus, husband of Harmony, beeing herself daughter of the goddess of love, Aphrodite, and of the god of war, Ares. However, it is Harmony, whose ambivalent nature appears very quickly, who is at the heart of the play at the same time as she gives shape to the city of Thebes. Through the protagonists' movements in the scenic Thebes and the extra-scenic perspectives on the Theban landscape as described by certain characters, or through the evocation of the myth of the foundation of Thebes, it is the disharmonic contours of the tragic city par excellence that Euripides seems to want to draw in a tragedy that can be understood as a poetic manifesto of its author.
Les « catalogues » homériques incluent souvent des séries de noms propres. Quand ces noms sont énumérés sans élaboration, on aurait affaire à des « listes », sans portée véritable. Pourtant, non seulement ces « listes » de noms partagent les caractéristiques de la « parole en catalogue » (un mode d’énonciation adapté à des circonstances exceptionnelles, où le locuteur, intra ou extra-diégétique, exprime de façon performative un point de vue toujours singulier qui oriente le choix des éléments décrits et suit le rythme de sa pensée en acte), mais surtout elles permettent de penser la liste en dehors des classifications rationnelles, comme un mode d’énonciation poétique qui joue un rôle essentiel dans la dramaturgie épique en sollicitant l’imagination du récepteur, c’est-à dire en lui donnant à voir et a entendre ce qui se joue sur la scène épique. Comparé à celui d’Hésiode, le « catalogue » des Néréides (Iliade XVIII, vers 39-51) offre un exemple particulièrement remarquable de la poétique des listes de noms.
Les héros de l’Iliade sont de grands parleurs, et les commentateurs ont, depuis l’Antiquité, tenté de dégager les prémisses chez Homère d’une théorie des styles d’éloquence en se fondant sur un passage bien connu du chant III (vers 200 sq.) où le Troyen Anténor décrit les prestations oratoires de Ménélas et d’Ulysse. Mais ce que ce passage met surtout en évidence, c’est une pragmatique du discours où tout fait sens, la posture de l’orateur, sa voix, son débit, la visée de son discours et sa réception par l’auditoire. En comparant la pratique oratoire des deux hommes, Anténor montre qu’elle constitue un révélateur de leur comportement héroïque : l’éloquence d’Ulysse est à l’image du héros polumètis, qui brouille les codes, use de coups de force pour détourner l’attention avec son sceptre et dissimule ses intentions sous « des paroles semblables aux flocons d’une neige hivernale".
The Polutropia collection for Danièle Aubriot, Emeritus professor of Greek literature at the University of Picardie – Jules-Verne, gathers together thirty studies on prayer, classical reli- gion, philosophy, classical mythology and literature in the modern era, and, finally, linguistics.