Published in "Héritages, réceptions, écoles en sciences du langage. Avant et après Saussure" (volume d'hommage à Christian Puech), ed. by Valentina Bisconti, Annamaria Curea and Rossana De Angelis, Paris, Presses de la Sorbonne Nouvelle, 2019
Introduction ¬ Cette étude porte sur les grammaires prakrites élaborées par des grammairiens indi... more Introduction ¬ Cette étude porte sur les grammaires prakrites élaborées par des grammairiens indiens traditionnels. Les prakrits sont les nombreuses formes régionales et/ou littéraires en lesquelles le prakrit, qui représente le stade de l'indo-âryen moyen, s'est ramifié. Les grammaires prakrites qui sont parvenues jusqu'à nous portent sur des variétés linguistiques utilisées dans des compositions littéraires (chants épiques, pièces de théâtre, textes en vers ou en prose) 2 . On peut distinguer différents types de grammaires prakrites, selon trois critères : la métalangue, la complétude, le nombre de variétés décrites. Il sera question ici des grammaires prakrites rédigées en sanskrit, grammaires incomplètes qui traitent d'une ou de plusieurs variétés. Que faut-il entendre par grammaire « complète » ou « incomplète » ? Les grammaires « complètes » de variétés de l'indo-âryen moyen traitent, a minima, de la phonétique de la langue, de la morphologie nominale et verbale et des indéclinables ; c'est notamment le cas des grammaires du pali (qui traitent aussi de l'emploi des cas, de la composition et de la dérivation). La quasi-totalité des autres grammaires prakrites sont incomplètes : elles ne couvrent pas l'intégralité de la langue mais seulement les traits qui la différencient d'une autre langue, autre langue que le descripteur considère comme étant sa « base » (prakṛti). Ces grammaires incomplètes -on peut également dire indirectes, nous verrons plus loin pourquoi -ont en commun d'être rédigées en sanskrit. Elles suivent également la même méthode, que je vais décrire dans la première partie de l'article. Je montrerai ensuite comment ces grammaires prakrites incomplètes font écho à un autre type de grammaire, conçu, des siècles plus tard, en Occident.
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Papers by Émilie Aussant
The focus is therefore on a detailed analysis of the linguistic knowledge produced on Asian languages, both inside and outside Europe, with particular attention paid to the contexts in which this knowledge was developed and circulated. Among the topics treated are the contribution of indigenous traditions to the process of grammaticization, the place of Asia in global comparisons of world languages, as well as the materiality of descriptions (translations, printing, etc.).
Part I brings together studies dealing with linguistic categories and descriptive concepts such as the notion of “accidens” in Latin grammar and its Greek counterparts (Mazhuga); localist perspectives and their revival in recent lexico-grammatical semantics and in analyses of thematic roles (Fortis); the origin of the term polysemy and the backdrop to its coinage by Halévy and adoption through Bréal (Courbon); the theoretical difficulties attending the categorization and description of prefabs, idioms and other “fixed expressions”, and the new resources available to research (Christy). This first part also includes studies dealing with ways of representing linguistic phenomena, whether these concern the handling of local spoken varieties (so-called patois) in the Revue des Patois Gallo-Romans (Bergounioux), or the import of spatial representations in description of linguistic time, beyond their mere descriptive potential (Chalozin-Dovrat); or again, now taking the word “representation” quite literally, the creation of conventional means for the visual display of grammatical relations, in the form of the first syntactic diagrams (Mazziotta).
Part II embraces the history of language description from various perspectives, but everytime with a consideration of the social stakes of linguistics: the “from below” approach to the history of Chinese Pidgin English underlines the social roles of speakers and the various speech situations they participate in (Li); the scrutiny of Lhomond’s Latin and French textbooks demonstrates the interplay of pedagogical practice, cross-linguistic comparison and descriptive innovation (Piron); an overview of early descriptions of Central Australian languages reveals a whole spectrum of humanist to positivist and antihumanist stances (Moore); the anthropological and sociolinguistic perspective in comparative semantics championed by Meillet is shown to live on in some of Benveniste’s analyses (Frigeni); and finally, in the work of Tran Duc Thao is exhibited an original synthesis between phenomenology and marxist semiology, whose combined resources are wielded against the “idealistic” doctrine of Saussure (D’Alonzo).
The modern study of Indian intellectual disciplines has often forced them into a Western disciplinary taxonomy. The analogies introduced by this taxonomy, the objectivity of which is largely illusory, are sometimes misleading, and rely on Western intellectual techniques which are themselves unavoidably historical. Resorting to such Western categories as “indology”, “philosophy” and “reason”, but also to Indian ones like “śāstra” inevitably raises theoretical objections. This volume innovatively uses “scholasticism” in a broad sense, not in the medieval conception of the term. Its aim is to shed new light on the relationship between Indian scholastic practices and the emergence of systems, their crises and aporias, as well as on scholastics’ limited apprehension of facts and their problematic dialectics with concrete practices. The contributions illustrating these questions here relate to techniques of exegesis and debate, doctrines, grammar, law, ritual, poetics and astronomy.
Par « activités de documentation et de description des langues d’Asie » nous entendons :
– d’une part, la collecte de données linguistiques, sous toutes ses formes (listes de mots, constitution d’archives, de fonds, « linguistic survey », questionnaires, enregistrements audio et/ou vidéo, corpus, bases de données, etc.) ;
– d’autre part, l’élaboration d’outils permettant de représenter, en synchronie ou en diachronie, une langue : systèmes d’écriture, grammaires, dictionnaires monolingues, lexiques, instruments de traduction (par ex. les dictionnaires bi- ou trilingues), manuels, traités de poétique, de rhétorique, etc.
Toute connaissance relative aux langues d’Asie sera envisagée comme une réalité historique, c’est-à-dire comme un acte de savoir mis en œuvre par des instances ancrées dans un « ici », un « maintenant », un « horizon de rétrospection » voire un « horizon de projection » (Auroux 1989 : 13). Il sera donc question d’étudier les formes diverses qu’ont revêtues, dans le temps, le savoir linguistique et les pratiques de documentation relatifs aux langues d’Asie, de même que les évolutions ou transformations de ces formes, et ce, dans une perspective fondamentalement réflexive.
Dans ce cadre, le colloque accueillera des communications portant sur :
– les « acteurs » de la documentation/description des langues d’Asie (et leur environnement culturel), qu’il s’agisse de personnes (lettrés/savants d’Asie, missionnaires, orientalistes, philologues, grammairiens, linguistes, traducteurs, etc.) ou d’institutions (Fort William College de Calcutta, etc.) ;
– les projets ou entreprises liés à la documentation/description des langues d’Asie : fondation d’institutions (sociétés asiatiques de différents pays occidentaux, congrès, Instituts français au Proche et Moyen-Orient, etc.), réalisation de projets à grande échelle (comme le Linguistic Survey of India) ;
– les méthodes et stratégies mises en œuvre dans l’apprentissage des langues orientales : interactions avec les lettrés locaux, appui sur les traditions savantes asiatiques, mythe et réalité des démarches « autodidactes » de savants européens, accès au matériel permettant la connaissance des langues (collections de manuscrits et leur circulation, bibliothèques…) ; appui sur une langue asiatique déjà connue pour accéder à une autre (par ex. mandchou et chinois, chinois et japonais, sanskrit et persan) ;
– les arrière-plans théoriques de la documentation/description des langues d’Asie : recours à des catégories descriptives occidentales ou incorporation dans les travaux européens de catégories « indigènes » ; extension du modèle gréco-latin aux langues asiatiques ou d’une langue asiatique vers d’autres (phénomène des « grammaires étendues », cf. Auroux 1989 et 1994, Aussant 2017, Guillaume 2020) ; stratégies adoptées face aux phénomènes difficiles à traiter, points aveugles des descriptions, etc. ;
– les méthodologies de la documentation/description des langues d’Asie : les différents types de grammaires/dictionnaires/manuels, transcription, traduction, annotation, etc. ;
– les objectifs de la documentation/description des langues d’Asie : institution d’une langue, organisation et régulation d’une langue littéraire, développement d’une politique d’expansion linguistique à usage interne ou externe, apprentissage d’une langue, recensement, cartographie, préservation de langues en danger, intérêt culturel, etc. ;
– les outils et modalités de la transmission des savoirs relatifs aux langues d’Asie (usages didactiques et pratiques concrètes d’enseignement : traduction interlinéaire, répétition, etc.).
Ce colloque proposera donc de mettre au cœur des réflexions une analyse fine du savoir linguistique produit, dans et hors d’Europe, sur les langues asiatiques, tout en étant attentif à l’importance des contextes de production et de circulation de ces savoirs. Il s’agira ainsi de préciser la manière dont les savoirs sont conditionnés, plus ou moins directement, par les identités complexes des acteurs et des institutions au sein desquelles ils sont élaborés. Et d’interroger par conséquent la catégorie même de « langue asiatique », en Asie/Orient (y existe-t-elle ?), et en Europe, notamment à travers la catégorie omniprésente de « langues orientales », dont les différentes déclinaisons pourront être envisagées (langues de l’exégèse biblique, langues de la diplomatie et du commerce, etc.).
Références
Auroux, Sylvain, 1989. « Introduction », dans Auroux, Sylvain (éd.), Histoire des idées linguistiques, Tome 1 : La naissance des métalangages en Orient et en Occident, Liège, Mardaga, p. 13-37.
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Guillaume, Jean-Patrick (dir.), 2020. « La Grammaire Arabe Étendue » (numéro thématique/thematic issue), Histoire Épistémologie Langage 42.1.
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Messaoudi, Alain, 2015. Les Arabisants et la France coloniale : savants, conseillers, médiateurs, 1780-1930, Lyon, ENS Éditions.
Messling, Markus, 2012. Champollions Hieroglyphen. Philologie und Weltaneignung, Berlin, Kulturverlag Kadmos.
Pollock, Sheldon, Elman, Benjamin A. & Chang, Kevin Ku-Ming, 2015. World Philology, Cambridge, London, Harvard University Press.
Rabault-Feuerhahn, Pascale, 2008. L’archive des origines. Sanskrit, philologie, anthropologie dans l’Allemagne du XIXe siècle, Paris, Les Éditions du Cerf.
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Par « activités de documentation et de description des langues d’Asie » nous entendons :
– d’une part, la collecte de données linguistiques, sous toutes ses formes (listes de mots, constitution d’archives, de fonds, « linguistic survey », questionnaires, enregistrements audio et/ou vidéo, corpus, bases de données, etc.) ;
– d’autre part, l’élaboration d’outils permettant de représenter, en synchronie ou en diachronie, une langue : systèmes d’écriture, grammaires, dictionnaires monolingues, lexiques, instruments de traduction (par ex. les dictionnaires bi- ou trilingues), manuels, traités de poétique, de rhétorique, etc.
Toute connaissance relative aux langues d’Asie sera envisagée comme une réalité historique, c’est-à-dire comme un acte de savoir mis en œuvre par des instances ancrées dans un « ici », un « maintenant », un « horizon de rétrospection » voire un « horizon de projection » (Auroux 1989 : 13). Il sera donc question d’étudier les formes diverses qu’ont revêtues, dans le temps, le savoir linguistique et les pratiques de documentation relatifs aux langues d’Asie, de même que les évolutions ou transformations de ces formes, et ce, dans une perspective fondamentalement réflexive.
Dans ce cadre, le colloque accueillera des communications portant sur :
– les « acteurs » de la documentation/description des langues d’Asie (et leur environnement culturel), qu’il s’agisse de personnes (lettrés/savants d’Asie, missionnaires, orientalistes, philologues, grammairiens, linguistes, traducteurs, etc.) ou d’institutions (Fort William College de Calcutta, etc.) ;
– les projets ou entreprises liés à la documentation/description des langues d’Asie : fondation d’institutions (sociétés asiatiques de différents pays occidentaux, congrès, Instituts français au Proche et Moyen-Orient, etc.), réalisation de projets à grande échelle (comme le Linguistic Survey of India) ;
– les méthodes et stratégies mises en œuvre dans l’apprentissage des langues orientales : interactions avec les lettrés locaux, appui sur les traditions savantes asiatiques, mythe et réalité des démarches « autodidactes » de savants européens, accès au matériel permettant la connaissance des langues (collections de manuscrits et leur circulation, bibliothèques…) ; appui sur une langue asiatique déjà connue pour accéder à une autre (par ex. mandchou et chinois, chinois et japonais, sanskrit et persan) ;
– les arrière-plans théoriques de la documentation/description des langues d’Asie : recours à des catégories descriptives occidentales ou incorporation dans les travaux européens de catégories « indigènes » ; extension du modèle gréco-latin aux langues asiatiques ou d’une langue asiatique vers d’autres (phénomène des « grammaires étendues », cf. Auroux 1989 et 1994, Aussant 2017, Guillaume 2020) ; stratégies adoptées face aux phénomènes difficiles à traiter, points aveugles des descriptions, etc. ;
– les méthodologies de la documentation/description des langues d’Asie : les différents types de grammaires/dictionnaires/manuels, transcription, traduction, annotation, etc. ;
– les objectifs de la documentation/description des langues d’Asie : institution d’une langue, organisation et régulation d’une langue littéraire, développement d’une politique d’expansion linguistique à usage interne ou externe, apprentissage d’une langue, recensement, cartographie, préservation de langues en danger, intérêt culturel, etc. ;
– les outils et modalités de la transmission des savoirs relatifs aux langues d’Asie (usages didactiques et pratiques concrètes d’enseignement : traduction interlinéaire, répétition, etc.).
Ce colloque proposera donc de mettre au cœur des réflexions une analyse fine du savoir linguistique produit, dans et hors d’Europe, sur les langues asiatiques, tout en étant attentif à l’importance des contextes de production et de circulation de ces savoirs. Il s’agira ainsi de préciser la manière dont les savoirs sont conditionnés, plus ou moins directement, par les identités complexes des acteurs et des institutions au sein desquelles ils sont élaborés. Et d’interroger par conséquent la catégorie même de « langue asiatique », en Asie/Orient (y existe-t-elle ?), et en Europe, notamment à travers la catégorie omniprésente de « langues orientales », dont les différentes déclinaisons pourront être envisagées (langues de l’exégèse biblique, langues de la diplomatie et du commerce, etc.).
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