Books by Vincent Citot

4ème de couverture:
La marche de l’histoire
Évolution des sociétés, cultures et idées, des clan... more 4ème de couverture:
La marche de l’histoire
Évolution des sociétés, cultures et idées, des clans préhistoriques au 21e siècle
Dialogue entre Vincent Citot et Jean-François Dortier
Quel est le rôle des idées et des idéologies dans l’évolution des sociétés ? Quelles sont les dynamiques de l’évolution culturelle ? Comment émergent les civilisations ? Connaissent-elles des cycles ? L’Occident permet-il, depuis la Révolution industrielle, d’affranchir le monde des rythmes historiques millénaires ?
Ces questions renouent avec de vieilles réflexions sur l’histoire universelle, longtemps délaissées par les historiens. Elles peuvent aujourd’hui être reposées sur des bases nouvelles grâce au progrès de l’histoire et des sciences sociales contemporaines.
Dans son précédent livre, Histoire mondiale de la philosophie (PUF), Vincent Citot met au jour des cycles profonds scandant le mouvement des idées dans huit civilisations, de la Grèce au Japon. Jean-François Dortier, à travers ses nombreuses publications sur l’évolution des savoirs (scientifiques et techniques), repère quant à lui des âges d’or et des âges sombres, des bifurcations et des transferts. Leurs deux approches diffèrent sur les tendances évolutives et leurs moteurs. C’était donc l’occasion d’un dialogue amical mais sans concession.
Jean-François Dortier
Humanologue, fondateur de la revue Sciences Humaines et auteur de nombreux ouvrages dont L’Homme cet étrange animal et Les Humains mode d’emploi (Éditions Sciences Humaines).
Vincent Citot
Directeur de la revue Le Philosophoire, il enseigne la philosophie à l'INSPE de Paris – Sorbonne Université. Il est notamment l’auteur de Histoire mondiale de la philosophie. Une histoire comparée des cycles de la vie intellectuelle dans huit civilisations (PUF, 2022).
Prix : 18,00 € ISBN : 978-2-36106-906-3

Écrire l'histoire de la philosophie ne consiste pas à restituer ce que les grands auteurs ont pen... more Écrire l'histoire de la philosophie ne consiste pas à restituer ce que les grands auteurs ont pensé successivement, mais à rendre intelligible des trajectoires inscrites dans leur temps. L'histoire de la philosophie n'est qu'un rameau de l'histoire intellectuelle, elle-même partie de l'histoire culturelle au sein de l'histoire sociale. Sans fusionner ces poupées russes-chaque strate jouissant d'une relative autonomie-, il est donc nécessaire de penser la philosophie dans son contexte intellectuel et socioculturel. C'est la première condition d'une histoire correctement informée. Ensuite, comment savoir si l'histoire de la philosophie obéit à des lois, sinon en comparant les histoires des différentes civilisations dans lesquelles on peut repérer une telle pensée ? L'étude des réseaux intellectuels grecs, romains, arabo-musulmans, européens, russes, indiens, chinois et japonais, rend manifeste des récurrences : les cycles de la vie intellectuelle, quoique toujours singuliers, sont globalement analogues. Ces résultats jettent le doute sur la liberté de l'activité pensante en même temps qu'ils suscitent notre responsabilité de bien penser. Cet ouvrage est ainsi la première histoire de la philosophie qui soit à la fois mondiale (étendue à huit civilisations), intellectuelle (intégrant l'histoire de la pensée religieuse, scientifique, morale et politique) et comparative (cherchant à dégager des récurrences et des lois).
SOMMAIRE:
Introduction
Une histoire civilisationnelle
Une histoire intellectuelle
Une histoire cyclique
Une histoire comparative
Une histoire savante
I. La philosophie grecque
II. La philosophie romaine
III. La philosophie en Islam
IV. La philosophie euro-occidentale
V. La philosophie russe
VI. La philosophie indienne
VII. La philosophie chinoise
VIII. La philosophie japonaise
Conclusion
Hypothèses évolutionnaires à propos des récurrences historiques
Traits généraux des périodes préclassique, classique et postclassique

Quatrième de couverture:
Cet ouvrage est motivé par ce constat paradoxal : alors que l’histoire ... more Quatrième de couverture:
Cet ouvrage est motivé par ce constat paradoxal : alors que l’histoire de la philosophie a pris une importance énorme dans la production philosophique, la réflexion épistémologique sur les méthodes et les enjeux de cette histoire est restée tout à fait négligée. Or, faire quelque chose sans s’interroger sur la façon dont on le fait, c’est prendre le risque de mal le faire. Parmi le grand nombre de questions qui se posent à cet égard, on doit se demander que signifie bien comprendre un auteur du passé ? Faut-il considérer avant tout ce qu’il a voulu dire, ou bien expliquer ce qu’il a dit par des influences souterraines non conscientes ? Faut-il expliquer les penseurs par les courants qui les comprennent, ou bien ne considérer les courants, les écoles et les traditions que comme des affiliations intellectuelles abstraites ? L’histoire de la philosophie doit-elle servir à former le jugement philosophique présent, ou bien valoir pour elle-même ? Qui est le plus à même de l’écrire : l’historien ou le philosophe ? Qui doit l’enseigner, et selon quelle méthode ? La seule thèse que cet ouvrage se permet de défendre est celle-ci : toutes ces questions se posent, et l’historien de la philosophie aurait profit à se les poser plus frontalement qu’il ne le fait de coutume. Les contributions regroupées ici l’y aideront.
Contributeurs
Pascal Charbonnat, Stéphane Chauvier, Vincent Citot, David Cosandey, Stanislas Deprez, François Dosse, Frédéric Fruteau de Laclos, Christophe Giolito, Christian Godin, Michel Hulin, Alain Laurent, Jean-Michel Muglioni, Louis Pinto, Serge Trottein, Dominique Urvoy, Stéphane Van Damme, Nicolas Zufferey
Table des matières
Présentation – Vincent Citot
Première partie – Philosophie, histoire, sociologie
François Dosse – Historiens et philosophes : généalogie d’un non-rapport
Stéphane Van Damme – Une approche historienne de la philosophie de l’époque moderne est-elle possible ?
Vincent Citot – L’histoire de la philosophie comme science rigoureuse
Louis Pinto – Le sociologue face à l’histoire de la philosophie
Stanislas Deprez – Pour une histoire rhétorique et critique de la philosophie
Deuxième partie – Questionnements épistémologiques et philosophiques
Frédéric Fruteau de Laclos – Comment on écrit l’histoire de la philosophie
Christophe Giolito – L’histoire de la philosophie : problèmes et pratique
Jean-Michel Muglioni – Lire les philosophes
Stéphane Chauvier – Compréhension réelle et compréhension simulée : deux façons de lire les philosophes du passé
Pascal Charbonnat –Vers un modèle pour l’historiographie des énoncés philosophiques
Christian Godin – La consistance du concept d’histoire de la philosophie
Troisième partie – Historiographie des philosophies non occidentales
Dominique Urvoy – À propos de l’histoire de la philosophie
Michel Hulin – La « philosophie » indienne a-t-elle une histoire ?
Nicolas Zufferey – L’histoire de la philosophie chinoise : problèmes épistémologiques
Quatrième partie – Esthétique, histoire des sciences, pensée politique
Serge Trottein – Esthétique et historiographie
David Cosandey – Histoire des sciences et histoire de la philosophie : cousines, soeurs ou jumelles ?
Alain Laurent – De quoi le libéralisme est-il vraiment le nom ?

Quatrième de couverture:
Réfléchir à la réflexion, penser la pensée et philosopher sur la philos... more Quatrième de couverture:
Réfléchir à la réflexion, penser la pensée et philosopher sur la philosophie, voilà ce que l’on propose de faire ici. Cette démarche est moins formelle qu’il n’y paraît, car interroger la nature et les exigences de la pensée philosophique engage toute une philosophie. Une philosophie qui n’est pas dupe d’elle-même et qui commence par examiner sa propre finitude. « La dernière démarche de la raison, c’est de connaître qu’il y a une infinité de choses qui la surpassent. Elle est bien faible si elle ne va jusque là », disait Pascal. Nous montrons dans un esprit proche que la réflexion est d’autant plus puissante qu’elle reconnaît son impuissance, comme la philosophie authentique doit se savoir doublement bornée, par la pensée scientifique d’une part, et par la pensée mystique d’autre part. Il ne s’agit pas de rabaisser la philosophie, mais au contraire de lui permettre de comprendre ce qui la comprend et de trouver sa juste place dans le champ intellectuel.
Table des matières
Partie I – Enjeux ontologiques, gnoséologiques et axiologiques de la réflexion
1- Fécondité de la réflexion, primat phénoménologique de l’irréfléchi, et horizon métaphysique de la réflexivité philosophique
2- Les insuffisances gnoséologiques de la réflexion et l’horizon scientifique de la philosophie
3- La réflexion sur les valeurs et les valeurs immanentes à la réflexion
Partie II – La religion, la philosophie, la science et la mystique : progrès et bornes de la réflexion théorique
1- Les progrès de la réflexion théorique : la religion, la philosophie et la science
2- Les bornes de la réflexion théorique : la science, la philosophie et la mystique
Partie III – Nature et exigences de la pensée philosophique (étude sur la philosophie et philosophie de la philosophie)
1- Remarques introductives sur le projet de définir la philosophie et d’évaluer les philosophies
2- Les exigences théoriques de la philosophie
3- Les exigences pratiques de la philosophie
4- Bilan sur les questions de définition et d’évaluation
Partie IV – De la réflexivité intradisciplinaire à l’objectivation extradisciplinaire (histoire philosophique et savante de la philosophie)
1- Remarques générales sur les rapports d’une discipline à son historiographie
2- De la sociologie de la philosophie à l’histoire scientifique de la philosophie

Quatrième de couverture:
Penser n’est pas associer des idées ou vagabonder par l’esprit. C’est u... more Quatrième de couverture:
Penser n’est pas associer des idées ou vagabonder par l’esprit. C’est un effort. Notre nature nous porterait plutôt vers la croyance, le conformisme et l’obéissance. « Penser, c’est dire non », remarquait Alain : non aux apparences, non aux dogmes, non aux autorités. Telle est la première exigence de la pensée : la vigilance critique. Il s’agit de cesser de croire, au moyen d’un scepticisme bien compris. L’esprit critique est le marteau avec lequel la philosophie casse toutes les idoles.
Mais jusqu’où aller dans ce travail de sape ? Après avoir déboulonné Dieu, l’Âme et la Raison, l’intelligence réductionniste doit-elle encore s’en prendre au Sujet, à l’Homme et à la Liberté ? Ce serait prolonger la Modernité en modernisme. Le penseur affirmant l’impuissance de sa pensée ressemble à un enfant cassant son jouet. Pour penser, il faut parier dans les vertus de la pensée. Ce n’est plus de la croyance ou de l’idolâtrie, mais le principe d’une seconde exigence. L’exigence méta-critique sauve le scepticisme du nihilisme : tout ne se vaut pas. Penser, c’est aussi juger, hiérarchiser et gouverner ses idées.
On appelle scepticisme constructif l’association paradoxale de ces deux exigences, qui définit le cercle dans lequel se meut la philosophie. Chercher les conditions, les limites et les réquisits de la pensée, c’est aussi s’interroger sur la nature de la philosophie et sur la spécificité du problème philosophique.

Sous-titre: Parcours thématique et historique des gestes fondateurs par lesquels les philosophes ... more Sous-titre: Parcours thématique et historique des gestes fondateurs par lesquels les philosophes ont défini la nature de la pensé et sa vocation
Quatrième de couverture:
Philosopher n’est pas expliciter ou développer des opinions, mais s’efforcer de rompre avec celles-ci en projetant sur les choses l’éclairage salvateur de la pensée. Amoureux de la sagesse, le philo-sophos l’est aussi de la vérité : il est en chemin vers la vérité. Mais comment aller au vrai en partant du faux ? Comment trouver une première vérité, se demandait Descartes ? Comment même la chercher si on en ignore totalement la nature, remarquait Platon avant lui ? C’est ainsi que le problème du commencement − de sa nécessaire mais impossible autolégitimation − a traversé toute l’histoire de la philosophie. Qu’on le prenne au sérieux au point d’y consacrer sa vie (comme ont fait Fichte, Schelling, Hegel, Husserl, et bien d’autres), ou qu’on en dénonce la vacuité et l’inutilité (comme certains empiristes, existentialistes ou philosophes analytiques), la question du commencement a toujours hanté la philosophie. Il est donc nécessaire de faire le point sur ce “fantôme”, et pour cela de dresser une typologie des commencements, qui se présente comme un vaste parcours historique.
Mais la lecture des auteurs doit d’abord servir l’instruction du problème lui-même. Il apparaît naïf de concevoir le commencement comme une rupture absolue inaugurant le règne de la Vérité. Irréductible aux associations d’idées et aux réflexions circonstanciées qui ponctuent notre vie quotidienne, la philosophie ne part pourtant pas de rien. S’interroger sur le commencement revient ainsi à se demander ce que suppose la pensée philosophique, ce qu’elle est en droit d’espérer, et ce dont elle doit désespérer. En pensant les possibilités et les limites de l’entreprise de systématisation, on est donc amené à réfléchir sur la vocation de la philosophie et sur la nature de la pensée, de sorte que ce questionnement réflexif pourrait bien être le commencement authentique.
Articles by Vincent Citot
Le Philosophoire, 2024
Résumé
Les individus n’étant pas des atomes indépendants, mais des participants engagés dans une... more Résumé
Les individus n’étant pas des atomes indépendants, mais des participants engagés dans une société, ils ont en partage certains biens, que l’on peut appeler biens communs. Chaque société a les siens en fonction de sa complexité propre, mais aucune n’est absolument originale, de sorte qu’il existe des biens communs que l’on retrouve à l’identique d’une société à l’autre ; ce sont des biens communs transsociétaux et transculturels (à distinguer des biens mondiaux d’une hypothétique société mondiale). Leur mise en évidence requiert un point de vue anthropologique, le seul à même de brasser l’ensemble des savoirs ici monopolisés. Nous proposons une classification des biens communs à toute société, sur les plans démographique, psycho-social, économique, culturel et intellectuel.
Le Philosophoire, 2024
Résumé
La philosophie, dans toutes ses dimensions et spécialités, est une activité qui s’exerce ... more Résumé
La philosophie, dans toutes ses dimensions et spécialités, est une activité qui s’exerce en contexte (historique, culturel et sociopolitique) en même temps qu’elle ambitionne de s’élever à l’universel et au transculturel. Mais le poids du contexte n’affecte pas identiquement tous les champs de la discipline. Dans le domaine cognitif, il est écrasant ; dans le domaine axiologique, il est modéré ; dans le domaine pratique, il est léger. Les questionnements existentiels, qui relèvent de la philosophie pratique, sont particulièrement peu contextualisés. Ils sont presque invariables, parce que l’existence humaine est, au fond, assez semblable à elle-même par-delà la diversité des existants. L’universalisme existentiel est d’un autre ordre que l’universalisme théorique.

Krisis, 2021
L’objectif de ce texte n’est pas de dire ce qu’il faudrait valoriser (désirer, aimer, vouloir, ad... more L’objectif de ce texte n’est pas de dire ce qu’il faudrait valoriser (désirer, aimer, vouloir, admirer, projeter), mais de déterminer dans quelle mesure un discours normatif pourrait être lui-même légitime. Si l’ambition de trouver des normes universelles, fondamentales ou rationnelles s’avérait illusoire, que resterait-il des valeurs, de la morale, du droit ou de la politique ? Autrement dit, comment s’engager dans un système de normes particulier une fois abandonnés universalisme et rationalisme ? Si rien ne vaut absolument, tout se vaut-il pour autant ? Si tout ne se vaut pas, de quel point de vue se placer pour établir des hiérarchies ? Qui détermine le critère de ces dernières si l’on renonce aux fondations métaphysiques traditionnelles des valeurs ? – Tradition, Ancêtres, dieux, monde d’En-Haut, Nature, Raison, Histoire, etc. Les valeurs, sans leur fondement, valent-elles encore quelque chose ? Peut-on justifier et légitimer sans fonder ? Quels seraient les contours d’une morale et d’une politique pour un esprit qui tenterait de se déniaiser totalement ? Une vie entière ne suffirait pas à répondre à ces questions ; nous nous contentons ici de les préciser et d’indiquer des pistes de réflexion.

Le Philosophoire, 54, 2020
Le XVIIIe siècle correspond à une période exceptionnelle dans les histoires des philosophies euro... more Le XVIIIe siècle correspond à une période exceptionnelle dans les histoires des philosophies européenne, chinoise et japonaise. C’est en effet à cette époque qu’apparaît une nouvelle classe de libres penseurs renouvelant puissamment la vie intellectuelle, que la réflexion se tourne vers l’étude de la nature et de la société en adoptant un état d’esprit positif et, enfin, qu’un nouveau type de savoir sur l’homme se dessine qui prendra peu après la forme des « sciences humaines ». Aussi bien en Europe qu’en Chine et au Japon, les grands penseurs du XVIIIe siècle sont identiquement philosophes et savants. Or dès les années 1775-1800, le nombre de ces philosophes-savants décline brusquement tandis que les sciences franchissent un cap décisif dans la voie de l’autonomisation disciplinaire. Il s’agit de comprendre comment s’est opérée la séparation science-philosophie et quelles en sont les conséquences pour la vitalité de la production philosophique.
Abstract
The eighteenth century corresponds to an exceptional period in the histories of European, Chinese and Japanese philosophies. It is at this time that a class of freethinkers renews the intellectual life, that the reflection turns to the study of nature and society by adopting a experimental point of view and finally that a new type of knowledge about man is emerging which will take later the form of the "human sciences". In Europe as well as in China and Japan, the great thinkers of the eighteenth century are identically philosophers and scientists. However, around 1775-1800, the number of these philosophers-scientists declines abruptly while the sciences turn to the autonomization process. It’s worth to understand how the science-philosophy separation took place and which consequences for the vitality of philosophical production.

In J. Leclercq et P. Lorelle (dirs.), Considérations phénoménologiques sur le monde, 2020
Depuis la volonté husserlienne d’instituer la phénoménologie comme « une science rigoureuse » j... more Depuis la volonté husserlienne d’instituer la phénoménologie comme « une science rigoureuse » jusqu’aux recherches contemporaines visant à « naturaliser la phénoménologie », la phénoménologie s’est toujours pensée dans son rapport aux sciences. Tantôt pour nourrir l’ambition d’une archi-science, tantôt pour corriger ou infléchir les méthodes des sciences positives, tantôt pour rejeter radicalement l’ambition scientifique en tant que telle, tantôt pour renouer un dialogue et négocier une répartition des tâches. Nous essayerons de dégager un bilan de ces relations et de voir dans quelle mesure les démarches phénoménologique et scientifique correspondent à des projets intellectuels compatibles. A notre sens, la phénoménologie n’est viable qu’en reconsidérant son rapport aux sciences ainsi qu’aux exigences propres à la pensée philosophique.

Le Philosophoire, 52 , 2019
Résumé
De même que les politologues n’ont pas le monopole de la pensée politique, les philosophes... more Résumé
De même que les politologues n’ont pas le monopole de la pensée politique, les philosophes ne sont pas les seuls à philosopher. Des théologiens, des savants, des écrivains, des politiques, des juristes ou des philologues (liste non exhaustive) ont, à travers l’histoire, contribué d’une façon significative à la pensée philosophique. Or il nous semble que ces contributions sont négligées par les historiographes de la philosophie. Nous montrons l’intérêt qu’il y aurait à reconsidérer les méthodes d’écriture de l’histoire de la philosophie pour que celle-ci soit plus inclusive, en insistant particulièrement sur l’apport des scientifiques à la pensée philosophique. Comme ce travail engage une certaine conception de la philosophie, nous commençons par proposer des définitions.
Abstract
Just as political scientists do not have the monopoly on political thought, philosophers are not the only ones to philosophize. Theologians, scholars, writers, politicians, jurists, and philologists (and many others) have, throughout history, made significant contributions to philosophical thought. However, it seems that these contributions have been neglected by historiographers of philosophy. We demonstrate the benefits of reconsidering the methods of writing the history of philosophy in order to make it more inclusive, with a particular focus on the contribution of scientists to philosophical thought. As this work is based on a certain conception of philosophy, we begin by offering some definitions.

Le Philosophoire, 50 , 2018
Résumé
Nous ne prétendons pas dire quels usages les philosophes doivent faire de leur passé (tou... more Résumé
Nous ne prétendons pas dire quels usages les philosophes doivent faire de leur passé (tous sont légitimes dès lors qu’ils sont intellectuellement stimulants), mais comment connaître celui-ci. L’assimilation coutumière de tout discours sur les auteurs de la tradition à de « l’histoire de la philosophie » est fâcheuse car elle brouille les exigences d’une authentique histoire savante, c’est-à-dire d’une connaissance la plus objective possible du passé. Il s’agit ici de réfléchir aux conditions sous lesquelles une telle histoire est possible : critères de scientificité en général et méthodologie particulière en historiographie. Nous insistons sur l’intérêt de se donner des objets assez vastes dans le temps et l’espace et de contextualiser les œuvres plutôt que de s’en tenir à leur contenu doctrinal explicite.
Abstract
We do not say how philosophers must treat with their past (everything is suitable as long as it intellectually stimulating), but how to know this one. The usual identification of any discourse on the authors of the tradition to the "history of philosophy" is inappropiate and blurs the requirements of an authentic scholarly history, that is to say, a knowledge of the past as objective as possible. Here, we present the conditions under which such a history is possible: criteria of scientificity in general and particular methodology in historiography. We insist on the interest of studying large-scale objects in time and space and of contextualizing the works rather than focusing on their explicit doctrinal content.

Collectif: Problèmes épistémologiques en histoire de la philosophie, 2017
L'article montre que l'écriture de l'histoire de la philosophie souffre aujourd'hui encore d'un d... more L'article montre que l'écriture de l'histoire de la philosophie souffre aujourd'hui encore d'un déficit de questionnement méthodologique et épistémologique. Cela tient d’abord à la confusion entretenue entre plusieurs types de tâches : écrire l'histoire de la philosophie n'est pas simplement restituer les doctrines du passé, expliquer ou commenter les auteurs de la tradition. D’autre part le fait que cette histoire soit essentiellement écrite par des philosophes introduit une certaine confusion dans les fins poursuivies, car se donner pour objet de connaître le passé et y trouver occasion de philosopher sont des objectifs distincts. En comparant les historiographies des autres disciplines (histoire des sciences, histoire des religions, histoire de l’art, etc.) à l’historiographie de la philosophie, nous indiquons quel tournant épistémologique devrait opérer cette dernière.
L'enseignement philosophique, 2018
L’objet de cet article est triple. Il s’agit d’abord de montrer que l’enseignement de la philosop... more L’objet de cet article est triple. Il s’agit d’abord de montrer que l’enseignement de la philosophie se heurte à certaines difficultés structurelles et inévitables, qui tiennent à la spécificité de la discipline. Nous nous demandons ensuite à quelles conditions cet enseignement peut être malgré tout efficient. Ces conditions étant rarement réunies, nous examinons les mérites et démérites de trois attitudes possibles pour faire face aux difficultés rencontrées aujourd’hui.
Actes du colloque "L’enseignement de la philosophie, aujourd’hui et demain" (APPEP), juin, 2017
Qu’est-ce qu’un problème philosophique et quelle est sa spécificité par rapport à d’autres types ... more Qu’est-ce qu’un problème philosophique et quelle est sa spécificité par rapport à d’autres types de problèmes théoriques ? Après avoir dégagé cette spécificité sur un plan général, nous montrons qu’il n’est pas possible d’exiger des élèves de Terminale qu’ils problématisent leurs dissertations sur ce modèle. Construire une « problématique » est généralement intimidant pour eux, qui ne voient pas spontanément la différence entre formuler une question et élaborer un problème. Nous tentons donc de définir ce que pourrait être un enseignement de la problématisation philosophique qui fasse droit aussi bien à la spécificité de cette discipline qu’au niveau attendu d’un candidat au Baccalauréat.

Le Philosophoire, 2017
La philosophie arabe médiévale est surtout connue par les grands auteurs que sont Al-Fârâbî, Avic... more La philosophie arabe médiévale est surtout connue par les grands auteurs que sont Al-Fârâbî, Avicenne, Al-Ghazâlî, Ibn Bâjja, Averroès ou Sohrawardi. On l’identifie souvent avec la falsafa, c’est-à-dire avec celle qui trouve dans la pensée hellénique et hellénistique sa principale source d’inspiration. Cette identification tend à occulter des périodes d’une densité exceptionnelle du point de vue de l’audace intellectuelle et de la créativité philosophique : celles qui précèdent Al-Fârâbî pour l’Islam oriental, et Ibn Bâjja pour l’Islam andalou. L’apogée de la libre pensée en Islam est antérieur à la constitution des grands systèmes philosophiques.
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Abstract:
Medieval Arab philosophy is particularly well known for its major authors: Al-Fârâbî, Avicenna, Al-Ghazâlî, Ibn Bâjja, Averroes, and Suhrawardi. It is often likened to or considered to be the same thing as falsafa, work whose principal inspiration is Hellenic and Hellenistic thought. This tends to obscure periods of intense intellectual audacity and philosophical creativity: those preceding Al-Fârâbi in Eastern Islam and Ibn Bâjja in Andalusian Islam. The apogee of Islamic free thinking happens before the creation of the major philosophical systems.
Revue de Théologie et de Philosophie, 2016
Si la pensée arabe andalouse est surtout connue par les grands auteurs du XIIe siècle comme Ibn B... more Si la pensée arabe andalouse est surtout connue par les grands auteurs du XIIe siècle comme Ibn Bâjja, Ibn Tufayl et Averroès, on ne saurait la réduire à cette période relativement tardive de son développement. Non seulement la philosophie d’Al-Andalus naît bien avant le XIIe siècle, mais en plus elle prend des formes originales qu’il serait réducteur de qualifier simplement de « préclassiques ». L’association étroite de la pensée philosophique à la pensée scientifique et une promotion de la libre pensée sont les caractères de cette pensée andalouse peu connue, qui culmine entre la fin du Xe siècle et le milieu du XIe siècle.

in "Jules Lequier", dir. Frédéric Worms et Goulven Le Brech, 2016
La démarche philosophique qui consiste, pour l'individu pensant, à vouloir retrouver en lui-même ... more La démarche philosophique qui consiste, pour l'individu pensant, à vouloir retrouver en lui-même et par lui-même le fondement de toutes les vérités et les principes de toute science, n'est-elle pas trop audacieuse et vaniteuse ? N'est-ce pas une présomption outrée qui fait chercher au philosophe, dans l'isolement réflexif, des motifs d'adhérer ou de rejeter les savoirs accumulés par l'humanité depuis des milliers d'années ? Cette recherche du commencement par la mise entre parenthèses des savoirs positifs, et par la seule consultation de soi-même, ressemble un peu à l'égocentrisme mégalomaniaque infantile dont parlent certains psychanalystes et psychologues 1 et dont la sagesse consisterait plutôt à se déprendre. C'est en sortant de soi et en renonçant au fantasme de la toute-puissance de sa pensée que l'on se libère des illusions, et d'abord de l'illusion de cette toute-puissance. Certes, mais n'est-ce pas d'abord dans la réflexion intérieure que doit se trouver le chemin de cette décentration salvatrice ?

Revue philosophique de Louvain, 2014
Quoique l’ontologie de Spinoza – comprise ici comme un monisme duel – constitue une référence maj... more Quoique l’ontologie de Spinoza – comprise ici comme un monisme duel – constitue une référence majeure des spéculations ontologiques depuis plus de trois siècles, il n’existe pas, à ce jour, de travaux montrant l’héritage de cette pensée dans sa continuité historique. Nous tâchons donc de combler cette lacune, en particulier pour ce qui concerne l’âge d’or de la pensée spinoziste : la seconde moitié du XIXe siècle. Retracer cette histoire est l’occasion de comprendre les motifs fondamentaux de la philosophie du monisme duel, et sa profondeur théorique. Comme la naissance de la psychologie scientifique est le contexte intellectuel dans lequel la pensée spinoziste s’est constituée en paradigme, ce travail voudrait également fournir une base pour la réflexion sur les rapports de l’histoire de la philosophie à l’histoire des sciences, et sur l’autonomie du discours philosophique en général.
Nota bene: erreur en première page: "Le matérialisme ontologique, par exemple, n’est pas concevable dans la philosophie [...] chinoise du VIe siècle av. J.-C."
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La marche de l’histoire
Évolution des sociétés, cultures et idées, des clans préhistoriques au 21e siècle
Dialogue entre Vincent Citot et Jean-François Dortier
Quel est le rôle des idées et des idéologies dans l’évolution des sociétés ? Quelles sont les dynamiques de l’évolution culturelle ? Comment émergent les civilisations ? Connaissent-elles des cycles ? L’Occident permet-il, depuis la Révolution industrielle, d’affranchir le monde des rythmes historiques millénaires ?
Ces questions renouent avec de vieilles réflexions sur l’histoire universelle, longtemps délaissées par les historiens. Elles peuvent aujourd’hui être reposées sur des bases nouvelles grâce au progrès de l’histoire et des sciences sociales contemporaines.
Dans son précédent livre, Histoire mondiale de la philosophie (PUF), Vincent Citot met au jour des cycles profonds scandant le mouvement des idées dans huit civilisations, de la Grèce au Japon. Jean-François Dortier, à travers ses nombreuses publications sur l’évolution des savoirs (scientifiques et techniques), repère quant à lui des âges d’or et des âges sombres, des bifurcations et des transferts. Leurs deux approches diffèrent sur les tendances évolutives et leurs moteurs. C’était donc l’occasion d’un dialogue amical mais sans concession.
Jean-François Dortier
Humanologue, fondateur de la revue Sciences Humaines et auteur de nombreux ouvrages dont L’Homme cet étrange animal et Les Humains mode d’emploi (Éditions Sciences Humaines).
Vincent Citot
Directeur de la revue Le Philosophoire, il enseigne la philosophie à l'INSPE de Paris – Sorbonne Université. Il est notamment l’auteur de Histoire mondiale de la philosophie. Une histoire comparée des cycles de la vie intellectuelle dans huit civilisations (PUF, 2022).
Prix : 18,00 € ISBN : 978-2-36106-906-3
SOMMAIRE:
Introduction
Une histoire civilisationnelle
Une histoire intellectuelle
Une histoire cyclique
Une histoire comparative
Une histoire savante
I. La philosophie grecque
II. La philosophie romaine
III. La philosophie en Islam
IV. La philosophie euro-occidentale
V. La philosophie russe
VI. La philosophie indienne
VII. La philosophie chinoise
VIII. La philosophie japonaise
Conclusion
Hypothèses évolutionnaires à propos des récurrences historiques
Traits généraux des périodes préclassique, classique et postclassique
Cet ouvrage est motivé par ce constat paradoxal : alors que l’histoire de la philosophie a pris une importance énorme dans la production philosophique, la réflexion épistémologique sur les méthodes et les enjeux de cette histoire est restée tout à fait négligée. Or, faire quelque chose sans s’interroger sur la façon dont on le fait, c’est prendre le risque de mal le faire. Parmi le grand nombre de questions qui se posent à cet égard, on doit se demander que signifie bien comprendre un auteur du passé ? Faut-il considérer avant tout ce qu’il a voulu dire, ou bien expliquer ce qu’il a dit par des influences souterraines non conscientes ? Faut-il expliquer les penseurs par les courants qui les comprennent, ou bien ne considérer les courants, les écoles et les traditions que comme des affiliations intellectuelles abstraites ? L’histoire de la philosophie doit-elle servir à former le jugement philosophique présent, ou bien valoir pour elle-même ? Qui est le plus à même de l’écrire : l’historien ou le philosophe ? Qui doit l’enseigner, et selon quelle méthode ? La seule thèse que cet ouvrage se permet de défendre est celle-ci : toutes ces questions se posent, et l’historien de la philosophie aurait profit à se les poser plus frontalement qu’il ne le fait de coutume. Les contributions regroupées ici l’y aideront.
Contributeurs
Pascal Charbonnat, Stéphane Chauvier, Vincent Citot, David Cosandey, Stanislas Deprez, François Dosse, Frédéric Fruteau de Laclos, Christophe Giolito, Christian Godin, Michel Hulin, Alain Laurent, Jean-Michel Muglioni, Louis Pinto, Serge Trottein, Dominique Urvoy, Stéphane Van Damme, Nicolas Zufferey
Table des matières
Présentation – Vincent Citot
Première partie – Philosophie, histoire, sociologie
François Dosse – Historiens et philosophes : généalogie d’un non-rapport
Stéphane Van Damme – Une approche historienne de la philosophie de l’époque moderne est-elle possible ?
Vincent Citot – L’histoire de la philosophie comme science rigoureuse
Louis Pinto – Le sociologue face à l’histoire de la philosophie
Stanislas Deprez – Pour une histoire rhétorique et critique de la philosophie
Deuxième partie – Questionnements épistémologiques et philosophiques
Frédéric Fruteau de Laclos – Comment on écrit l’histoire de la philosophie
Christophe Giolito – L’histoire de la philosophie : problèmes et pratique
Jean-Michel Muglioni – Lire les philosophes
Stéphane Chauvier – Compréhension réelle et compréhension simulée : deux façons de lire les philosophes du passé
Pascal Charbonnat –Vers un modèle pour l’historiographie des énoncés philosophiques
Christian Godin – La consistance du concept d’histoire de la philosophie
Troisième partie – Historiographie des philosophies non occidentales
Dominique Urvoy – À propos de l’histoire de la philosophie
Michel Hulin – La « philosophie » indienne a-t-elle une histoire ?
Nicolas Zufferey – L’histoire de la philosophie chinoise : problèmes épistémologiques
Quatrième partie – Esthétique, histoire des sciences, pensée politique
Serge Trottein – Esthétique et historiographie
David Cosandey – Histoire des sciences et histoire de la philosophie : cousines, soeurs ou jumelles ?
Alain Laurent – De quoi le libéralisme est-il vraiment le nom ?
Réfléchir à la réflexion, penser la pensée et philosopher sur la philosophie, voilà ce que l’on propose de faire ici. Cette démarche est moins formelle qu’il n’y paraît, car interroger la nature et les exigences de la pensée philosophique engage toute une philosophie. Une philosophie qui n’est pas dupe d’elle-même et qui commence par examiner sa propre finitude. « La dernière démarche de la raison, c’est de connaître qu’il y a une infinité de choses qui la surpassent. Elle est bien faible si elle ne va jusque là », disait Pascal. Nous montrons dans un esprit proche que la réflexion est d’autant plus puissante qu’elle reconnaît son impuissance, comme la philosophie authentique doit se savoir doublement bornée, par la pensée scientifique d’une part, et par la pensée mystique d’autre part. Il ne s’agit pas de rabaisser la philosophie, mais au contraire de lui permettre de comprendre ce qui la comprend et de trouver sa juste place dans le champ intellectuel.
Table des matières
Partie I – Enjeux ontologiques, gnoséologiques et axiologiques de la réflexion
1- Fécondité de la réflexion, primat phénoménologique de l’irréfléchi, et horizon métaphysique de la réflexivité philosophique
2- Les insuffisances gnoséologiques de la réflexion et l’horizon scientifique de la philosophie
3- La réflexion sur les valeurs et les valeurs immanentes à la réflexion
Partie II – La religion, la philosophie, la science et la mystique : progrès et bornes de la réflexion théorique
1- Les progrès de la réflexion théorique : la religion, la philosophie et la science
2- Les bornes de la réflexion théorique : la science, la philosophie et la mystique
Partie III – Nature et exigences de la pensée philosophique (étude sur la philosophie et philosophie de la philosophie)
1- Remarques introductives sur le projet de définir la philosophie et d’évaluer les philosophies
2- Les exigences théoriques de la philosophie
3- Les exigences pratiques de la philosophie
4- Bilan sur les questions de définition et d’évaluation
Partie IV – De la réflexivité intradisciplinaire à l’objectivation extradisciplinaire (histoire philosophique et savante de la philosophie)
1- Remarques générales sur les rapports d’une discipline à son historiographie
2- De la sociologie de la philosophie à l’histoire scientifique de la philosophie
Penser n’est pas associer des idées ou vagabonder par l’esprit. C’est un effort. Notre nature nous porterait plutôt vers la croyance, le conformisme et l’obéissance. « Penser, c’est dire non », remarquait Alain : non aux apparences, non aux dogmes, non aux autorités. Telle est la première exigence de la pensée : la vigilance critique. Il s’agit de cesser de croire, au moyen d’un scepticisme bien compris. L’esprit critique est le marteau avec lequel la philosophie casse toutes les idoles.
Mais jusqu’où aller dans ce travail de sape ? Après avoir déboulonné Dieu, l’Âme et la Raison, l’intelligence réductionniste doit-elle encore s’en prendre au Sujet, à l’Homme et à la Liberté ? Ce serait prolonger la Modernité en modernisme. Le penseur affirmant l’impuissance de sa pensée ressemble à un enfant cassant son jouet. Pour penser, il faut parier dans les vertus de la pensée. Ce n’est plus de la croyance ou de l’idolâtrie, mais le principe d’une seconde exigence. L’exigence méta-critique sauve le scepticisme du nihilisme : tout ne se vaut pas. Penser, c’est aussi juger, hiérarchiser et gouverner ses idées.
On appelle scepticisme constructif l’association paradoxale de ces deux exigences, qui définit le cercle dans lequel se meut la philosophie. Chercher les conditions, les limites et les réquisits de la pensée, c’est aussi s’interroger sur la nature de la philosophie et sur la spécificité du problème philosophique.
Quatrième de couverture:
Philosopher n’est pas expliciter ou développer des opinions, mais s’efforcer de rompre avec celles-ci en projetant sur les choses l’éclairage salvateur de la pensée. Amoureux de la sagesse, le philo-sophos l’est aussi de la vérité : il est en chemin vers la vérité. Mais comment aller au vrai en partant du faux ? Comment trouver une première vérité, se demandait Descartes ? Comment même la chercher si on en ignore totalement la nature, remarquait Platon avant lui ? C’est ainsi que le problème du commencement − de sa nécessaire mais impossible autolégitimation − a traversé toute l’histoire de la philosophie. Qu’on le prenne au sérieux au point d’y consacrer sa vie (comme ont fait Fichte, Schelling, Hegel, Husserl, et bien d’autres), ou qu’on en dénonce la vacuité et l’inutilité (comme certains empiristes, existentialistes ou philosophes analytiques), la question du commencement a toujours hanté la philosophie. Il est donc nécessaire de faire le point sur ce “fantôme”, et pour cela de dresser une typologie des commencements, qui se présente comme un vaste parcours historique.
Mais la lecture des auteurs doit d’abord servir l’instruction du problème lui-même. Il apparaît naïf de concevoir le commencement comme une rupture absolue inaugurant le règne de la Vérité. Irréductible aux associations d’idées et aux réflexions circonstanciées qui ponctuent notre vie quotidienne, la philosophie ne part pourtant pas de rien. S’interroger sur le commencement revient ainsi à se demander ce que suppose la pensée philosophique, ce qu’elle est en droit d’espérer, et ce dont elle doit désespérer. En pensant les possibilités et les limites de l’entreprise de systématisation, on est donc amené à réfléchir sur la vocation de la philosophie et sur la nature de la pensée, de sorte que ce questionnement réflexif pourrait bien être le commencement authentique.
Articles by Vincent Citot
Les individus n’étant pas des atomes indépendants, mais des participants engagés dans une société, ils ont en partage certains biens, que l’on peut appeler biens communs. Chaque société a les siens en fonction de sa complexité propre, mais aucune n’est absolument originale, de sorte qu’il existe des biens communs que l’on retrouve à l’identique d’une société à l’autre ; ce sont des biens communs transsociétaux et transculturels (à distinguer des biens mondiaux d’une hypothétique société mondiale). Leur mise en évidence requiert un point de vue anthropologique, le seul à même de brasser l’ensemble des savoirs ici monopolisés. Nous proposons une classification des biens communs à toute société, sur les plans démographique, psycho-social, économique, culturel et intellectuel.
La philosophie, dans toutes ses dimensions et spécialités, est une activité qui s’exerce en contexte (historique, culturel et sociopolitique) en même temps qu’elle ambitionne de s’élever à l’universel et au transculturel. Mais le poids du contexte n’affecte pas identiquement tous les champs de la discipline. Dans le domaine cognitif, il est écrasant ; dans le domaine axiologique, il est modéré ; dans le domaine pratique, il est léger. Les questionnements existentiels, qui relèvent de la philosophie pratique, sont particulièrement peu contextualisés. Ils sont presque invariables, parce que l’existence humaine est, au fond, assez semblable à elle-même par-delà la diversité des existants. L’universalisme existentiel est d’un autre ordre que l’universalisme théorique.
Abstract
The eighteenth century corresponds to an exceptional period in the histories of European, Chinese and Japanese philosophies. It is at this time that a class of freethinkers renews the intellectual life, that the reflection turns to the study of nature and society by adopting a experimental point of view and finally that a new type of knowledge about man is emerging which will take later the form of the "human sciences". In Europe as well as in China and Japan, the great thinkers of the eighteenth century are identically philosophers and scientists. However, around 1775-1800, the number of these philosophers-scientists declines abruptly while the sciences turn to the autonomization process. It’s worth to understand how the science-philosophy separation took place and which consequences for the vitality of philosophical production.
De même que les politologues n’ont pas le monopole de la pensée politique, les philosophes ne sont pas les seuls à philosopher. Des théologiens, des savants, des écrivains, des politiques, des juristes ou des philologues (liste non exhaustive) ont, à travers l’histoire, contribué d’une façon significative à la pensée philosophique. Or il nous semble que ces contributions sont négligées par les historiographes de la philosophie. Nous montrons l’intérêt qu’il y aurait à reconsidérer les méthodes d’écriture de l’histoire de la philosophie pour que celle-ci soit plus inclusive, en insistant particulièrement sur l’apport des scientifiques à la pensée philosophique. Comme ce travail engage une certaine conception de la philosophie, nous commençons par proposer des définitions.
Abstract
Just as political scientists do not have the monopoly on political thought, philosophers are not the only ones to philosophize. Theologians, scholars, writers, politicians, jurists, and philologists (and many others) have, throughout history, made significant contributions to philosophical thought. However, it seems that these contributions have been neglected by historiographers of philosophy. We demonstrate the benefits of reconsidering the methods of writing the history of philosophy in order to make it more inclusive, with a particular focus on the contribution of scientists to philosophical thought. As this work is based on a certain conception of philosophy, we begin by offering some definitions.
Nous ne prétendons pas dire quels usages les philosophes doivent faire de leur passé (tous sont légitimes dès lors qu’ils sont intellectuellement stimulants), mais comment connaître celui-ci. L’assimilation coutumière de tout discours sur les auteurs de la tradition à de « l’histoire de la philosophie » est fâcheuse car elle brouille les exigences d’une authentique histoire savante, c’est-à-dire d’une connaissance la plus objective possible du passé. Il s’agit ici de réfléchir aux conditions sous lesquelles une telle histoire est possible : critères de scientificité en général et méthodologie particulière en historiographie. Nous insistons sur l’intérêt de se donner des objets assez vastes dans le temps et l’espace et de contextualiser les œuvres plutôt que de s’en tenir à leur contenu doctrinal explicite.
Abstract
We do not say how philosophers must treat with their past (everything is suitable as long as it intellectually stimulating), but how to know this one. The usual identification of any discourse on the authors of the tradition to the "history of philosophy" is inappropiate and blurs the requirements of an authentic scholarly history, that is to say, a knowledge of the past as objective as possible. Here, we present the conditions under which such a history is possible: criteria of scientificity in general and particular methodology in historiography. We insist on the interest of studying large-scale objects in time and space and of contextualizing the works rather than focusing on their explicit doctrinal content.
///
Abstract:
Medieval Arab philosophy is particularly well known for its major authors: Al-Fârâbî, Avicenna, Al-Ghazâlî, Ibn Bâjja, Averroes, and Suhrawardi. It is often likened to or considered to be the same thing as falsafa, work whose principal inspiration is Hellenic and Hellenistic thought. This tends to obscure periods of intense intellectual audacity and philosophical creativity: those preceding Al-Fârâbi in Eastern Islam and Ibn Bâjja in Andalusian Islam. The apogee of Islamic free thinking happens before the creation of the major philosophical systems.
Nota bene: erreur en première page: "Le matérialisme ontologique, par exemple, n’est pas concevable dans la philosophie [...] chinoise du VIe siècle av. J.-C."
La marche de l’histoire
Évolution des sociétés, cultures et idées, des clans préhistoriques au 21e siècle
Dialogue entre Vincent Citot et Jean-François Dortier
Quel est le rôle des idées et des idéologies dans l’évolution des sociétés ? Quelles sont les dynamiques de l’évolution culturelle ? Comment émergent les civilisations ? Connaissent-elles des cycles ? L’Occident permet-il, depuis la Révolution industrielle, d’affranchir le monde des rythmes historiques millénaires ?
Ces questions renouent avec de vieilles réflexions sur l’histoire universelle, longtemps délaissées par les historiens. Elles peuvent aujourd’hui être reposées sur des bases nouvelles grâce au progrès de l’histoire et des sciences sociales contemporaines.
Dans son précédent livre, Histoire mondiale de la philosophie (PUF), Vincent Citot met au jour des cycles profonds scandant le mouvement des idées dans huit civilisations, de la Grèce au Japon. Jean-François Dortier, à travers ses nombreuses publications sur l’évolution des savoirs (scientifiques et techniques), repère quant à lui des âges d’or et des âges sombres, des bifurcations et des transferts. Leurs deux approches diffèrent sur les tendances évolutives et leurs moteurs. C’était donc l’occasion d’un dialogue amical mais sans concession.
Jean-François Dortier
Humanologue, fondateur de la revue Sciences Humaines et auteur de nombreux ouvrages dont L’Homme cet étrange animal et Les Humains mode d’emploi (Éditions Sciences Humaines).
Vincent Citot
Directeur de la revue Le Philosophoire, il enseigne la philosophie à l'INSPE de Paris – Sorbonne Université. Il est notamment l’auteur de Histoire mondiale de la philosophie. Une histoire comparée des cycles de la vie intellectuelle dans huit civilisations (PUF, 2022).
Prix : 18,00 € ISBN : 978-2-36106-906-3
SOMMAIRE:
Introduction
Une histoire civilisationnelle
Une histoire intellectuelle
Une histoire cyclique
Une histoire comparative
Une histoire savante
I. La philosophie grecque
II. La philosophie romaine
III. La philosophie en Islam
IV. La philosophie euro-occidentale
V. La philosophie russe
VI. La philosophie indienne
VII. La philosophie chinoise
VIII. La philosophie japonaise
Conclusion
Hypothèses évolutionnaires à propos des récurrences historiques
Traits généraux des périodes préclassique, classique et postclassique
Cet ouvrage est motivé par ce constat paradoxal : alors que l’histoire de la philosophie a pris une importance énorme dans la production philosophique, la réflexion épistémologique sur les méthodes et les enjeux de cette histoire est restée tout à fait négligée. Or, faire quelque chose sans s’interroger sur la façon dont on le fait, c’est prendre le risque de mal le faire. Parmi le grand nombre de questions qui se posent à cet égard, on doit se demander que signifie bien comprendre un auteur du passé ? Faut-il considérer avant tout ce qu’il a voulu dire, ou bien expliquer ce qu’il a dit par des influences souterraines non conscientes ? Faut-il expliquer les penseurs par les courants qui les comprennent, ou bien ne considérer les courants, les écoles et les traditions que comme des affiliations intellectuelles abstraites ? L’histoire de la philosophie doit-elle servir à former le jugement philosophique présent, ou bien valoir pour elle-même ? Qui est le plus à même de l’écrire : l’historien ou le philosophe ? Qui doit l’enseigner, et selon quelle méthode ? La seule thèse que cet ouvrage se permet de défendre est celle-ci : toutes ces questions se posent, et l’historien de la philosophie aurait profit à se les poser plus frontalement qu’il ne le fait de coutume. Les contributions regroupées ici l’y aideront.
Contributeurs
Pascal Charbonnat, Stéphane Chauvier, Vincent Citot, David Cosandey, Stanislas Deprez, François Dosse, Frédéric Fruteau de Laclos, Christophe Giolito, Christian Godin, Michel Hulin, Alain Laurent, Jean-Michel Muglioni, Louis Pinto, Serge Trottein, Dominique Urvoy, Stéphane Van Damme, Nicolas Zufferey
Table des matières
Présentation – Vincent Citot
Première partie – Philosophie, histoire, sociologie
François Dosse – Historiens et philosophes : généalogie d’un non-rapport
Stéphane Van Damme – Une approche historienne de la philosophie de l’époque moderne est-elle possible ?
Vincent Citot – L’histoire de la philosophie comme science rigoureuse
Louis Pinto – Le sociologue face à l’histoire de la philosophie
Stanislas Deprez – Pour une histoire rhétorique et critique de la philosophie
Deuxième partie – Questionnements épistémologiques et philosophiques
Frédéric Fruteau de Laclos – Comment on écrit l’histoire de la philosophie
Christophe Giolito – L’histoire de la philosophie : problèmes et pratique
Jean-Michel Muglioni – Lire les philosophes
Stéphane Chauvier – Compréhension réelle et compréhension simulée : deux façons de lire les philosophes du passé
Pascal Charbonnat –Vers un modèle pour l’historiographie des énoncés philosophiques
Christian Godin – La consistance du concept d’histoire de la philosophie
Troisième partie – Historiographie des philosophies non occidentales
Dominique Urvoy – À propos de l’histoire de la philosophie
Michel Hulin – La « philosophie » indienne a-t-elle une histoire ?
Nicolas Zufferey – L’histoire de la philosophie chinoise : problèmes épistémologiques
Quatrième partie – Esthétique, histoire des sciences, pensée politique
Serge Trottein – Esthétique et historiographie
David Cosandey – Histoire des sciences et histoire de la philosophie : cousines, soeurs ou jumelles ?
Alain Laurent – De quoi le libéralisme est-il vraiment le nom ?
Réfléchir à la réflexion, penser la pensée et philosopher sur la philosophie, voilà ce que l’on propose de faire ici. Cette démarche est moins formelle qu’il n’y paraît, car interroger la nature et les exigences de la pensée philosophique engage toute une philosophie. Une philosophie qui n’est pas dupe d’elle-même et qui commence par examiner sa propre finitude. « La dernière démarche de la raison, c’est de connaître qu’il y a une infinité de choses qui la surpassent. Elle est bien faible si elle ne va jusque là », disait Pascal. Nous montrons dans un esprit proche que la réflexion est d’autant plus puissante qu’elle reconnaît son impuissance, comme la philosophie authentique doit se savoir doublement bornée, par la pensée scientifique d’une part, et par la pensée mystique d’autre part. Il ne s’agit pas de rabaisser la philosophie, mais au contraire de lui permettre de comprendre ce qui la comprend et de trouver sa juste place dans le champ intellectuel.
Table des matières
Partie I – Enjeux ontologiques, gnoséologiques et axiologiques de la réflexion
1- Fécondité de la réflexion, primat phénoménologique de l’irréfléchi, et horizon métaphysique de la réflexivité philosophique
2- Les insuffisances gnoséologiques de la réflexion et l’horizon scientifique de la philosophie
3- La réflexion sur les valeurs et les valeurs immanentes à la réflexion
Partie II – La religion, la philosophie, la science et la mystique : progrès et bornes de la réflexion théorique
1- Les progrès de la réflexion théorique : la religion, la philosophie et la science
2- Les bornes de la réflexion théorique : la science, la philosophie et la mystique
Partie III – Nature et exigences de la pensée philosophique (étude sur la philosophie et philosophie de la philosophie)
1- Remarques introductives sur le projet de définir la philosophie et d’évaluer les philosophies
2- Les exigences théoriques de la philosophie
3- Les exigences pratiques de la philosophie
4- Bilan sur les questions de définition et d’évaluation
Partie IV – De la réflexivité intradisciplinaire à l’objectivation extradisciplinaire (histoire philosophique et savante de la philosophie)
1- Remarques générales sur les rapports d’une discipline à son historiographie
2- De la sociologie de la philosophie à l’histoire scientifique de la philosophie
Penser n’est pas associer des idées ou vagabonder par l’esprit. C’est un effort. Notre nature nous porterait plutôt vers la croyance, le conformisme et l’obéissance. « Penser, c’est dire non », remarquait Alain : non aux apparences, non aux dogmes, non aux autorités. Telle est la première exigence de la pensée : la vigilance critique. Il s’agit de cesser de croire, au moyen d’un scepticisme bien compris. L’esprit critique est le marteau avec lequel la philosophie casse toutes les idoles.
Mais jusqu’où aller dans ce travail de sape ? Après avoir déboulonné Dieu, l’Âme et la Raison, l’intelligence réductionniste doit-elle encore s’en prendre au Sujet, à l’Homme et à la Liberté ? Ce serait prolonger la Modernité en modernisme. Le penseur affirmant l’impuissance de sa pensée ressemble à un enfant cassant son jouet. Pour penser, il faut parier dans les vertus de la pensée. Ce n’est plus de la croyance ou de l’idolâtrie, mais le principe d’une seconde exigence. L’exigence méta-critique sauve le scepticisme du nihilisme : tout ne se vaut pas. Penser, c’est aussi juger, hiérarchiser et gouverner ses idées.
On appelle scepticisme constructif l’association paradoxale de ces deux exigences, qui définit le cercle dans lequel se meut la philosophie. Chercher les conditions, les limites et les réquisits de la pensée, c’est aussi s’interroger sur la nature de la philosophie et sur la spécificité du problème philosophique.
Quatrième de couverture:
Philosopher n’est pas expliciter ou développer des opinions, mais s’efforcer de rompre avec celles-ci en projetant sur les choses l’éclairage salvateur de la pensée. Amoureux de la sagesse, le philo-sophos l’est aussi de la vérité : il est en chemin vers la vérité. Mais comment aller au vrai en partant du faux ? Comment trouver une première vérité, se demandait Descartes ? Comment même la chercher si on en ignore totalement la nature, remarquait Platon avant lui ? C’est ainsi que le problème du commencement − de sa nécessaire mais impossible autolégitimation − a traversé toute l’histoire de la philosophie. Qu’on le prenne au sérieux au point d’y consacrer sa vie (comme ont fait Fichte, Schelling, Hegel, Husserl, et bien d’autres), ou qu’on en dénonce la vacuité et l’inutilité (comme certains empiristes, existentialistes ou philosophes analytiques), la question du commencement a toujours hanté la philosophie. Il est donc nécessaire de faire le point sur ce “fantôme”, et pour cela de dresser une typologie des commencements, qui se présente comme un vaste parcours historique.
Mais la lecture des auteurs doit d’abord servir l’instruction du problème lui-même. Il apparaît naïf de concevoir le commencement comme une rupture absolue inaugurant le règne de la Vérité. Irréductible aux associations d’idées et aux réflexions circonstanciées qui ponctuent notre vie quotidienne, la philosophie ne part pourtant pas de rien. S’interroger sur le commencement revient ainsi à se demander ce que suppose la pensée philosophique, ce qu’elle est en droit d’espérer, et ce dont elle doit désespérer. En pensant les possibilités et les limites de l’entreprise de systématisation, on est donc amené à réfléchir sur la vocation de la philosophie et sur la nature de la pensée, de sorte que ce questionnement réflexif pourrait bien être le commencement authentique.
Les individus n’étant pas des atomes indépendants, mais des participants engagés dans une société, ils ont en partage certains biens, que l’on peut appeler biens communs. Chaque société a les siens en fonction de sa complexité propre, mais aucune n’est absolument originale, de sorte qu’il existe des biens communs que l’on retrouve à l’identique d’une société à l’autre ; ce sont des biens communs transsociétaux et transculturels (à distinguer des biens mondiaux d’une hypothétique société mondiale). Leur mise en évidence requiert un point de vue anthropologique, le seul à même de brasser l’ensemble des savoirs ici monopolisés. Nous proposons une classification des biens communs à toute société, sur les plans démographique, psycho-social, économique, culturel et intellectuel.
La philosophie, dans toutes ses dimensions et spécialités, est une activité qui s’exerce en contexte (historique, culturel et sociopolitique) en même temps qu’elle ambitionne de s’élever à l’universel et au transculturel. Mais le poids du contexte n’affecte pas identiquement tous les champs de la discipline. Dans le domaine cognitif, il est écrasant ; dans le domaine axiologique, il est modéré ; dans le domaine pratique, il est léger. Les questionnements existentiels, qui relèvent de la philosophie pratique, sont particulièrement peu contextualisés. Ils sont presque invariables, parce que l’existence humaine est, au fond, assez semblable à elle-même par-delà la diversité des existants. L’universalisme existentiel est d’un autre ordre que l’universalisme théorique.
Abstract
The eighteenth century corresponds to an exceptional period in the histories of European, Chinese and Japanese philosophies. It is at this time that a class of freethinkers renews the intellectual life, that the reflection turns to the study of nature and society by adopting a experimental point of view and finally that a new type of knowledge about man is emerging which will take later the form of the "human sciences". In Europe as well as in China and Japan, the great thinkers of the eighteenth century are identically philosophers and scientists. However, around 1775-1800, the number of these philosophers-scientists declines abruptly while the sciences turn to the autonomization process. It’s worth to understand how the science-philosophy separation took place and which consequences for the vitality of philosophical production.
De même que les politologues n’ont pas le monopole de la pensée politique, les philosophes ne sont pas les seuls à philosopher. Des théologiens, des savants, des écrivains, des politiques, des juristes ou des philologues (liste non exhaustive) ont, à travers l’histoire, contribué d’une façon significative à la pensée philosophique. Or il nous semble que ces contributions sont négligées par les historiographes de la philosophie. Nous montrons l’intérêt qu’il y aurait à reconsidérer les méthodes d’écriture de l’histoire de la philosophie pour que celle-ci soit plus inclusive, en insistant particulièrement sur l’apport des scientifiques à la pensée philosophique. Comme ce travail engage une certaine conception de la philosophie, nous commençons par proposer des définitions.
Abstract
Just as political scientists do not have the monopoly on political thought, philosophers are not the only ones to philosophize. Theologians, scholars, writers, politicians, jurists, and philologists (and many others) have, throughout history, made significant contributions to philosophical thought. However, it seems that these contributions have been neglected by historiographers of philosophy. We demonstrate the benefits of reconsidering the methods of writing the history of philosophy in order to make it more inclusive, with a particular focus on the contribution of scientists to philosophical thought. As this work is based on a certain conception of philosophy, we begin by offering some definitions.
Nous ne prétendons pas dire quels usages les philosophes doivent faire de leur passé (tous sont légitimes dès lors qu’ils sont intellectuellement stimulants), mais comment connaître celui-ci. L’assimilation coutumière de tout discours sur les auteurs de la tradition à de « l’histoire de la philosophie » est fâcheuse car elle brouille les exigences d’une authentique histoire savante, c’est-à-dire d’une connaissance la plus objective possible du passé. Il s’agit ici de réfléchir aux conditions sous lesquelles une telle histoire est possible : critères de scientificité en général et méthodologie particulière en historiographie. Nous insistons sur l’intérêt de se donner des objets assez vastes dans le temps et l’espace et de contextualiser les œuvres plutôt que de s’en tenir à leur contenu doctrinal explicite.
Abstract
We do not say how philosophers must treat with their past (everything is suitable as long as it intellectually stimulating), but how to know this one. The usual identification of any discourse on the authors of the tradition to the "history of philosophy" is inappropiate and blurs the requirements of an authentic scholarly history, that is to say, a knowledge of the past as objective as possible. Here, we present the conditions under which such a history is possible: criteria of scientificity in general and particular methodology in historiography. We insist on the interest of studying large-scale objects in time and space and of contextualizing the works rather than focusing on their explicit doctrinal content.
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Abstract:
Medieval Arab philosophy is particularly well known for its major authors: Al-Fârâbî, Avicenna, Al-Ghazâlî, Ibn Bâjja, Averroes, and Suhrawardi. It is often likened to or considered to be the same thing as falsafa, work whose principal inspiration is Hellenic and Hellenistic thought. This tends to obscure periods of intense intellectual audacity and philosophical creativity: those preceding Al-Fârâbi in Eastern Islam and Ibn Bâjja in Andalusian Islam. The apogee of Islamic free thinking happens before the creation of the major philosophical systems.
Nota bene: erreur en première page: "Le matérialisme ontologique, par exemple, n’est pas concevable dans la philosophie [...] chinoise du VIe siècle av. J.-C."
David GRAEBER et David WENGROW, "Au commencement était… Une nouvelle histoire de l’humanité" [The Dawn of everything: A New History of Humanity], Paris, Les Liens qui libèrent, 2021.
Pour faire l’histoire de la philosophie, il faut d’abord définir cette discipline afin de la repérer dans le passé et comprendre comment elle évolue dans le temps. Néanmoins, personne n’est d’accord sur cette définition, sauf à demeurer allusif : la philosophie est une discipline théorique qui consiste, au moyen d’innovations conceptuelles et de formalisations systématiques, à traiter des problèmes spéculatifs (comment l’homme peut-il être libre dans un monde déterminé ? ; suis-je ce que j’ai conscience d’être ?, etc.). En un plus large encore, elle est simplement l’art de penser avec application les questions que tout le monde se pose dans n’importe quel domaine, pourvu qu’il ne soit pas trop circonstanciel (comment mener sa vie ? ; qu’est-ce que la justice ?, etc.).
Soyons un peu plus précis : la philosophie est un mode de pensée à la fois théorique (puisqu’il vise la vérité) et normatif (puisqu’il y a toujours des valeurs en jeu, ne serait-ce que la vérité comme valeur) qui se présente aussi comme une pratique (une sagesse ou un guide pour la vie) – le dosage entre ces trois aspects varie considérablement d’un auteur à l’autre. Comme la pensée dite religieuse se présente de la même façon (corps de doctrine, préceptes moraux et guide de vie), on distinguera la philosophie par le fait qu’elle emploie des outils intellectuels plus décentrés – raisonnement, justification, argumentation, conceptualisation, catégorisation, appel à l’expérience.