Books by Audrey Coussy

Presses Universitaires du Septentrion, 2019
Traduire peut être ludique, mais le ludique peut-il être traduit ? Pour le traductologue, l'enjeu... more Traduire peut être ludique, mais le ludique peut-il être traduit ? Pour le traductologue, l'enjeu suprême est offert par le jeu de mots : jeu sur et avec les mots (anagramme, calembour, contrepèterie, paronomase…), jeu sur le langage (création linguistique à visée humoristique : mot-valise, détournement parodique…), voire jeu de mots involontaire dû aux accidents de langue. Cet ouvrage offre un panorama sur le sujet, utile aussi bien au traductologue qu’au comparatiste, au traducteur qu’à l’étudiant, à l’humoriste ou au simple curieux. Car le jeu de mots amuse et engendre équivoque et paradoxe, brouille les frontières et joue de la provocation, pour procurer un plaisir de lecture ou de spectature en se prêtant aux expérimentations langagières. Face à ces contraintes fortes, les traducteurs se piquent au jeu en toutes langues et offrent solutions, recours, stratagèmes, analysés ici dans de nombreux champs d’application : littérature, théâtre, cinéma, séries audiovisuelles, presse...
Papers & book chapters by Audrey Coussy

Peter Lang, 2023
Les littératures d’horreur pour adultes et pour la jeunesse, bien qu’elles trouvent leurs racines... more Les littératures d’horreur pour adultes et pour la jeunesse, bien qu’elles trouvent leurs racines dans la littérature gothique du XVIIIe siècle pour la première et les récits moraux et d’instruction des XVIIIe et XIXe siècles pour la seconde, constituent un phénomène éditorial relativement récent et avant tout anglophone. Si l’horreur pour adultes s’essouffle pendant la décennie 1990, c’est à cette époque qu’elle bat son plein dans l’édition pour la jeunesse. La réaction des figures prescriptrices de la littérature jeunesse est pour le moins mitigée et l'on critique le genre horrifique aussi bien pour son contenu jugé inapproprié que pour les stratégies de commercialisation qui accompagnent sa diffusion, qui évoquent celles des littératures populaires en général, "à la fois bon marché et cherch[ent] le profit en ciblant le plus grand nombre de lecteurs possibles" (Langlet 2019 : 947).
Littératures populaires et littérature jeunesse partagent des logiques commerciales qui se sont mises en place après 1945 (concentration et concurrence des maisons d’édition, stratégies de fidélisation du lectorat, internationalisation du marché éditorial, production industrielle), et dont le genre horrifique va bénéficier pour se développer. Parmi les outils décisifs, on compte le recours à la traduction et aux logiques sérielles.
La traduction joue ainsi un rôle central dans la diffusion de cette littérature en France : elle contribue à construire un architexte horrifique aussi bien pour le lectorat adulte que pour le lectorat jeunesse.
Dans le cadre de la littérature jeunesse, les œuvres d’horreur ne se font pas connaître grâce à des titres individuels, mais plutôt grâce aux séries et collections qui s’appuient sur « des traductions massives de littératures de genre » (Lévêque 2019 : 1036). À l’instar de leurs consœurs anglophones , les collections et séries françaises vont faire naître et diffuser dans le paysage littéraire un genre horrifique pour la jeunesse qui s’affranchit de la règle dominante à l’époque en littérature jeunesse ; Geneviève Brisac (directrice de collections à L’École des loisirs) la résume ainsi en 1999 : "contrairement à ce qui peut se passer en littérature générale, ce qui dérange et provoque est mis de côté : il ne faut pas inquiéter." (citée dans Perrin 2014 : 15) À travers les exemples de "Chair de poule" (1995-2001) et "Peur bleue" (1997-2001), ce chapitre aborde la façon dont le genre horrifique constitue dans la décennie 1990 son identité auprès des lectorats enfant et adolescent français, revendiquant une horreur spécifique pour la jeunesse et profondément influencée par la culture américaine.

Brill, 2023
Avant-garde artists have helped develop the modern picturebook; their interest in innovation, pla... more Avant-garde artists have helped develop the modern picturebook; their interest in innovation, playfulness, and the child/childhood/children’s culture led them to this specific genre, which is often considered as children’s literature’s “one truly original contribution to literature in general” (Hunt). These artists’ works invite readers and translators to experiment with language, illustrations, and their perception of the world, and to envision themselves as co-creators thanks to the inherent multimodality of picturebooks. This chapter explores these elements in a selection of picturebooks from historical avant-garde artists and artists embracing avant-garde ideas (experimentation, play with materiality, interest in the child’s perception of reality) and their translations (FR-EN, EN-FR), published between the 1930s and 2010s.
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Coussy, Audrey, ‘“Now Open the Box”: Translating Avant-Garde Picturebooks’, in Avant-Garde Translation, ed. by Alexandra Lukes (Leiden: Brill, 2023)

The International Journal of Young Adult Literature, 2022
The past two decades have witnessed a rise in the number of autistic characters in YA literature,... more The past two decades have witnessed a rise in the number of autistic characters in YA literature, particularly autistic protagonists. In line with progress made by researchers and the self-advocacy from organizations and activists that have brought nuance in our understanding of autism, YA novels are offering more diverse representation of the spectrum, even if there is still room for improvement – for instance, the inclusion of more non-white autistic characters, non-binary people, and queer love stories. Autistic characters are now romantic leads in their own rights, and authors explore the way they experience sexual desire and sexuality through their neurodifference (e.g., the need to accommodate their heightened sensory sensitivities). Their desirability is also underlined through the loving eyes of their love interests, sometimes in the form of alternating narratives. All this counters the societal tendency to desexualize autistic people, and disabled people in general. This article explores how desire emerges from a mix of alterity and kinship in my primary corpus: all the love interests are neurotypical and they recognize the differences of the autistic characters while also sharing some of their special interests and feeling out of step with the world. It also considers how authors make use of autistic traits, such as sensory hypersensitivities and doing extensive research on topics of interest, to invite readers to take their time and be well informed when it comes to sexual intimacy.

Revue de l'université de Moncton, 2020
Cet article s'intéresse à la représentation de l'autisme en littérature jeunesse et à la traducti... more Cet article s'intéresse à la représentation de l'autisme en littérature jeunesse et à la traduction de ces textes. Il s'agit dans un premier temps de retracer l'apparition des premiers personnages autistes dans les années 2000 et leur transformation en protagonistes accédant à une agentivité discursive. Ils figurent d'abord dans des récits policiers et nourrissent une certaine image archétypale de l'autisme, qui commencent à se nuancer et se diversifier durant la dernière décennie : des héroïnes émergent, ainsi que des autistes aux difficultés cognitives et relationnelles importantes, et les personnages autistiques ont aussi le droit à leurs histoires d'amour, loin du genre policier. Pour pouvoir rendre la poétique d'étrangéité présente dans ces oeuvres sources, les traducteurs et traductrices adoptent des stratégies traductives étrangéisantes qui défient la tendance historique à la domestication et au didactisme en traduction pour la jeunesse.

Legenda, 2020
Looking at nonsense alphabets from the nineteenth century onwards and their translation into Fren... more Looking at nonsense alphabets from the nineteenth century onwards and their translation into French, this study will offer an extreme example of what happens in all translation and discuss the tools available to translators, and how ambivalent and creative translation can be. The first part of this paper will focus on one of Edward Lear’s nonsense alphabets to introduce the translation problem of this genre: finding equivalencies for the words illustrating each letter. Then, the case of Neil Gaiman’s The Dangerous Alphabet (2008) will show how pictures can help further the translation instead of limiting it. Finally, the example of two published translations of works by Edward Gorey will illustrate the impact of the translator’s subjectivity and the potential it holds for the translated text.
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Coussy, Audrey, ‘T is for Translation(s) — Translating Nonsense Alphabets into French’, in Prismatic Translation, ed. by Matthew Reynolds, Transcript, 10 (Cambridge: Legenda, 2020)

Cahier virtuel, 2019
Entretien avec Audrey Coussy et Laurance Ouellet Tremblay
"L’idée s’est imposée d’elle-même, au ... more Entretien avec Audrey Coussy et Laurance Ouellet Tremblay
"L’idée s’est imposée d’elle-même, au moment de l’organisation du colloque: dans l’esprit de représenter la recherche-création jusque alors absente du programme, nous avons fait appel à Audrey Coussy et Laurance Ouellet Tremblay, toutes deux professeures au Département des littératures de langue française, de traduction et de création (DLTC) de l’Université McGill, leur demandant une collaboration spéciale à quatre mains, carte presque blanche sur le thème Ludiques. Quand la littérature se met en jeu. Leur dialogue fort dynamique, enrichi d’exemples tirés de leurs publications respectives ainsi que de nombreuses références théoriques et critiques, a clos la journée d’étude du 22 mars 2019 sur une note qui n’aurait pu mieux la représenter –ludique, littéraire, savante.
Cet entretien, reprenant le titre de l’atelier-conférence du 22 mars 2019, Quand le cabotinage surgit: écriture et traduction, se veut la recréation, voire la prolongation, autant que possible, de leur collaboration. D’une durée d’un peu plus d’une heure, la discussion s’est déroulée le vendredi 1er novembre 2019 en milieu d’après-midi à l’Université McGill, dans le bureau d’Audrey Coussy. Elle s’est construite à partir d’une liste de sept questions composées pour l’occasion, réduites à six dans le feu de l’action, lesquelles se retrouvent en gras dans le texte. L’entretien ne se voit qu’amputé des nombreux rires partagés. Les modifications apportées à cette version retranscrite sont réduites au minimum, dans le but de ne pas trahir la parole vivante des professeures qui se sont généreusement prêtées au jeu. J’emploie trahir avec discernement: il s’agit ici d’une retranscription, non pas d’une traduction.
Le choix, peut-être inusité, de présenter le dialogue en séparant les noms, sur la ligne supérieure, de la réponse est une ruse qui se revendique de l’écriture de scénario. Elle témoigne de la qualité de l’échange: complètes et débordantes, les interventions d’Audrey Coussy et de Laurance Ouellet Tremblay constituent un espace littéraire autonome auquel il convenait d’accorder le blanc de page nécessaire à la respiration." (Marianne Ducharme)

Palimpsestes (Presses Sorbonne Nouvelle), 2019
La nourriture est une thématique particulièrement présente en littérature d’enfance et de jeune... more La nourriture est une thématique particulièrement présente en littérature d’enfance et de jeunesse et dans l’univers de l’enfance, car elle sollicite les sens du jeune public et fait partie de son processus de socialisation et de développement personnel. Source de plaisir et/ou de danger, traditionnellement porteuse de valeurs morales, elle touche au corps et à l’identité des individus, et n’est donc jamais anodine. Pour mieux la traduire, on doit en comprendre la fonction dans le texte et la dimension intrinsèquement culturelle ; une visée cibliste prédomine encore et privilégie la dimension affective de la nourriture, bien que l’altérité soit de plus en plus conservée. Parmi les outils des traducteurs figurent les jeux sur l’oralité et les images, qui aident à donner corps à l’alimentation. Il s’agit d’inscrire la traduction dans la réflexion générale qui se fait autour de la nourriture afin de mieux penser les stratégies traductives et leurs effets sur les papilles des lecteurs.
Food holds a prominent place in children’s literature and childhood in general, because it participates in the socialization and personal development of children and stimulates their senses. A source of pleasure and/or danger, traditionally conveying moral values, food impacts the body and the identity of individuals—it is therefore always meaningful. To better translate it, we must understand its function within the text and its inherent cultural dimension; domestication still prevails in translations and favors the affective dimension of food, although otherness is maintained more and more. This paper also shows how often translators rely on orality and illustrations to help embody food on the page, and invites translation studies to participate in the general discussion and research surrounding food, to better reflect on possible translative strategies and their effects on the readers’ taste buds.

Auteurs-traducteurs : l’entre-deux de l’écriture, 2018
L’image traditionnelle du traducteur-fantôme efface le travail de création que traduire implique.... more L’image traditionnelle du traducteur-fantôme efface le travail de création que traduire implique. L’édition bilingue rend ceci impossible : apparaissant face au texte d’origine, la traduction redonne concrètement une visibilité au traducteur. Ce format éditorial incite le lecteur à poser un regard analytique sur la traduction, ce qui peut rendre le traducteur excessivement prudent. Ces circonstances offrent cependant un terrain propice à l’affirmation du projet de traduction et de la voix du traducteur : ce dernier peut choisir d’afficher sa plume dans un texte traduit qui sera lui-même affiché en face du texte d’origine, particulièrement lorsqu’il traduit en poésie. C’est le cas de la traduction de l’auteur René Belletto dans l’édition bilingue française du recueil de poèmes de Tim Burton. Belletto se livre à un exercice d’écriture très subjectif qui invite le lecteur à repenser l’édition bilingue et la traduction : le texte traduit n’est pas un dictionnaire ou une création purement objective. Le traducteur envisage alors ce format éditorial comme un moyen de rendre visible la créativité et la subjectivité inhérentes au traduire.
// The invisibility traditionally upheld for translators erases the creative work that translating implies. Bilingual editions render all this impossible: appearing in front of the original text, the translation makes the translator physically visible. These editions enable readers to analyse and criticize translations, which can make translators excessively cautious. And yet, they also provide grounds for asserting the translative project and the translator’s voice: translators may choose to display their creative presence in a translated text that will be displayed next to the original text, especially when it comes to translating poetry. This is the case for the translation by author René Belletto featured in the French bilingual edition of Tim Burton’s collection of poems. Belletto produced a very subjective translation, inviting readers to rethink their approach to bilingual editions and translations: they are neither dictionaries, nor purely objective creations. Translators can use bilingual editions to highlight the inherent creativity and subjectivity of translation.

Construction/déconstruction de l’altérité dans le monde anglophone, 2017
"Henri Meschonnic définit le traduire comme « un mode de relation entre une identité et une altér... more "Henri Meschonnic définit le traduire comme « un mode de relation entre une identité et une altérité », et il va même jusqu’à affirmer que « l’identité n’advient que par l’altérité ». Sans l’autre, pas de soi. Ainsi, l’œuvre d’origine dépend du traducteur pour se construire dans une autre langue, et le traducteur doit négocier entre son propre univers (langagier, culturel, personnel) et celui de l’auteur d’origine. Cette négociation (Umberto Eco) devient un véritable défi face à une œuvre aussi riche qu’Icelander, premier roman de l’auteur américain Dustin Long, publié en 2006 chez Grove/McSweeney’s.
Cette œuvre intertextuelle est construite en 3 parties (Prélude, Ludo et Cluedo) et elle rappelle les romans de Thomas Pynchon et Jasper Fforde. Le lecteur suit l’enquête menée à New Crúiskeen (Islande) par Notre Héroïne, fille de la célèbre et regrettée détective Emily Bean, pour retrouver le meurtrier de son amie Shirley MacGuffin. Elle se retrouve impliquée bien malgré elle et tente d’y voir plus clair alors qu’elle évolue parmi une dizaine de
personnages. Leurs histoires se croisent et s’entrecroisent jusqu’à lier étroitement leurs destins et leurs identités. Un des personnages, Prescott, va même jusqu’à déclarer à Notre Héroïne : « Tu m’as construit ».
Jusqu’où cette affirmation est-elle vraie dans le récit ? En terme de traduction, comment se positionner face à l’altérité présente dans l’œuvre d’origine, qui fait écho à l’altérité du monde évoquée par Antoine Berman ? Comment la faire parler dans l’œuvre traduite ? Le traducteur doit identifier les différents modes de représentation de l’identité et de l’altérité mis en place par l’œuvre d’origine, afin de mieux les (re)construire et les faire parler dans l’œuvre traduite.
Nous proposons d’analyser la façon dont l’œuvre d’origine met en scène l’identité de ses personnages en lien étroit avec la question de l’altérité, et d’étudier les solutions françaises élaborées dans notre traduction parue aux éditions Asphalte en 2011 (sous le même titre : Icelander). Ce sera également l’occasion de tracer un parallèle entre la façon dont les personnages construisent leur identité face à l’altérité, et la façon dont le traducteur construit l’identité de cette œuvre autre qu’est l’œuvre traduite."

Etat des lieux de la traduction pour la jeunesse, Oct 2015
« In the appreciation of a work of art or an art form, consideration of the receiver never proves... more « In the appreciation of a work of art or an art form, consideration of the receiver never proves fruitful ». Cette citation de Walter Benjamin tirée de The Task of the Translator vient mettre à mal l’idée même d’une traduction pour un public spécifique, dans ce cas précis pour un jeune public. Cette idée est pourtant remise au goût du jour depuis plusieurs années avec l’essor de la littérature d'enfance et de jeunesse, qui occupe une place toujours plus importante dans le monde de l’édition.
Quid alors de la traduction de textes dont on sait qu’ils ont été écrits avec un jeune public en tête ? Des auteurs dits "sérieux" (sous-entendu : connus et reconnus d’abord pour leurs œuvres de littérature adulte) ont fait ce choix conscient lorsqu’ils se sont attelés à leurs œuvres de littérature de jeunesse, comme dans le cas de T.S. Eliot et de son Old Possum’s Book of Practical Cats.
Le traducteur est ainsi amené à questionner sa propre position vis-à-vis du lectorat d’arrivée. Doit-il le prendre lui aussi en considération ? Doit-il envisager ces œuvres jeunesse comme des œuvres à part dans la bibliographie de ces auteurs, alors que les auteurs eux-mêmes les considèrent rarement comme une parenthèse ? Les dangers de sur-traduction et de simplification se retrouvent alors au centre du débat et c’est au traducteur de ne pas se laisser submerger par le poids de ces auteurs particuliers, qui mettent en évidence la frontière entre littérature jeunesse et littérature adulte tout autant qu’ils ne la brouillent.
Penser la traduction de ces textes, c’est réfléchir à ce qui fait la spécificité ou non des défis qu’ils posent au traducteur en terme de langage, de références et de contenu ; c’est également réfléchir à cette affirmation que l’on retrouve parfois et selon laquelle « il n’y a pas d’enfants, mais des lecteurs » (Isabelle Jan).

La Retraduction en littérature de jeunesse/Retranslating Children’s Literature, 2014
En 1902, Rudyard Kipling publie Just So Stories, son recueil de contes étiologiques destiné à un... more En 1902, Rudyard Kipling publie Just So Stories, son recueil de contes étiologiques destiné à un jeune public ; un an seulement après paraît la première traduction française, Histoires comme ça. Cette première traduction, qui date pourtant de 1903, a connu depuis plusieurs rééditions et on peut encore la trouver à ce jour. Le recueil a longtemps résisté à la retraduction, et ce n’est que vers la fin des années 1980 que s’amorce un processus de retraduction chez les éditeurs français. Ce processus s’affirme dans les années 1990 et se poursuit dans les années 2000, avec notamment la retraduction réalisée par Laurence Kiefé pour Hachette Jeunesse en 2005. Ces retraductions continuent cependant de côtoyer la première traduction dans les librairies, illustrant concrètement le dialogue virtuel que le traducteur engage lors de son entreprise de retraduction entre l’œuvre originale, la ou les autres traductions, et sa propre traduction.
La présence simultanée sur le marché de la première traduction des Just So Stories et de ses retraductions amène à se poser la question de la légitimité : légitimité de la première traduction, mais aussi légitimité des retraductions. Il est possible d’avancer la possibilité d’un vieillissement de la première traduction, celle-ci datant tout de même de 1903, ce qui ferait écho à la réflexion d’Antoine Berman : « il faut retraduire parce que les traductions vieillissent, et parce qu’aucune n’est la traduction ». La présence continue de cette première traduction laisse cependant supposer qu’elle reste d’actualité, que sa voix n’a pas été affaiblie par le temps et qu’elle vient défier les retraductions successives.
Existe-t-il une réelle différence entre la première traduction et les retraductions publiées plus récemment ? Pourquoi retraduire ? Comme le rappelle Berman, « il faut que, de son côté, l’œuvre ait longuement mûri sa présence en nous, pour que la nécessité de sa retraduction apparaisse ».

La main de Thôt, Nov 4, 2013
Dans le prélude à son sixième roman, Breakfast On Pluto, Patrick McCabe remet en perspective l’Ir... more Dans le prélude à son sixième roman, Breakfast On Pluto, Patrick McCabe remet en perspective l’Irlande conflictuelle dans laquelle évolue son personnage principal, Patrick Pussy Braden, un travesti habitant un village imaginaire à la frontière des deux Irlandes. C’est également l’occasion pour lui d’introduire la question du genre de ce personnage comme l’une des thématiques principales du roman, interpelant d’emblée le lecteur.
L’image que l’auteur nous renvoie de Braden, dans ce va-et-vient entre féminin et masculin, met à mal la notion de frontière, géographique, psychique et genrée. Pour McCabe, les frontières sont fragiles, perméables et arbitraires, telle la frontière qui sépare l’Irlande et l’Irlande du Nord, « dessinée par un ivrogne, aussi tremblante et trompeuse que celle qui sépare la vie et la mort ».
Ce choix de jouer avec les frontières du genre soulève moins de problèmes grammaticaux en anglais qu’en français, car c’est au niveau de la sémantique que l’on retrouve la notion de genre. La traduction vers le français implique de se poser très tôt la question de l’accord grammatical, tout spécialement dans le cadre d’une narration à la première personne du singulier. En écrivant son autobiographie, Braden veut faire entendre sa voix, une voix distincte et subversive, loin de toute neutralité. Il appartient à la traductrice de faire parler cette voix en français et, pour ce faire, il lui faut cerner la voix narrative de Braden et lui assigner un genre en conséquence. Ce choix doit résulter d’une lecture et d’une étude attentive du personnage, car « la traduction est portée par une interprétation qui la précède » (Henri Meschonnic).
Comment Braden nous est-il/elle présenté(e) tout au long du roman ? Le lecteur peut-il se fier à la narration du protagoniste ? Que faire du regard de l’autre ? Quelle place le récit accorde-t-il au genre dans la quête d’identité de Braden ? De nombreux choix de traduction dépendent de ces questions. Dans un premier temps, nous aborderons l’instabilité genrée et psychique de Patrick Pussy Braden, avant d’étudier les différents regards que les autres personnages portent sur notre protagoniste. Ceci nous permettra, dans un troisième et dernier temps, de démontrer l’importance du choix d’une voix féminine dans notre traduction (publiée aux éditions Asphalte en 2011).

Les Chantiers de la création, Jun 2011
"Dans son premier roman, Icelander, Dustin Long joue avec les voix d’une large galerie de personn... more "Dans son premier roman, Icelander, Dustin Long joue avec les voix d’une large galerie de personnages afin de construire un récit offrant plusieurs niveaux de lecture. Ces voix se font écho tout autant qu’elles s’opposent, et tissent un réseau oral que le traducteur doit identifier pour pouvoir le faire entendre en français. Nous étudions dans cet article quatre types de personnages à l’oralité marquée et marquante qui interroge sur le rapport à l’autre et l’affirmation de soi, créant un parallèle avec le rapport du traducteur à l’œuvre de départ/l’œuvre d’arrivée et l’affirmation de sa démarche traduisante.
In his first novel Icelander, Dustin Long plays with the voices of a large cast of characters in order to build a multi-layered story. These voices sound now as echoes, now as contrasts, of one another, and the translator must identify how intertwined they are so as to render them in French. This essay studies four types of characters whose strong voices question self-assertiveness and the relationship to otherness. It draws a parallel with the translator’s own assertion of his/her choices and his/her relationship to the original text/the translated text."
Talks by Audrey Coussy
Présentation faite avec Laurance Ouellet Tremblay dans le cadre du congrès "TTR fête ses 35 ans /... more Présentation faite avec Laurance Ouellet Tremblay dans le cadre du congrès "TTR fête ses 35 ans / TTR Turns 35 : Redéfinir la traduction ? Fluctuations historiques, nouvelles pratiques et épistémologies en devenir", Université McGill, Université de Montréal, Université Concordia, 11 juin 2024.
Présentation faite dans le cadre de la journée de formation et de recherche "Traduction et neurod... more Présentation faite dans le cadre de la journée de formation et de recherche "Traduction et neurodiversité", Université de Genève, 20 novembre 2023.
Présentation faite dans le cadre de la journée d’études "Traduction et subversion", Université de... more Présentation faite dans le cadre de la journée d’études "Traduction et subversion", Université de Montréal, 20 octobre 2023.
Présentation faite dans le cadre du colloque "Le style des romans 'feel good' d’expression frança... more Présentation faite dans le cadre du colloque "Le style des romans 'feel good' d’expression française", Sorbonne Université, 27-28 juin 2023

La diversité dans la littérature jeunesse française, 2023
Présentation faite dans le cadre de la journée d'études "La diversité dans la littérature jeuness... more Présentation faite dans le cadre de la journée d'études "La diversité dans la littérature jeunesse française", Rice Global Paris, 19 juin 2023
C’est à la fin des années 1990 que l’on commence à parler de "neurodiversité "(le terme "neurodiversity" a été inventé par la sociologue australienne et autiste Judy Singer) pour décrire les différences neurologiques en lien avec la sociabilité, l’apprentissage, l’attention et d’autres fonctions mentales ; ce concept s’oppose à l’avis répandu que ces variations sont anormales et relèvent de la pathologie, et demande plutôt qu’elles soient considérées comme une catégorie sociale (à l’image du genre, par exemple). Ces variations incluent l’autisme, la dyslexie et le trouble du déficit de l’attention avec hyperactivité, entre autres.
La définition et la diffusion du terme de neurodiversité à cette période-là coïncide avec l’apparition des premiers personnages ouvertement autistes en littérature jeunesse anglophone (Truth or Dare de Celia Rees, 2000 ; The Silent Boy de Lois Lowry, 2003) et francophone (Au clair de la Louna et L’Enfant qui caressait les cheveux de Kochka, 2002). D’abord personnages secondaires mis au service du récit personnel de personnages principaux neurotypiques (c’est-à-dire dont le fonctionnement neuronal correspond à la norme sociétale), ils et elles deviennent petit à petit protagonistes de leurs propres histoires, qui elles-mêmes tendent à se diversifier à partir de la fin des années 2000. Cette communication présentera un aperçu de la représentation de l’autisme en littérature jeunesse francophone et de son évolution depuis le tournant du XXIe siècle.
Présentation faite dans le cadre du Séminaire de recherche / EXERCICES DE TRADUCTION - Université... more Présentation faite dans le cadre du Séminaire de recherche / EXERCICES DE TRADUCTION - Université Paris Nanterre,
"L’horreur devient un genre littéraire à part entière au XXe siècle, avec un boom éditorial dans les années 1980 qui touche aussi l’édition jeunesse, d’abord anglophone, puis francophone avec les premières collections spécialisées : « Chair de Poule » (éditions Bayard, depuis 1995) et « Peur bleue » (éditions J’ai Lu, 1997-2001). C’est par la traduction que le genre horrifique pour la jeunesse se développe, ces collections ne publiant que des auteurs et autrices anglophones. À travers l’exemple de ce genre appartenant aux littératures populaires, j’aborderai la question des effets et des affects en traduction, ainsi que celles du destinataire et de la dimension transgressive de l’horreur, voire de l’acte traductif."
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Books by Audrey Coussy
Papers & book chapters by Audrey Coussy
Littératures populaires et littérature jeunesse partagent des logiques commerciales qui se sont mises en place après 1945 (concentration et concurrence des maisons d’édition, stratégies de fidélisation du lectorat, internationalisation du marché éditorial, production industrielle), et dont le genre horrifique va bénéficier pour se développer. Parmi les outils décisifs, on compte le recours à la traduction et aux logiques sérielles.
La traduction joue ainsi un rôle central dans la diffusion de cette littérature en France : elle contribue à construire un architexte horrifique aussi bien pour le lectorat adulte que pour le lectorat jeunesse.
Dans le cadre de la littérature jeunesse, les œuvres d’horreur ne se font pas connaître grâce à des titres individuels, mais plutôt grâce aux séries et collections qui s’appuient sur « des traductions massives de littératures de genre » (Lévêque 2019 : 1036). À l’instar de leurs consœurs anglophones , les collections et séries françaises vont faire naître et diffuser dans le paysage littéraire un genre horrifique pour la jeunesse qui s’affranchit de la règle dominante à l’époque en littérature jeunesse ; Geneviève Brisac (directrice de collections à L’École des loisirs) la résume ainsi en 1999 : "contrairement à ce qui peut se passer en littérature générale, ce qui dérange et provoque est mis de côté : il ne faut pas inquiéter." (citée dans Perrin 2014 : 15) À travers les exemples de "Chair de poule" (1995-2001) et "Peur bleue" (1997-2001), ce chapitre aborde la façon dont le genre horrifique constitue dans la décennie 1990 son identité auprès des lectorats enfant et adolescent français, revendiquant une horreur spécifique pour la jeunesse et profondément influencée par la culture américaine.
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Coussy, Audrey, ‘“Now Open the Box”: Translating Avant-Garde Picturebooks’, in Avant-Garde Translation, ed. by Alexandra Lukes (Leiden: Brill, 2023)
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Coussy, Audrey, ‘T is for Translation(s) — Translating Nonsense Alphabets into French’, in Prismatic Translation, ed. by Matthew Reynolds, Transcript, 10 (Cambridge: Legenda, 2020)
"L’idée s’est imposée d’elle-même, au moment de l’organisation du colloque: dans l’esprit de représenter la recherche-création jusque alors absente du programme, nous avons fait appel à Audrey Coussy et Laurance Ouellet Tremblay, toutes deux professeures au Département des littératures de langue française, de traduction et de création (DLTC) de l’Université McGill, leur demandant une collaboration spéciale à quatre mains, carte presque blanche sur le thème Ludiques. Quand la littérature se met en jeu. Leur dialogue fort dynamique, enrichi d’exemples tirés de leurs publications respectives ainsi que de nombreuses références théoriques et critiques, a clos la journée d’étude du 22 mars 2019 sur une note qui n’aurait pu mieux la représenter –ludique, littéraire, savante.
Cet entretien, reprenant le titre de l’atelier-conférence du 22 mars 2019, Quand le cabotinage surgit: écriture et traduction, se veut la recréation, voire la prolongation, autant que possible, de leur collaboration. D’une durée d’un peu plus d’une heure, la discussion s’est déroulée le vendredi 1er novembre 2019 en milieu d’après-midi à l’Université McGill, dans le bureau d’Audrey Coussy. Elle s’est construite à partir d’une liste de sept questions composées pour l’occasion, réduites à six dans le feu de l’action, lesquelles se retrouvent en gras dans le texte. L’entretien ne se voit qu’amputé des nombreux rires partagés. Les modifications apportées à cette version retranscrite sont réduites au minimum, dans le but de ne pas trahir la parole vivante des professeures qui se sont généreusement prêtées au jeu. J’emploie trahir avec discernement: il s’agit ici d’une retranscription, non pas d’une traduction.
Le choix, peut-être inusité, de présenter le dialogue en séparant les noms, sur la ligne supérieure, de la réponse est une ruse qui se revendique de l’écriture de scénario. Elle témoigne de la qualité de l’échange: complètes et débordantes, les interventions d’Audrey Coussy et de Laurance Ouellet Tremblay constituent un espace littéraire autonome auquel il convenait d’accorder le blanc de page nécessaire à la respiration." (Marianne Ducharme)
Food holds a prominent place in children’s literature and childhood in general, because it participates in the socialization and personal development of children and stimulates their senses. A source of pleasure and/or danger, traditionally conveying moral values, food impacts the body and the identity of individuals—it is therefore always meaningful. To better translate it, we must understand its function within the text and its inherent cultural dimension; domestication still prevails in translations and favors the affective dimension of food, although otherness is maintained more and more. This paper also shows how often translators rely on orality and illustrations to help embody food on the page, and invites translation studies to participate in the general discussion and research surrounding food, to better reflect on possible translative strategies and their effects on the readers’ taste buds.
// The invisibility traditionally upheld for translators erases the creative work that translating implies. Bilingual editions render all this impossible: appearing in front of the original text, the translation makes the translator physically visible. These editions enable readers to analyse and criticize translations, which can make translators excessively cautious. And yet, they also provide grounds for asserting the translative project and the translator’s voice: translators may choose to display their creative presence in a translated text that will be displayed next to the original text, especially when it comes to translating poetry. This is the case for the translation by author René Belletto featured in the French bilingual edition of Tim Burton’s collection of poems. Belletto produced a very subjective translation, inviting readers to rethink their approach to bilingual editions and translations: they are neither dictionaries, nor purely objective creations. Translators can use bilingual editions to highlight the inherent creativity and subjectivity of translation.
Cette œuvre intertextuelle est construite en 3 parties (Prélude, Ludo et Cluedo) et elle rappelle les romans de Thomas Pynchon et Jasper Fforde. Le lecteur suit l’enquête menée à New Crúiskeen (Islande) par Notre Héroïne, fille de la célèbre et regrettée détective Emily Bean, pour retrouver le meurtrier de son amie Shirley MacGuffin. Elle se retrouve impliquée bien malgré elle et tente d’y voir plus clair alors qu’elle évolue parmi une dizaine de
personnages. Leurs histoires se croisent et s’entrecroisent jusqu’à lier étroitement leurs destins et leurs identités. Un des personnages, Prescott, va même jusqu’à déclarer à Notre Héroïne : « Tu m’as construit ».
Jusqu’où cette affirmation est-elle vraie dans le récit ? En terme de traduction, comment se positionner face à l’altérité présente dans l’œuvre d’origine, qui fait écho à l’altérité du monde évoquée par Antoine Berman ? Comment la faire parler dans l’œuvre traduite ? Le traducteur doit identifier les différents modes de représentation de l’identité et de l’altérité mis en place par l’œuvre d’origine, afin de mieux les (re)construire et les faire parler dans l’œuvre traduite.
Nous proposons d’analyser la façon dont l’œuvre d’origine met en scène l’identité de ses personnages en lien étroit avec la question de l’altérité, et d’étudier les solutions françaises élaborées dans notre traduction parue aux éditions Asphalte en 2011 (sous le même titre : Icelander). Ce sera également l’occasion de tracer un parallèle entre la façon dont les personnages construisent leur identité face à l’altérité, et la façon dont le traducteur construit l’identité de cette œuvre autre qu’est l’œuvre traduite."
Quid alors de la traduction de textes dont on sait qu’ils ont été écrits avec un jeune public en tête ? Des auteurs dits "sérieux" (sous-entendu : connus et reconnus d’abord pour leurs œuvres de littérature adulte) ont fait ce choix conscient lorsqu’ils se sont attelés à leurs œuvres de littérature de jeunesse, comme dans le cas de T.S. Eliot et de son Old Possum’s Book of Practical Cats.
Le traducteur est ainsi amené à questionner sa propre position vis-à-vis du lectorat d’arrivée. Doit-il le prendre lui aussi en considération ? Doit-il envisager ces œuvres jeunesse comme des œuvres à part dans la bibliographie de ces auteurs, alors que les auteurs eux-mêmes les considèrent rarement comme une parenthèse ? Les dangers de sur-traduction et de simplification se retrouvent alors au centre du débat et c’est au traducteur de ne pas se laisser submerger par le poids de ces auteurs particuliers, qui mettent en évidence la frontière entre littérature jeunesse et littérature adulte tout autant qu’ils ne la brouillent.
Penser la traduction de ces textes, c’est réfléchir à ce qui fait la spécificité ou non des défis qu’ils posent au traducteur en terme de langage, de références et de contenu ; c’est également réfléchir à cette affirmation que l’on retrouve parfois et selon laquelle « il n’y a pas d’enfants, mais des lecteurs » (Isabelle Jan).
La présence simultanée sur le marché de la première traduction des Just So Stories et de ses retraductions amène à se poser la question de la légitimité : légitimité de la première traduction, mais aussi légitimité des retraductions. Il est possible d’avancer la possibilité d’un vieillissement de la première traduction, celle-ci datant tout de même de 1903, ce qui ferait écho à la réflexion d’Antoine Berman : « il faut retraduire parce que les traductions vieillissent, et parce qu’aucune n’est la traduction ». La présence continue de cette première traduction laisse cependant supposer qu’elle reste d’actualité, que sa voix n’a pas été affaiblie par le temps et qu’elle vient défier les retraductions successives.
Existe-t-il une réelle différence entre la première traduction et les retraductions publiées plus récemment ? Pourquoi retraduire ? Comme le rappelle Berman, « il faut que, de son côté, l’œuvre ait longuement mûri sa présence en nous, pour que la nécessité de sa retraduction apparaisse ».
L’image que l’auteur nous renvoie de Braden, dans ce va-et-vient entre féminin et masculin, met à mal la notion de frontière, géographique, psychique et genrée. Pour McCabe, les frontières sont fragiles, perméables et arbitraires, telle la frontière qui sépare l’Irlande et l’Irlande du Nord, « dessinée par un ivrogne, aussi tremblante et trompeuse que celle qui sépare la vie et la mort ».
Ce choix de jouer avec les frontières du genre soulève moins de problèmes grammaticaux en anglais qu’en français, car c’est au niveau de la sémantique que l’on retrouve la notion de genre. La traduction vers le français implique de se poser très tôt la question de l’accord grammatical, tout spécialement dans le cadre d’une narration à la première personne du singulier. En écrivant son autobiographie, Braden veut faire entendre sa voix, une voix distincte et subversive, loin de toute neutralité. Il appartient à la traductrice de faire parler cette voix en français et, pour ce faire, il lui faut cerner la voix narrative de Braden et lui assigner un genre en conséquence. Ce choix doit résulter d’une lecture et d’une étude attentive du personnage, car « la traduction est portée par une interprétation qui la précède » (Henri Meschonnic).
Comment Braden nous est-il/elle présenté(e) tout au long du roman ? Le lecteur peut-il se fier à la narration du protagoniste ? Que faire du regard de l’autre ? Quelle place le récit accorde-t-il au genre dans la quête d’identité de Braden ? De nombreux choix de traduction dépendent de ces questions. Dans un premier temps, nous aborderons l’instabilité genrée et psychique de Patrick Pussy Braden, avant d’étudier les différents regards que les autres personnages portent sur notre protagoniste. Ceci nous permettra, dans un troisième et dernier temps, de démontrer l’importance du choix d’une voix féminine dans notre traduction (publiée aux éditions Asphalte en 2011).
In his first novel Icelander, Dustin Long plays with the voices of a large cast of characters in order to build a multi-layered story. These voices sound now as echoes, now as contrasts, of one another, and the translator must identify how intertwined they are so as to render them in French. This essay studies four types of characters whose strong voices question self-assertiveness and the relationship to otherness. It draws a parallel with the translator’s own assertion of his/her choices and his/her relationship to the original text/the translated text."
Talks by Audrey Coussy
C’est à la fin des années 1990 que l’on commence à parler de "neurodiversité "(le terme "neurodiversity" a été inventé par la sociologue australienne et autiste Judy Singer) pour décrire les différences neurologiques en lien avec la sociabilité, l’apprentissage, l’attention et d’autres fonctions mentales ; ce concept s’oppose à l’avis répandu que ces variations sont anormales et relèvent de la pathologie, et demande plutôt qu’elles soient considérées comme une catégorie sociale (à l’image du genre, par exemple). Ces variations incluent l’autisme, la dyslexie et le trouble du déficit de l’attention avec hyperactivité, entre autres.
La définition et la diffusion du terme de neurodiversité à cette période-là coïncide avec l’apparition des premiers personnages ouvertement autistes en littérature jeunesse anglophone (Truth or Dare de Celia Rees, 2000 ; The Silent Boy de Lois Lowry, 2003) et francophone (Au clair de la Louna et L’Enfant qui caressait les cheveux de Kochka, 2002). D’abord personnages secondaires mis au service du récit personnel de personnages principaux neurotypiques (c’est-à-dire dont le fonctionnement neuronal correspond à la norme sociétale), ils et elles deviennent petit à petit protagonistes de leurs propres histoires, qui elles-mêmes tendent à se diversifier à partir de la fin des années 2000. Cette communication présentera un aperçu de la représentation de l’autisme en littérature jeunesse francophone et de son évolution depuis le tournant du XXIe siècle.
"L’horreur devient un genre littéraire à part entière au XXe siècle, avec un boom éditorial dans les années 1980 qui touche aussi l’édition jeunesse, d’abord anglophone, puis francophone avec les premières collections spécialisées : « Chair de Poule » (éditions Bayard, depuis 1995) et « Peur bleue » (éditions J’ai Lu, 1997-2001). C’est par la traduction que le genre horrifique pour la jeunesse se développe, ces collections ne publiant que des auteurs et autrices anglophones. À travers l’exemple de ce genre appartenant aux littératures populaires, j’aborderai la question des effets et des affects en traduction, ainsi que celles du destinataire et de la dimension transgressive de l’horreur, voire de l’acte traductif."
Littératures populaires et littérature jeunesse partagent des logiques commerciales qui se sont mises en place après 1945 (concentration et concurrence des maisons d’édition, stratégies de fidélisation du lectorat, internationalisation du marché éditorial, production industrielle), et dont le genre horrifique va bénéficier pour se développer. Parmi les outils décisifs, on compte le recours à la traduction et aux logiques sérielles.
La traduction joue ainsi un rôle central dans la diffusion de cette littérature en France : elle contribue à construire un architexte horrifique aussi bien pour le lectorat adulte que pour le lectorat jeunesse.
Dans le cadre de la littérature jeunesse, les œuvres d’horreur ne se font pas connaître grâce à des titres individuels, mais plutôt grâce aux séries et collections qui s’appuient sur « des traductions massives de littératures de genre » (Lévêque 2019 : 1036). À l’instar de leurs consœurs anglophones , les collections et séries françaises vont faire naître et diffuser dans le paysage littéraire un genre horrifique pour la jeunesse qui s’affranchit de la règle dominante à l’époque en littérature jeunesse ; Geneviève Brisac (directrice de collections à L’École des loisirs) la résume ainsi en 1999 : "contrairement à ce qui peut se passer en littérature générale, ce qui dérange et provoque est mis de côté : il ne faut pas inquiéter." (citée dans Perrin 2014 : 15) À travers les exemples de "Chair de poule" (1995-2001) et "Peur bleue" (1997-2001), ce chapitre aborde la façon dont le genre horrifique constitue dans la décennie 1990 son identité auprès des lectorats enfant et adolescent français, revendiquant une horreur spécifique pour la jeunesse et profondément influencée par la culture américaine.
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Coussy, Audrey, ‘“Now Open the Box”: Translating Avant-Garde Picturebooks’, in Avant-Garde Translation, ed. by Alexandra Lukes (Leiden: Brill, 2023)
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Coussy, Audrey, ‘T is for Translation(s) — Translating Nonsense Alphabets into French’, in Prismatic Translation, ed. by Matthew Reynolds, Transcript, 10 (Cambridge: Legenda, 2020)
"L’idée s’est imposée d’elle-même, au moment de l’organisation du colloque: dans l’esprit de représenter la recherche-création jusque alors absente du programme, nous avons fait appel à Audrey Coussy et Laurance Ouellet Tremblay, toutes deux professeures au Département des littératures de langue française, de traduction et de création (DLTC) de l’Université McGill, leur demandant une collaboration spéciale à quatre mains, carte presque blanche sur le thème Ludiques. Quand la littérature se met en jeu. Leur dialogue fort dynamique, enrichi d’exemples tirés de leurs publications respectives ainsi que de nombreuses références théoriques et critiques, a clos la journée d’étude du 22 mars 2019 sur une note qui n’aurait pu mieux la représenter –ludique, littéraire, savante.
Cet entretien, reprenant le titre de l’atelier-conférence du 22 mars 2019, Quand le cabotinage surgit: écriture et traduction, se veut la recréation, voire la prolongation, autant que possible, de leur collaboration. D’une durée d’un peu plus d’une heure, la discussion s’est déroulée le vendredi 1er novembre 2019 en milieu d’après-midi à l’Université McGill, dans le bureau d’Audrey Coussy. Elle s’est construite à partir d’une liste de sept questions composées pour l’occasion, réduites à six dans le feu de l’action, lesquelles se retrouvent en gras dans le texte. L’entretien ne se voit qu’amputé des nombreux rires partagés. Les modifications apportées à cette version retranscrite sont réduites au minimum, dans le but de ne pas trahir la parole vivante des professeures qui se sont généreusement prêtées au jeu. J’emploie trahir avec discernement: il s’agit ici d’une retranscription, non pas d’une traduction.
Le choix, peut-être inusité, de présenter le dialogue en séparant les noms, sur la ligne supérieure, de la réponse est une ruse qui se revendique de l’écriture de scénario. Elle témoigne de la qualité de l’échange: complètes et débordantes, les interventions d’Audrey Coussy et de Laurance Ouellet Tremblay constituent un espace littéraire autonome auquel il convenait d’accorder le blanc de page nécessaire à la respiration." (Marianne Ducharme)
Food holds a prominent place in children’s literature and childhood in general, because it participates in the socialization and personal development of children and stimulates their senses. A source of pleasure and/or danger, traditionally conveying moral values, food impacts the body and the identity of individuals—it is therefore always meaningful. To better translate it, we must understand its function within the text and its inherent cultural dimension; domestication still prevails in translations and favors the affective dimension of food, although otherness is maintained more and more. This paper also shows how often translators rely on orality and illustrations to help embody food on the page, and invites translation studies to participate in the general discussion and research surrounding food, to better reflect on possible translative strategies and their effects on the readers’ taste buds.
// The invisibility traditionally upheld for translators erases the creative work that translating implies. Bilingual editions render all this impossible: appearing in front of the original text, the translation makes the translator physically visible. These editions enable readers to analyse and criticize translations, which can make translators excessively cautious. And yet, they also provide grounds for asserting the translative project and the translator’s voice: translators may choose to display their creative presence in a translated text that will be displayed next to the original text, especially when it comes to translating poetry. This is the case for the translation by author René Belletto featured in the French bilingual edition of Tim Burton’s collection of poems. Belletto produced a very subjective translation, inviting readers to rethink their approach to bilingual editions and translations: they are neither dictionaries, nor purely objective creations. Translators can use bilingual editions to highlight the inherent creativity and subjectivity of translation.
Cette œuvre intertextuelle est construite en 3 parties (Prélude, Ludo et Cluedo) et elle rappelle les romans de Thomas Pynchon et Jasper Fforde. Le lecteur suit l’enquête menée à New Crúiskeen (Islande) par Notre Héroïne, fille de la célèbre et regrettée détective Emily Bean, pour retrouver le meurtrier de son amie Shirley MacGuffin. Elle se retrouve impliquée bien malgré elle et tente d’y voir plus clair alors qu’elle évolue parmi une dizaine de
personnages. Leurs histoires se croisent et s’entrecroisent jusqu’à lier étroitement leurs destins et leurs identités. Un des personnages, Prescott, va même jusqu’à déclarer à Notre Héroïne : « Tu m’as construit ».
Jusqu’où cette affirmation est-elle vraie dans le récit ? En terme de traduction, comment se positionner face à l’altérité présente dans l’œuvre d’origine, qui fait écho à l’altérité du monde évoquée par Antoine Berman ? Comment la faire parler dans l’œuvre traduite ? Le traducteur doit identifier les différents modes de représentation de l’identité et de l’altérité mis en place par l’œuvre d’origine, afin de mieux les (re)construire et les faire parler dans l’œuvre traduite.
Nous proposons d’analyser la façon dont l’œuvre d’origine met en scène l’identité de ses personnages en lien étroit avec la question de l’altérité, et d’étudier les solutions françaises élaborées dans notre traduction parue aux éditions Asphalte en 2011 (sous le même titre : Icelander). Ce sera également l’occasion de tracer un parallèle entre la façon dont les personnages construisent leur identité face à l’altérité, et la façon dont le traducteur construit l’identité de cette œuvre autre qu’est l’œuvre traduite."
Quid alors de la traduction de textes dont on sait qu’ils ont été écrits avec un jeune public en tête ? Des auteurs dits "sérieux" (sous-entendu : connus et reconnus d’abord pour leurs œuvres de littérature adulte) ont fait ce choix conscient lorsqu’ils se sont attelés à leurs œuvres de littérature de jeunesse, comme dans le cas de T.S. Eliot et de son Old Possum’s Book of Practical Cats.
Le traducteur est ainsi amené à questionner sa propre position vis-à-vis du lectorat d’arrivée. Doit-il le prendre lui aussi en considération ? Doit-il envisager ces œuvres jeunesse comme des œuvres à part dans la bibliographie de ces auteurs, alors que les auteurs eux-mêmes les considèrent rarement comme une parenthèse ? Les dangers de sur-traduction et de simplification se retrouvent alors au centre du débat et c’est au traducteur de ne pas se laisser submerger par le poids de ces auteurs particuliers, qui mettent en évidence la frontière entre littérature jeunesse et littérature adulte tout autant qu’ils ne la brouillent.
Penser la traduction de ces textes, c’est réfléchir à ce qui fait la spécificité ou non des défis qu’ils posent au traducteur en terme de langage, de références et de contenu ; c’est également réfléchir à cette affirmation que l’on retrouve parfois et selon laquelle « il n’y a pas d’enfants, mais des lecteurs » (Isabelle Jan).
La présence simultanée sur le marché de la première traduction des Just So Stories et de ses retraductions amène à se poser la question de la légitimité : légitimité de la première traduction, mais aussi légitimité des retraductions. Il est possible d’avancer la possibilité d’un vieillissement de la première traduction, celle-ci datant tout de même de 1903, ce qui ferait écho à la réflexion d’Antoine Berman : « il faut retraduire parce que les traductions vieillissent, et parce qu’aucune n’est la traduction ». La présence continue de cette première traduction laisse cependant supposer qu’elle reste d’actualité, que sa voix n’a pas été affaiblie par le temps et qu’elle vient défier les retraductions successives.
Existe-t-il une réelle différence entre la première traduction et les retraductions publiées plus récemment ? Pourquoi retraduire ? Comme le rappelle Berman, « il faut que, de son côté, l’œuvre ait longuement mûri sa présence en nous, pour que la nécessité de sa retraduction apparaisse ».
L’image que l’auteur nous renvoie de Braden, dans ce va-et-vient entre féminin et masculin, met à mal la notion de frontière, géographique, psychique et genrée. Pour McCabe, les frontières sont fragiles, perméables et arbitraires, telle la frontière qui sépare l’Irlande et l’Irlande du Nord, « dessinée par un ivrogne, aussi tremblante et trompeuse que celle qui sépare la vie et la mort ».
Ce choix de jouer avec les frontières du genre soulève moins de problèmes grammaticaux en anglais qu’en français, car c’est au niveau de la sémantique que l’on retrouve la notion de genre. La traduction vers le français implique de se poser très tôt la question de l’accord grammatical, tout spécialement dans le cadre d’une narration à la première personne du singulier. En écrivant son autobiographie, Braden veut faire entendre sa voix, une voix distincte et subversive, loin de toute neutralité. Il appartient à la traductrice de faire parler cette voix en français et, pour ce faire, il lui faut cerner la voix narrative de Braden et lui assigner un genre en conséquence. Ce choix doit résulter d’une lecture et d’une étude attentive du personnage, car « la traduction est portée par une interprétation qui la précède » (Henri Meschonnic).
Comment Braden nous est-il/elle présenté(e) tout au long du roman ? Le lecteur peut-il se fier à la narration du protagoniste ? Que faire du regard de l’autre ? Quelle place le récit accorde-t-il au genre dans la quête d’identité de Braden ? De nombreux choix de traduction dépendent de ces questions. Dans un premier temps, nous aborderons l’instabilité genrée et psychique de Patrick Pussy Braden, avant d’étudier les différents regards que les autres personnages portent sur notre protagoniste. Ceci nous permettra, dans un troisième et dernier temps, de démontrer l’importance du choix d’une voix féminine dans notre traduction (publiée aux éditions Asphalte en 2011).
In his first novel Icelander, Dustin Long plays with the voices of a large cast of characters in order to build a multi-layered story. These voices sound now as echoes, now as contrasts, of one another, and the translator must identify how intertwined they are so as to render them in French. This essay studies four types of characters whose strong voices question self-assertiveness and the relationship to otherness. It draws a parallel with the translator’s own assertion of his/her choices and his/her relationship to the original text/the translated text."
C’est à la fin des années 1990 que l’on commence à parler de "neurodiversité "(le terme "neurodiversity" a été inventé par la sociologue australienne et autiste Judy Singer) pour décrire les différences neurologiques en lien avec la sociabilité, l’apprentissage, l’attention et d’autres fonctions mentales ; ce concept s’oppose à l’avis répandu que ces variations sont anormales et relèvent de la pathologie, et demande plutôt qu’elles soient considérées comme une catégorie sociale (à l’image du genre, par exemple). Ces variations incluent l’autisme, la dyslexie et le trouble du déficit de l’attention avec hyperactivité, entre autres.
La définition et la diffusion du terme de neurodiversité à cette période-là coïncide avec l’apparition des premiers personnages ouvertement autistes en littérature jeunesse anglophone (Truth or Dare de Celia Rees, 2000 ; The Silent Boy de Lois Lowry, 2003) et francophone (Au clair de la Louna et L’Enfant qui caressait les cheveux de Kochka, 2002). D’abord personnages secondaires mis au service du récit personnel de personnages principaux neurotypiques (c’est-à-dire dont le fonctionnement neuronal correspond à la norme sociétale), ils et elles deviennent petit à petit protagonistes de leurs propres histoires, qui elles-mêmes tendent à se diversifier à partir de la fin des années 2000. Cette communication présentera un aperçu de la représentation de l’autisme en littérature jeunesse francophone et de son évolution depuis le tournant du XXIe siècle.
"L’horreur devient un genre littéraire à part entière au XXe siècle, avec un boom éditorial dans les années 1980 qui touche aussi l’édition jeunesse, d’abord anglophone, puis francophone avec les premières collections spécialisées : « Chair de Poule » (éditions Bayard, depuis 1995) et « Peur bleue » (éditions J’ai Lu, 1997-2001). C’est par la traduction que le genre horrifique pour la jeunesse se développe, ces collections ne publiant que des auteurs et autrices anglophones. À travers l’exemple de ce genre appartenant aux littératures populaires, j’aborderai la question des effets et des affects en traduction, ainsi que celles du destinataire et de la dimension transgressive de l’horreur, voire de l’acte traductif."
Ceci présente un riche défi de traduction du point de vue poétique et éthique, que je propose d’étudier dans cette communication en m’appuyant sur les traductions parues en langue française de The Curious Incident of the Dog in the Night-Time (2003), The London Eye Mystery (2007), The State of Grace (2017) et Ginny Moon (2017). Il s’agira de faire ressortir les ressorts d’écriture de ces voix (qui s’expriment à la première personne) et de voir si le texte d’arrivée fait à sa langue ce que le texte d’origine faisait à la sienne (Meschonnic, Poétique du traduire), le risque étant que « the voice of the narrator of the translation [may] entirely drown out the voice of the narrator of the source text » (O’Sullivan, Comparative Children’s Literature), effaçant ainsi une partie de l’identité et de l'altérité des protagonistes.
Cette thématique présente un riche défi de traduction que nous nous proposons d’étudier dans cette communication. Nous nous intéresserons à la sollicitation des sens dans la traduction pour la jeunesse grâce à des jeux sur l’oralité et la relation texte/image, particulièrement dans le cas de l’album où le visuel devient aussi important que l’écrit, pour le lecteur comme pour le traducteur. Les œuvres du nonsense jouent également sur les sons et les images pour mettre en scène des dangers culinaires aussi violents que variés, comme dans les limericks d’Edward Lear.
La dimension intrinsèquement culturelle de la nourriture pose enfin la question de l’adaptation éventuelle des mets évoqués dans le texte d’arrivée. La longue tradition cibliste de la traduction pour la jeunesse laisse de plus en plus place à des stratégies traductives qui conservent les références d’origine, afin de faire goûter l’altérité au jeune public (Lathey) – tout en souhaitant que la traduction ait, comme le texte d’origine, un impact sur les papilles des lecteurs.
This paper will question this pervasive conception of translation, very much alive among practitioners and readers, using the example of nonsense alphabets from the 19th century onwards (Edward Lear, Edward Gorey, Neil Gaiman…). The long tradition of nonsense alphabets in English embodies a paradox also found in translation – how working within confines can rhyme with creation and possibilities. The very constraints of Nonsense foster creativity, “balanc[ing] a multiplicity of meaning with a simultaneous absence of meaning” (Tigges); alphabet translations exaggerate this.
The fixed form of these texts – rhyming scheme; lively rhythm; vivid, precise imagery – foxes the translator: one of Lear’s alphabets (1877) relies on the letters of the alphabet to build and further the story (as an Oulipo text might). While long-standing principles, author’s authority and editorial expectations tend to demand respect for the original, a whole system of reinvention proves necessary to recreate this fixed exercise and its often absurd humour. Gone is the one obvious, correct translation, replaced by multiple subjective ones – consequently challenging the notion of mistranslation, usually synonymous with failure.
The translator’s aim and subjectivity foreground the reasons behind certain translation choices and their effects on the target text. I will include my own translations and versions by other translators to illustrate my theoretical approach (Henri Meschonnic, George Steiner…). Inspired by the Oulipo acronym (Ouvroir de Littérature Potentielle – Workshop for potential literature), I shall explore the tools available to the translator-as-craftsman to create texts full of potential and potentials.
Cette position d’observateur engagé rappelle, au sein de la littérature, celle du traducteur. La traduction place ce dernier dans un entre-deux perpétuel. Traduire, c’est supposément se mettre en retrait, observer et disséquer le texte avant de le faire parler. Mais pour donner voix à ce texte, le traducteur doit faire des choix, s’investir, se placer au cœur de l’écriture et de l’action. Il n’est pas tant passeur que négociateur. Dans Mouse or Rat ? Translation as Negotiation, Umberto Eco élabore autour de cette image du traducteur-négociateur : "Negotiation is a process by virtue of which, in order to get something, each party renounces something else, and at the end everybody feels satisfied since one cannot have everything. […] A translator is the negotiator between those parties, whose explicit assent is not mandatory". Ce rôle de négociateur revêt bien évidemment toute une dimension symbolique lorsqu’il s’agit de traduire une œuvre telle que Breakfast On Pluto.
Je propose d’explorer ce parallèle entre le protagoniste du roman et le traducteur littéraire en m’appuyant sur une étude du personnage de Patrick Pussy Braden et sur ma propre expérience de traduction de l’ouvrage (parue aux éditions Asphalte en 2011, sous le même titre).
Cette œuvre intertextuelle est construite en 3 parties (Prélude, Ludo et Cluedo) et elle rappelle les romans de Thomas Pynchon et Jasper Fforde. Le lecteur suit l’enquête menée à New Crúiskeen (Islande) par Notre Héroïne, fille de la célèbre et regrettée détective Emily Bean, pour retrouver le meurtrier de son amie Shirley MacGuffin. Elle se retrouve impliquée bien malgré elle et tente d’y voir plus clair alors qu’elle évolue parmi une dizaine de
personnages. Leurs histoires se croisent et s’entrecroisent jusqu’à lier étroitement leurs destins et leurs identités. Un des personnages, Prescott, va même jusqu’à déclarer à Notre Héroïne : « Tu m’as construit ».
Jusqu’où cette affirmation est-elle vraie dans le récit ? En terme de traduction, comment se positionner face à l’altérité présente dans l’œuvre d’origine, qui fait écho à l’altérité du monde évoquée par Antoine Berman ? Comment la faire parler dans l’œuvre traduite ? Le traducteur doit identifier les différents modes de représentation de l’identité et de l’altérité mis en place par l’œuvre d’origine, afin de mieux les (re)construire et les faire parler dans l’œuvre traduite.
Nous proposons d’analyser la façon dont l’œuvre d’origine met en scène l’identité de ses personnages en lien étroit avec la question de l’altérité, et d’étudier les solutions françaises élaborées dans notre traduction parue aux éditions Asphalte en 2011 (sous le même titre : Icelander). Ce sera également l’occasion de tracer un parallèle entre la façon dont les personnages construisent leur identité face à l’altérité, et la façon dont le traducteur construit l’identité de cette œuvre autre qu’est l’œuvre traduite."
L’auteur-illustrateur américain Edward Gorey (1925-2000) s’est réapproprié l’exercice de l’abécédaire, dans la veine du nonsense de Lear et Carroll, s’amusant à créer un bestiaire fantasque et sonore (The Utter Zoo Alphabet) ou une brochette de vingt-six enfants aux destins aussi farfelus que tragiques (The Gashlycrumb Tinies). Ces textes font entendre la voix distincte de Gorey, au ton à la fois détaché et caustique, macabre et enjoué, qui vient déjouer les attentes du lecteur.
La traduction française de ses Gashlycrumb Tinies (publiée en 2011 aux éditions Attila sous le titre Les Enfants Fichus) possède un rythme véritable, celui de l’alexandrin, mais il s'agit également d'un rythme franco-français. Ce choix d’une norme de la poésie française fait par le traducteur interpelle : en touchant au rythme, on touche à la voix de Gorey. On pose également la question des attentes du lecteur : en optant pour l’alexandrin, quelle place le traducteur laisse-t-il à l’inattendu ? La traduction fait-elle alors à sa langue ce que l’œuvre originale fait à la sienne (Meschonnic) ? Nous proposons d’étudier cette question du rythme dans certains des abécédaires d’Edward Gorey, d’en démontrer le rôle primordial dans ce genre de la littérature d’enfance et de jeunesse, et d’envisager les démarches traduisantes possibles qui s’offrent au traducteur pour faire parler ce rythme, cette « organisation du mouvement de la parole » (Meschonnic)."
De nombreux auteurs se sont essayés à l’exercice de l’abécédaire, notamment les auteurs du Nonsense tels que Edward Lear, ou plus récemment Edward Gorey et Neil Gaiman. Leur approche se veut ludique et non didactique, et détourne l'exercice pour en faire des abécédaires rimés décalés, souvent empreints d'une noirceur comique.
Le traducteur est alors confronté à un travail des plus complexes, qui présente des contraintes liées au format, au contenu et au public jeunesse. Écriture et oralité se mêlent : la traduction de l'abécédaire démontre qu’il n’y a pas d’un côté le sens et de l’autre le signe, ce « binaire fond-forme, plaqué sur langue de départ-langue d’arrivée » que Meschonnic déplore.
La présence simultanée sur le marché de la première traduction des Just So Stories et de ses retraductions amène à se poser la question de la légitimité : légitimité de la première traduction, mais aussi légitimité des retraductions. Il est possible d’avancer la possibilité d’un vieillissement de la première traduction, celle-ci datant tout de même de 1903, ce qui ferait écho à la réflexion d’Antoine Berman : « il faut retraduire parce que les traductions vieillissent, et parce qu’aucune n’est la traduction ». La présence continue de cette première traduction laisse cependant supposer qu’elle reste d’actualité, que sa voix n’a pas été affaiblie par le temps, et vient défier les retraductions successives.
Existe-t-il une réelle différence entre la première traduction et les retraductions publiées plus récemment ? Pourquoi retraduire ? Comme le rappelle Berman, « il faut que, de son côté, l’œuvre ait longuement mûri sa présence en nous, pour que la nécessité de sa retraduction apparaisse ».
French translation of Danielle Teller's "All the Ever Afters".
C’est la marâtre la plus détestée de l’Histoire, celle dont on parle pour faire peur aux enfants désobéissants. Mais qui savait que la belle-mère de Cendrillon s’appelle en réalité Agnès, qu’elle a passé sa jeunesse à trimer comme bonne à tout faire, qu’elle a dû se battre comme une lionne pour accéder à un monde qui n’est pas le sien, que son époux est alcoolique et que sa belle-fille, petite princesse aux petons si délicats, est en réalité fort capricieuse? Agnès n’en peut plus des sornettes autour des pantoufles, des princes charmants et des citrouilles. Elle est bien décidée à rétablir la vérité, quitte à égratigner quelque peu la version officielle.
Une réécriture ingénieuse et jubilatoire du célèbre conte, qui réussit l’exploit de nous faire aimer un personnage détesté.
C’est la marâtre la plus détestée de l’Histoire, celle dont on parle pour faire peur aux enfants désobéissants. Mais qui savait que la belle-mère de Cendrillon s’appelle en réalité Agnès, qu’elle a passé sa jeunesse à trimer comme bonne à tout faire, qu’elle a dû se battre comme une lionne pour accéder à un monde qui n’est pas le sien, que son époux est alcoolique et que sa belle-fille, petite princesse aux petons si délicats, est en réalité fort capricieuse? Agnès n’en peut plus des sornettes autour des pantoufles, des princes charmants et des citrouilles. Elle est bien décidée à rétablir la vérité, quitte à égratigner quelque peu la version officielle.
Une réécriture ingénieuse et jubilatoire du célèbre conte, qui réussit l’exploit de nous faire aimer un personnage détesté.
La collection « Asphalte Noir » fait sa première incursion au Proche-Orient avec sa nouvelle destination : Beyrouth Noir. Imane Humaydane a rassemblé autour d’elle quinze écrivains pour mettre en scène la capitale libanaise, avec la guerre civile (1974-1990) pour toile de fond. « Cette anthologie prend part à un mouvement général, vibrant et vivant, de reconquête : elle se réapproprie la ville grâce à l’écriture. »
Le genre noir est ici compris au sens le plus large du terme. Les regards portés sur la ville par les quinze auteurs du recueil sont désabusés, pleins d’amour et de rejet, de frustration et de fascination, mais tous battent en brèche les clichés sur cette ville souvent résumée à sa somme de contradictions.
Elle c’est Jodi. Lui c’est Todd. Elle est une femme d’intérieur idéale et une psy de renom. Il a le charisme et la gloire de ceux qui réussissent. Elle l’aime aveuglément. Il la trompe allégrement. Elle et lui forment le couple parfait, en surface. Mais les apparences peuvent-elles longtemps rester trompeuses ?
Thriller psychologique à la Gillian Flynn (Les Apparences), La Femme d’un homme a connu un succès phénoménal aux États-Unis. D’origine canadienne, A.S.A. Harrison n’aura malheureusement pas savouré son succès, décédée quelques semaines avant la parution de son premier roman. La Femme d’un homme est en passe d’être publié dans le monde entier.
La jolie Georgie aime deux choses : les bonbecs et son petit ami Bobby. Bobby l’Artiste aime deux choses : Georgie et peindre sous l’influence de drogues psychédéliques que lui refourgue avec complaisance son voisin Johnny. Johnny le dealer de service aime deux choses : le porno et sa petite amie Ellen. Ellen la chômeuse professionnelle aime deux choses : Johnny et faire l’amour, mais pas avec Johnny, parce qu’il ne sait vraiment pas s’y prendre.
Tout ce petit monde se croise, trinque et fait la fête à Peach House, une tour HLM de Middlesbrough, au nord de l’Angleterre. Jusqu’au jour où les toiles de Bobby sont repérées par une galerie branchée de Londres… L’harmonie apparente de Peach House y survivra-t-elle ?
La vie à Middlesbrough, mode d’emploi : Block party est le joyeux portrait d’un immeuble dans une ville ouvrière, à travers celui de ses habitants.
« Milward a un talent immense, et son amour pour ses personnages est éclatant malgré tout ce qu’il leur fait subir. » Irvine Welsh.
French translation of Richard Milward's "Apples".
Adam et Eve ont 15 ans à Middlesbrough, dans le nord de l’Angleterre. Leur quotidien : expérimenter les fruits défendus offerts par le monde. Adam lutte contre ses TOC pour trouver le courage d’aborder la jolie Eve, qui l’ignore et s’adonne à toutes les tentations : vie nocturne, alcool, sexe, drogue…
Loin d’être un simple roman trash de plus sur la galaxie ado, Pommes mêle constamment poésie et réalité crue, entraînant le lecteur dans une tragicomédie rythmée par les Beatles, la house music et les Stones.
Tyreelin, un village à la frontière irlandaise. Patrick est le fils illégitime du curé local. Très jeune, il commence à se travestir et se fait appeler Pussy. À la mort de son amant et protecteur, un politicien victime du conflit irlandais, Pussy part à la recherche de sa mère dans le swinging London des années 1970. Mais sur la capitale anglaise aussi plane la menace du terrorisme, et Pussy, sans le vouloir, va se retrouver mêlée à un attentat à la bombe dans une discothèque…
Un récit drôle et flamboyant, où la violence et la misère côtoient les paillettes et le glamour, l’appétit de vivre et d’aimer malgré les hasards de l’histoire et de la nature.
C’est jour de fête à New Crúiskeen : on honore la mémoire d’Emily Bean, la célèbre enquêtrice, pourfendeuse du mal et redresseuse de torts. Mais la veille, Shirley MacGuffin a été assassinée ; tous s’attendent à ce que Notre Héroïne, meilleure amie de la défunte et fille d’Emily Bean, se charge elle-même de l’enquête. Sauf que Notre Héroïne se moque bien de pourfendre le mal et de redresser les torts… Pourtant, bien qu’elle n’ait aucune envie d’affronter les redoutables Refurserkir, guerriers mystiques du Vanaheim, elle va devoir reprendre du service.
Hommage étourdissant aux pulps et à la mythologie nordique, entre Pynchon et Jasper Fforde, Icelander comporte en outre un auteur nabokovien, un duo de détectives métaphysiques, un royaume souterrain situé sous l’Islande et une scène mémorable de karaoké scaldique.
Adam et Eve ont 15 ans à Middlesbrough, dans le nord de l’Angleterre. Leur quotidien : expérimenter les fruits défendus offerts par le monde. Adam lutte contre ses TOC pour trouver le courage d’aborder la jolie Eve, qui l’ignore et s’adonne à toutes les tentations : vie nocturne, alcool, sexe, drogue…
Loin d’être un simple roman trash de plus sur la galaxie ado, Pommes mêle constamment poésie et réalité crue, entraînant le lecteur dans une tragicomédie rythmée par les Beatles, la house music et les Stones.