QL14, 2024 La révolte dans le roman du second XIXe by Quêtes littéraires
Quêtes littéraires, n° 14, 2024 La révolte dans le roman du second XIXe siècle, 2024
La révolte dans Maître Daniel Rock d'Erckmann-Chatrian : un combat contre le progrès perdu d'avan... more La révolte dans Maître Daniel Rock d'Erckmann-Chatrian : un combat contre le progrès perdu d'avance .

Quêtes littéraires, n° 14, 2024 La révolte dans le roman du second XIXe siècle, 2024
Dans la 9 ème édition du Dictionnaire de l'Académie française, à l' entrée « Révolte », on peut l... more Dans la 9 ème édition du Dictionnaire de l'Académie française, à l' entrée « Révolte », on peut lire : « Soulèvement, action collective et souvent violente que mène, contre une autorité établie, un groupe qui refuse un système politique ou social, des lois, des décisions jugées insupportables ou iniques 1. » Étroitement associée au sentiment d'injustice, la révolte laisse le plus souvent éclater au grand jour des situations dramatiques. Par extension, cette même édition du Dictionnaire ajoute : « Violente indignation, colère éprouvée par un individu devant ce qui lui paraît inacceptable. » De l'acte collectif à l' exaspération d'un individu, il est question de protester haut et fort, de s' opposer, et même de se confronter à l'autorité. Dans la presse, et plus particulièrement à l' époque de la Révolution industrielle et de l 'apogée du mouvement ouvrier dans la seconde moitié du XIX e siècle 2 , les actualités relatant des soulèvements contre les conditions de travail imposées par les entreprises et les patrons sont nombreuses. La grève devient un moyen pour le salarié de se faire entendre des patrons. Cependant, cesser de travailler en vue d'améliorer son quotidien conduit inévitablement à une série de drames où la révolte ne peut que compter ses morts : en 1869, lorsque l 'armée tire sur les mineurs grévistes à Aubin dans l ' Aveyron ; le 1 er mai 1891 à Fourmies dans le Nord, lorsqu'une manifestation demandant la journée de huit heures voit l 'armée tirer sur la foule ; le 10 mars 1906, lorsqu'un coup de grisou frappe les mines de Courrières (1099 morts), entraînant une révolte des travailleurs qui tourne à l'insurrection puisque le drame est désormais chevillé à la politique 3 (Figure 1). Le 17 avril 1906, les journaux locaux relatent justement l ' extrême tension qui règne : Les gendarmes sont obligés de charger du côté de Lens et de Liévin (…) pour tenter de calmer l ' émeute on libère un prisonnier. Mais celui-ci, fait savoir que trois autres mi

Quêtes littéraires nº 14, 2024 La révolte dans le roman du second XIXe siècle, 2024
Erckmann-Chatrian narrent la révolte du forgeron Maître Daniel Rock, contre la venue du chemin de... more Erckmann-Chatrian narrent la révolte du forgeron Maître Daniel Rock, contre la venue du chemin de fer dans le village vosgien de Felsenbourg. Le héros souhaite en effet préserver le patrimoine du village et le sien propre puisqu’il a acheté le vieux château qui devrait être détruit pour tracer le chemin de fer. Ce combat contre le progrès amène Rock à se fâcher avec tout le village, les habitants vendant leurs terres à la compagnie de chemin de fer. Son choix contre le progrès détruira sa famille et mènera le forgeron à la mort. Cette histoire est l’occasion pour Erckmann-Chatrian de donner un souffle épique et tragique à un événement – la venue du chemin de fer dans les campagnes lorraines – qui vient bouleverser l’ordre naturel. La modernité n’a pas que des bons côtés et Rock en fera la triste expérience. Le roman de 1861 apparaît comme une parabole empreinte de saint-simonisme.

Quêtes littéraires, n° 14, 2024 La révolte dans le roman du second XIXe siècle, 2024
Cet article se propose d’analyser La Terre (1887), le quinzième tome des Rougon-Macquart, dans un... more Cet article se propose d’analyser La Terre (1887), le quinzième tome des Rougon-Macquart, dans une perspective politique. Zola place son intrigue dans un contexte de crise agricole qui affecte les conditions de vie de la classe paysanne. Il pose alors la question de la possibilité, en cette seconde moitié de XIXe siècle, d’une « jacquerie » qui mettrait fin à la misère. Cependant, jamais le soulèvement ne se réalise. Sous la plume de Zola, les paysans n’ont aucune velléité d’agir collectivement. Le roman se présente comme une analyse profonde des causes de la désunion des forces. L’instauration du partage des terres sous la Révolution et l’inefficacité des discours révolutionnaires, tournés en dérision, apparaissent comme les raisons principales de l’attentisme qui caractérise les paysans. Mais le souffle de la révolte ne s’éteint pas pour autant : les personnages subversifs recourent à des moyens alternatifs qui garantissent la circulation du discours contestataire.

Quêtes littéraires, n° 14, 2024 La révolte dans le roman du second XIXe siècle, 2024
Cet article a pour objectif d’analyser la transition du roman naturaliste au roman à thèse et d’e... more Cet article a pour objectif d’analyser la transition du roman naturaliste au roman à thèse et d’examiner par conséquent la transformation du genre romanesque à la fin du XIXe siècle. Nous proposons ainsi d’étudier dans un premier temps les différentes étapes de ce passage ou plutôt de cette « révolution » (combattre l’esprit décadent, admettre la prédominance de la religion, prôner une ouverture plus grande sur l’humanité, porter plus d’intérêt aux problèmes sociaux et moraux de l’époque). Aussi tentons-nous de répondre dans un deuxième temps à la question suivante : la transition du roman naturaliste au roman à thèse n’est-elle pas le signe d’une évolution du roman (émergence d’un discours idéologique et utopique, interpellation du lecteur, ton didactique), et ne reflète-t-elle pas par conséquent la transformation du genre romanesque au tournant du siècle ?

Quêtes littéraires, n° 14, 2024 La révolte dans le roman du second XIXe siècle, 2024
À partir de l’évolution littéraire de Paul Bourget, cet article cherche à explorer le pivotement ... more À partir de l’évolution littéraire de Paul Bourget, cet article cherche à explorer le pivotement qui s’opère entre sa critique psychologique marquée par une conscience de la décadence et ses romans psychologiques à visée sociale où l’auteur s’efforce de mettre en évidence des lois morales. Le concept même de révolution, que certaines critiques avaient utilisé pour qualifier les romans de Bourget, acquiert dans les discours du romancier psychologue une dimension sociale et moralisante qui constitue la force de ses romans dits « à idées ». Entre une volonté d’innovation et une réaction anti-révolutionnaire, voire antimoderne, les romans de Bourget pourraient se révéler comme une pensée en évolution qui cherche, tel que le précise l’auteur, à déconstruire la Révolution pour restaurer l’unité organique du corps social.
Quêtes littéraires, n° 14, 2024 La révolte dans le roman du second XIXe siècle, 2024
Le petit naturaliste Robert Caze semble proposer dans ses œuvres une forme entre le bref et le lo... more Le petit naturaliste Robert Caze semble proposer dans ses œuvres une forme entre le bref et le long : une forme mixte à même de représenter les modestes vies qui y sont dépeintes, des vies qui ne sauraient être romancées ou romanesques. Caze semble mettre à distance le genre du roman, notamment le grand roman zolien, en empruntant des procédés propres au récit bref, la forme mixte se situant en effet à mi-chemin entre le bref et le long. Ainsi, le cadre romanesque se voit sinon ébranlé du moins interrogé, voire mis à distance. Le roman ne semble pas être le genre le plus à même de porter la voix des personnages banals et médiocres, c’est alors que la forme mixte se donne à lire comme un moyen de représenter de manière plus efficiente la société du XIXe siècle.

Quêtes littéraires, n° 14, 2024 La révolte dans le roman du second XIXe siècle, 2024
Au tournant du XIXe siècle, Rosny aîné est un écrivain connu pour avoir participé au Manifeste de... more Au tournant du XIXe siècle, Rosny aîné est un écrivain connu pour avoir participé au Manifeste des Cinq en 1887 et avoir écrit une série de romans marqués par l’évocation de la révolte, un thème souvent présent dans ses romans sociaux : Le Bilatéral, mœurs révolutionnaires en 1887, Les Âmes perdues en 1899, La Vague rouge, roman de mœurs syndicalistes en 1910. Derrière des intrigues « variables en intérêt », l’auteur s’attache à analyser ce qui fait débat en son temps : questions sociales, situations politiques. Les personnages qu’il met en scène dans ses récits se révoltent contre une situation personnelle. Ils s’opposent à certains aspects de la société et sont porteurs de message. Ils apparaissent aussi dans leur révolte, signe de leur liberté. Outre les romans, il y a de nombreuses préfaces qui introduisent les arguments de l’auteur et sa réflexion sur la révolte. Des préalables nécessaires à la révolte (humiliation et soumission) à la dimension politique et morale de celle-ci, les préfaces nourrissent un « discours d’escorte » sur la révolte. Ainsi romans et préfaces contribuent-ils à mettre au jour l’importance d’un motif donnant du sens à l’œuvre de Rosny aîné.

Quêtes littéraires, n° 14, 2024 La révolte dans le roman du second XIXe siècle, 2024
En 1872, Léonie Rouzade, une féministe socialiste, fait paraitre Le Monde renversé. Utopie parad... more En 1872, Léonie Rouzade, une féministe socialiste, fait paraitre Le Monde renversé. Utopie paradoxale, ce roman retrace l’histoire de Célestine Chopin, une jeune femme qui parvient à devenir sultane et qui décide de retourner le monde, obligeant alors les hommes à répondre aux devoirs des femmes. Révolte à l’encontre du patriarcat, ce roman féministe est aussi une révolte contre le pouvoir et contre l’institution littéraire, dominée par une élite masculine qui réifie les femmes. Ainsi Léonie Rouzade nous donne-t-elle à lire une satire de la société et une critique du male gaze. On aurait cependant tort de penser que cette militante a écrit son roman dans l’objectif d’un jour parvenir à inverser les rôles de genre. Condamnant autant les hommes que les femmes, elle souhaitait non seulement faire réagir les deux moitiés du genre humain mais aussi proposer une société parfaitement nouvelle. Ni matriarcal ni patriarcal, le monde idéal espéré par l’autrice est absolument égalitaire : il est androgyne.

Quêtes littéraires, n° 14, 2024 La révolte dans le roman du second XIXe siècle, 2024
Le Désarroi, roman demeuré inédit du vivant de Remy de Gourmont, exprime une révolte propre à la ... more Le Désarroi, roman demeuré inédit du vivant de Remy de Gourmont, exprime une révolte propre à la fin du XIXe, teintée d’idéalisme, d’anarchie, d’individualisme nietzschéen et d’ésotérisme. Écrit entre 1894 et 1899, peu de temps après l’affaire soulevée par le « Joujou patriotisme », Le Désarroi est un roman écrit en réaction à plusieurs éléments. D’abord l’expression de la révolte, dans le sujet même, peut-être perçue telle l’expression d’une contestation par l’attentat anarchiste comme une justification de la violence. Puis, par ses caractéristiques éthiques, esthétiques et stylistiques, Le Désarroi apparaît tel un roman expérimental écrit en réaction au naturalisme de Zola et à l’écueil symboliste. La force du roman réside en ces différents niveaux de lecture qui lui confère une place à part dans l’œuvre de Gourmont et une place de choix dans l’étude de l’évolution du genre romanesque à cette période.

Quêtes littéraires, n° 14, 2024 La révolte dans le roman du second XIXe siècle, 2024
Les romans de Jules Vallès, Octave Mirbeau et Georges Darien ont en commun de mettre en doute la ... more Les romans de Jules Vallès, Octave Mirbeau et Georges Darien ont en commun de mettre en doute la représentation du monde proposée par les fictions contemporaines, particulièrement naturalistes. Instruisant le procès d’une mimesis jugée trompeuse et dangereuse, d’une langue suspecte d’être partisane et dévoyée, les trois hommes élaborent, dans le creuset de l’écriture romanesque, une écriture dont nous essaierons de mettre en lumière les enjeux à la fois esthétiques et politiques. Nous montrerons que cette écriture mobilisant un rire profondément transgressif se caractérise par une exploration des limites formelles, morales et sociologiques. Jouant avec les limites du supportable, éprouvant inlassablement le lecteur, les trois écrivains font de la grimace le socle d’une figuration authentique du réel, fondée sur la justesse du sentiment et sur l’authenticité de la colère.

Quêtes littéraires, n° 14, 2024 La révolte dans le roman du second XIXe siècle, 2024
La révolte est un motif clé dans le roman d’Octave Mirbeau, L’Abbé Jules. En suivant le fil du ré... more La révolte est un motif clé dans le roman d’Octave Mirbeau, L’Abbé Jules. En suivant le fil du récit et en replaçant les occurrences dans leur contexte narratif, l’article s’intéresse aux répétitions lexicales du mot et à ses dérivations. Les répétitions de ce mot mettent au jour les personnages : leur psychologie, leurs cheminements et leurs interactions. L’étude s’attache tout particulièrement à considérer le rapport entre la révolte et le personnage éponyme, lequel s’inscrit dans un contexte à la fois historique, religieux et culturel. Ainsi le rapport à la religion est-il au cœur d’une révolte significative chez l’abbé Jules, révélant au passage les contradictions qui le caractérise. Loin d’être une simple « ornementation », la révolte, axe de lecture transversal, dévoile des réseaux sémantiques et thématiques. Ces derniers, au-delà de la seule fiction, mettent au jour le regard critique de Mirbeau sur la société qui lui est contemporaine : famille, Église, comportements humains.

Quêtes littéraires, n° 14, 2024 La révolte dans le roman du second XIXe siècle, 2024
Au tournant du XIXe siècle, l’œuvre romanesque de Georges Darien est étroitement associée à l’exp... more Au tournant du XIXe siècle, l’œuvre romanesque de Georges Darien est étroitement associée à l’expression de la révolte : contre la famille, l’école, l’armée, l’Église, le bourgeois. Toutefois, ce soulèvement contre toutes les formes de l’autorité établie ne se limite pas à un simple motif récurrent dans les fictions, bien au contraire. Le romancier-lecteur (bibliothèque virtuelle) qui trouve sa place dans la littérature libertaire de l’époque remet en question la littérature et sa matérialité la plus emblématique : le livre. Darien dévoile une vision de la littérature et de son utilité pouvant être mise en relation avec un milieu anarchiste partageant les réserves d’un écrivain qui, indéniablement, trouve sa place parmi les auteurs pour qui la révolte est un « état d’esprit », à l’instar d’Octave Mirbeau. L’acte de lire et d’écrire, tous deux envisagés sous l’angle de l’indignation, révèlent chez Darien une manière de faire roman en suivant une tradition libertaire et en singularisant une révolte chevillée à des épreuves passées déterminantes, à bien des égards.

Quêtes littéraires, n° 14, 2024 La révolte dans le roman du second XIXe siècle, 2024
Nous voudrions montrer comment Bloy se révolte contre le roman de son temps en cherchant à respir... more Nous voudrions montrer comment Bloy se révolte contre le roman de son temps en cherchant à respiritualiser un modèle trop matérialiste et positiviste. L’étude de La Femme pauvre met au jour, à l’inverse du roman de son époque, la volonté bloyenne de faire voir les rouages invisibles d’une mécanique divine dont les personnages romanesques ne sont que des ombres projetées et incarnées, et non des fac-simile d’acteurs sociaux obéissant à des lois que l’étude de la société suffirait à déterminer. Ce roman révèle le rôle que Bloy fixe à l’écrivain : être au service de la Parole de Dieu, ce qui tranche avec celui de l’observateur neutre, sorte de Claude Bernard naturaliste. Il souligne aussi la mission que Bloy assigne précisément au genre romanesque, par contraste avec d’autres genres littéraires, comme le pamphlet, qu’il utilise également.
QL13, 2023: Jeu en litérature, litérature en jeu by Quêtes littéraires

Quêtes littéraires nº 13, 2023 Jeu en litérature, littérature en jeu, 2023
L’article analyse différents aspects du jeu dans les romans de Sophie Divry, une romancière de l’... more L’article analyse différents aspects du jeu dans les romans de Sophie Divry, une romancière de l’actualité aux allures de militante. Son œuvre protéiforme développe l’idée de ludisme littéraire qui assure du plaisir à l’auteur et engage le lecteur tout en transmettant un message sur la société. Dans l’essai Rouvrir le roman, l’écrivaine propose de réinventer le genre romanesque au moyen de l’esprit de non-sérieux qui est un stimulant de la littérature. Fondée sur l’intertextualité, l’écriture de Divry renouvelle de façon originale des modèles connus comme celui de Madame Bovary (La condition pavillonnaire) ou de Robinson Crusoé (Trois fois la fin du monde). Les jeux narratifs conduisent la romancière à élaborer une écriture polyphonique. L’étude du roman Quand le diable sortit de la salle de bain démontre le lien entre le jeu et l’autoréflexivité et relève le potentiel du ludisme au niveau langagier, typographique et formel.

Quêtes littéraires nº 13, 2023 Jeu en litérature, littérature en jeu, 2023
De nombreux romans de Patrick Modiano font intervenir le motif du jeu – prédicat et espace – dans... more De nombreux romans de Patrick Modiano font intervenir le motif du jeu – prédicat et espace – dans la narration, aux niveaux actoriel, thématique et structural. L’introduction de cet élément mineur – il ne s’agit pas d’un thème – nous renseigne toutefois autant sur la technique romanesque employée par Modiano que sur les considérations métaphysiques sous-tendant son écriture. Une lecture attentive centrée sur divers épisodes articulés autour du jeu nous permet ainsi de mieux comprendre les modalités adoptées par l’écrivain dans l’élaboration de ses personnages et dans l’architecture de ses récits. L’insertion du motif du jeu nous permet en outre d’identifier et d’analyser la valeur accordée au hasard et à l’indéterminabilité sous toutes ses formes dans le récit modianien, à partir duquel se déploie une véritable métaphysique, voire une éthique, de l’indétermination.

Quêtes littéraires nº 13, 2023 Jeu en litérature, littérature en jeu
Le jeu, dans ses formes et catégories multiples, constitue un fil conducteur dans la poétique d’É... more Le jeu, dans ses formes et catégories multiples, constitue un fil conducteur dans la poétique d’Éric-Emmanuel Schmitt. L’objectif de cet article est d’étudier les modalités ludiques des pratiques de lecture représentées dans les nouvelles de l’écrivain-philosophe. Les analyses de la thématisation d’expériences de jeu et de lecture sont menées au prisme des théories de la réception et du jeu. Les cas significatifs de lecteurs aux tendances psychotiques ou (post)bovariques, expérimentés ou débutants, sont révélateurs de divers effets et usages de la lecture-jeu et de ses dérives possibles. Les pratiques lectrices, pathologiques ou bénéfiques, associées à différents profils de lecteurs in fabula, sont étudiées dans le but de dégager les dispositifs ludiques de cet art nouvellistique empreint d’un esprit d’enfance singulier.

Quêtes littéraires nº 13, 2023 Jeu en litérature, littérature en jeu, 2023
Au casino, Frédérique s’abandonne à la roulette qui lui confère un lieu protecteur « hors d ’atte... more Au casino, Frédérique s’abandonne à la roulette qui lui confère un lieu protecteur « hors d ’atteinte ». Moment d’oubli, le jeu lui procure un vertige intense et apparaît comme une forme d’abandon, un acte de révolte contre les diktats de la société. Il se définit aussi comme une pratique ordalique signifiant que le personnage s’en remet au hasard. Sorte de pharmakon, le jeu procure un sentiment de toute puissance en jugulant l’angoisse de l’héroïne, mais en se révélant également mortifère. Frédérique, double spéculaire d’un auteur en proie à une angoisse ontologique, bascule rapidement dans la folie des joueurs. Le jeu s’avère-t-il vraiment salutaire pour la jeune femme plongée dans l’oubli de soi ? A-t-il un effet cathartique sur le personnage ? Ne se révèle-t-il pas, au contraire, une pure chimère, une illusion incapable de combler les fantasmes de l’héroïne, si ce n’est le temps d’une parenthèse hors du réel ?

Quêtes littéraires nº 13, 2023 Jeu en litérature, littérature en jeu, 2023
Dans cet article, nous examinons quelle est la relation entre l’aspect oulipien de La Vie mode d’... more Dans cet article, nous examinons quelle est la relation entre l’aspect oulipien de La Vie mode d’emploi (1978) de G. Perec et l’investigation chez R. Zylberman dans son livre 209 rue Saint-Maur Paris Xe, autobiographie d’un immeuble (2020). Si nous nous attardons sur cette comparaison, c’est qu’il existe une torsion entre eux : d’un côté, ce reportage est certes un bel exemple de « littérature d ’investigation », mais il n ’est pas, à la différence des reportages d’obédience perecquienne, sous la domination de « contraintes existentielles » ; de l’autre, il a pour décor un logement collectif, comme c ’est le cas pour le roman de Perec, sans toutefois recourir aux contraintes langagières. Nous démontrons que la tutelle de La Vie mode d’emploi dans le livre de Zylberman est de nature plutôt existentielle mais un tant soit peu teintée de ludisme oulipien.

Quêtes littéraires nº 13, 2023 Jeu en litérature, littérature en jeu, 2023
Quelle est la valeur du jeu pour un lecteur lorsque le texte littéraire se pense lui-même radical... more Quelle est la valeur du jeu pour un lecteur lorsque le texte littéraire se pense lui-même radicalement comme un dispositif ludique ? Le produit inaugural de l’Ouvroir de Littérature Potentielle que fut le recueil de poésie combinatoire des Cent mille milliards de poèmes de Raymond Queneau interroge la lecture de façon exemplaire, eu égard à la double problématique qu’il suscite, de l’effacement auctorial et de l’activité lectorielle. Cet article voudrait ouvrir la voie à une requalification épistémologique de la notion d ’humour, en l’abordant comme une pratique (ludique) de mise en sens, et plus particulièrement ici comme pratique interprétative. À partir d’une conception dialectique du jeu, héritée du libre « jeu des facultés » de Kant, il se veut l’occasion d’un rapprochement peu commun entre l ’humour et la lecture littéraire. Avec l’ambivalente complicité de l’auteur, la mise en scène du lecteur se confond avec la mise en sens de l’œuvre.
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QL14, 2024 La révolte dans le roman du second XIXe by Quêtes littéraires
QL13, 2023: Jeu en litérature, litérature en jeu by Quêtes littéraires
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"From Amaurote to Dumocala: variations on kings in utopias"
After recalling the figure of Pantagruel, a grandson of the king of Utopia and king of the Dipsodes - which makes it possible to evoke some of the properties of utopia, and in particular that which consists of searching within utopia itself for filial links it maintains with previous texts - the discussion is narrowed down to the figure of the king in the tradition of utopia, with Sylvain Maréchal's Last Judgement of Kings serving as an example. Next, attention is directed more specifically to the figure of the king of Poland, a figure particularly suited to stimulate the political imagination of Europeans in the 18th century, and then to the person of Stanislas Leszczyński - the only sovereign to have written a utopia. He is the author of the short novel Entretien d’un Européan avec un insulaire du Royaume de Dumocala, which is both faithful to the narrative model it helps to perpetuate and devoid of any revolutionary intentions.
"The Abbey of Thélème: an enclave withdrawn from reality and the climax of an elitist society"
This article aims to analyze the Abbey of Thélème imagined by François Rabelais to get a clear idea about the initial utopian programme, by means of observing its shapes and limits. It will situate this work at an intersection between humanitarian values, contribution from More, spiritual crisis, and above all a pressing demand for renewal and novelty, resulting from societal and political criticism. It is from this opening statement that we will try to approach the structure, the project and the laws regulating and organizing this particular utopian society, before determining its limits. Attention will be paid to its construction, concrete and theoretical, in a parallel with the architecture of the convent Sainte-Marie de la Tourette designed by Le Corbusier. Thus, we will demonstrate how Rabelais’ linguistic games overstep the ideological project for the benefit of a new type of writing, complex and multifaceted. We will have to understand a lot of paradoxes which allow us to determine the importance of the literature beyond the initial utopian project.
When in the 16th century multiple texts present utopian societies, Urfé adapts this theme for a pastoral universe in L’Astrée. However, instead of proving its superiority, he demonstrates the inherent weakness of every utopian project: what could any utopia be good for if it is incapable of long withstanding the assaults of reality? The ideal society presented at the beginning of the novel grows weaker with every new chapter, and is finally destroyed. Between denunciation of utopia as a genre and a paternal consideration of the characters doomed to suffer as a result of meeting the outside world, L’Astrée shows how the most beautiful of the earthen pots inevitably crashes against the iron pot of reality. The novel depicts the beauty of this crash.
"Aunillon’s Azor: the ambiguity of language in a narrative utopia from 1750"
While included in Garnier’s collection, Azor, a little known work of Aunillon from 1750, does not follow the literary rules of most narrative utopias. However, the complex story presents critical thinking about the development of refined societies. The change which a mute community experiences on an island while learning to speak calls into question the future of this happy society, but no narrator’s commentary elaborates on this turning point in the utopia. In Azor, language becomes an ambiguous object which allows for the critical consideration of the steps necessary to access philosophical sophistication but also implicitly highlights problems associated with too hasty a progress. Through the narrative plot, the judgment on civilization reveals a subtle and skillful examination of hopes and challenges of the Enlightenment, articulated in a narrative utopia as in a laboratory of ideas. Aunillon's work is part of the debates of the mid-century by expressing a nuanced validation of civilization.
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"Poetry and utopia in France during the 19th century"
This paper confronts versified positivist propaganda (Du Camp) with lyrical and visionary prose of Saint-Simon’s followers (Duveyrier). Taking as the point of departure Baudelaire’s judgment about the incompatibility between poetry and didacticism, this paper queries the status and aesthetic value of social poetry. The working class poetry (One hundred small miseries, Social work) is full of vitality of the popular style, replete with humorous energy and fantasy, whereas the socialist fable (Lachambeaudie) expresses a lot of empathy. Under the positivist prophets’ pen, the disciplines – religion, architecture, poetry, mathematics – are not separated but analogous and convertible. According to these thinkers, there is no difference between a poem, picture of the ideal city and utopia itself. Social innovation can only be told by the innovative form of the urban prose poem, and the Industrial Revolution calls for a revolution of poetic forms. The poeticity of these texts, inversely proportional to the realism and to the specialization of the lexicon used, stems from the art of suggestion and the rise of imagination renewed by technical, urban and scientific modernity.
Leur fréquente présence dans des almanachs populaires, leur parution dans la presse de pure distraction ou satirique (Le Charivari, Le journal amusant et Le journal pour rire en recèlent de riches gisements), leur juxtaposition fréquente à des illustrations amusantes sans visée politique, ou au contraire leur présence jusque dans la presse quotidienne politique les font légitimement entrer dans ce que l’on a appelé « la civilisation du journal ».
On interroge ensuite les critères de sélection biographique des célébrités caricaturées et la cohérence thématique possible de la série à partir de la typologie des filtres mythologiques – le cycle de Troie, les divinités olympiennes, les héros, les monstres. Enfin, l'analyse plus spécifiquement sémiotique des caricatures met en évidence la reprise du procédé associant grosse-tête et légende versifiée aux deux séries du Panthéon charivarique (1838-1841 et 1866-1867), la dimension de rébus politique, et le jeu de citations artistiques, littéraires voire musicales. L'épilogue montre que la portée de la série peut s'envisager d'un point de vue politique et artistique mais aussi intellectuel dans le rapport au temps qu'elle questionne.
En effet, invalidant le constat d'un primat de l’image sur le texte (position de Charles Baudelaire) ou inversement du texte sur l’image (position de Roland Barthes), cet article rappelle que le visuel et le textuel assument des rôles fluides et qu’ils se complètent. À ce titre, la consonance ou dissonance entre l'image et son titre/sa légende sont deux types de rapports qui concourent à la naissance du rire comme à la richesse sémantique de la caricature.
Cette vision d’un rire procédant avant tout de mécanismes formels pourrait tendre à faire croire que l'évaluation des systèmes de valeur mobilisés est superflue. L'important serait de comprendre et d'analyser, pas de juger. Contre une telle prétention, cet article soutient la nécessité d’ajouter à l'analyse formelle d'une œuvre dans son contexte historique un positionnement éthique face à ses implications idéologiques explicites et implicites.
Ainsi, l’œuvre de Beauvoir et Sartre, deux personnalités fortes, d’un talent inédit, des consciences, à la fois, jumelles et différentes, prouve non seulement leur admiration réciproque pour leur travail respectif, mais aussi l’acceptation de l’autre. En témoignent leurs ouvrages, lus dans la perspective intertextuelle.
Notre intention est de vérifier si le parcours de Nancy Huston est, en effet, inscrit sous l’empreinte structuraliste de son mentor ou bien s’il peut être interprété comme acte insubordonné et critique de la vague structuraliste. Nous essayerons de comprendre l’attitude de Huston face à un maître dont la rigidité paralysait toutes tentatives d’écriture, et où, d’après elle, toutes constructions romancières paraissaient inaccessibles.
Les textes durassiens reflètent la fin d’un tel monde ainsi que les avatars absurdes d’un malheur inévitable. De façon dramatique, l’auteure démontre le tragique existentiel lié, en particulier, à l’injustice, au désespoir, à la souffrance. Impuissants, égarés dans un univers incertain, les personnages durassiens se soumettent passivement à un destin inexorable.
Quelle doit être notre réaction alors, face à la vanité de tout ? On pourrait être tenté de dire que la destruction, et surtout l’autodestruction, semble être la réaction la plus raisonnée. Bien que Cioran écrive de manière quasi-obsessionnelle sur le thème du suicide, il n’arrive pas à le recommander comme solution à la vanité justement parce que la vanité résiste à toute solution. L’écrivain se voit ainsi dans une position contradictoire, car à quoi sert-il de déclarer la vanité de tout si cette déclaration ne fait que participer à cette même vanité ? L’acte de publier des livres n’est pas, selon Cioran, plus efficace que le suicide en ce qui concerne l’atténuation de la vanité, mais l’écriture et la lecture en tant que création et destruction simultanées nous permettent d’oublier la vanité au moins assez pour continuer à vivre.
These rewritings, with religious or sacred topics staged for a secular theatre by Guillard, are very different from the original works and tend to be family dramas: he then transforms them into secular works with secular content. Human sacrifices are present in these works but seem to feature here for family reasons and not only for religious purposes. Divinities are presented by the librettist as human beings, whose family roles are predominant. The sacred and the profane are mixed in these two librettos, changed into hybrid works. Guillard seems to use the same model to adapt historical, mythological or religious works, which means that the role and the impor-tance of the religious in the works staged at the Académie Impériale de Musique in the period of the Tournant des Lumières has to be examined.
The acceptions the concept of “absence” may receive throughout our analysis are parts of the phenomenon of progressive alienation seen, for instance, as separation (stressing the idea of distance and departure), or as solitude, then omission (in the sense of forgetting), and culminating with the inability of perception that anticipates isolation, physical imprisonment and announces death (designated through a privative prefix) as an absence that is always present and obscurity.
We attempt to reveal the “markers” of absence on the level of certain constituents of the play: the character, formed of a discursive feature, infinitely simple and repetitive, much more diminished and developing without individuality, like a silent, mysterious ghost; and the action where it is rather inaction that represents our primary direction of research. As a secondary direction, we consider the markers of absence in a language that, in the case of Maeterlinck, is remarkably pure and lacks any syntactic or lexical complication, from lexical structures (the reassessment of short expressions makes the utterances seem captivatingly strange, revealing, beyond words, unutterable, unspeakable) and the grammar, especially the semantics of its forms – the 3rd person pronouns, a form we may consider as deprived of referential content, the indefinite pronouns which indicate absence –, the semantics of punctuation, especially that of the suspension points.
In Degrees temporal and spatial structures are also very important. This time round, however, the problems of the narration itself, become predominant. Considered from this point of view, the novel announces Gerard Genette’s work Narrative Discourse and his theoretical discussion of two narratological categories: narrative voice and narrative mode. Having transgressed his narrative competences, Pierre Vernier, the narrator of the first and the second parts of the novel, who, taking as a starting point, a complete account of one hour at school, tries to describe the whole world and various aspects of the human civilization for the benefit of his nephew, Pierre Eller, must fail and disappear, as the narrator, from the third part, which is narrated by another narrator, less audacious and more credible.
In her work entitled Le Blanc de l’Algérie Djebar recalls deceased Algerian intellectuals, such as Albert Camus, Frantz Fanon or Kateb Yacine, as well as cruelly murdered writers and less known persons, who proved to be important for the author herself (namely her friends) and for the history of Algeria. The author bemoans those absent figures, remembering their last minutes of life, their families’ despair, and the atrocity of death.
The article is an attempt at a reflection on the problem of absence that is in dichotomy with presence. The absence of great Algerians is unbearable; it is not silence but a cry for the memory of the tragic moments in the history of the country. Those moments, when remembered, shall help understand better the painful contemporary times. Djebar in a subtle way removes a white shroud (white is the colour of mourning in the tradition of North-African countries), thus showing the reader the moving and colourful Algerian fresco.
The absence has been showed as a lack, also has been presented in the perspective of ontological. Characters created by J. Muno have personality problems cause by time reality and society. Society determined who character should become. All efforts being yourself ends failure.
Muno in his works presents french speakers Belgians, called la belgitude. Heroes of Muno have problem with find them national identity, they suffer because of double culture. They are able to accept and take advantage of this situation.
The significant thing is that the boy’s name “Tom”, is the anagram of “mot” which stands for “a word” in French. For that reason the death of Tom becomes the death of word. The analysis of the novel in the optic of psychoanalysis results in interesting conclusions, just likewise Marie Darrieussecq’s study in meta-literary context.