
Régis Poulet
President of the International Institute of Geopoetics (previous president & founder of the Institute in 1989 : Kenneth White)
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Books by Régis Poulet
Il s’agit de reprendre, ainsi que l’ont fait nombre de philosophes avec les
Présocratiques au XXe siècle, la réflexion à partir de leur situation, dont
les traits communs avec la nôtre sont évidents. Alors que nous mourons de retourner contre la nature les armes que nous en extrayons ; alors qu’il n’est pas possible, sauf cataclysme planétaire qui n’est pas à exclure, de se départir de ce qui fait l’humanité, à savoir le travail au sens d’un développement de la technique — le choix des Paléolithiques, confrontés à un problème de même nature, de faire émerger grâce à l’art les conditions d’une réconciliation avec le monde, doit nous inspirer. »
Papers by Régis Poulet
(lire la suite sur le site de l'Atelier géopoétique du Rhône)
On ne va certes pas prendre les déclarations d’un chef de l’état pour un état capital de la pensée, il n’empêche que d’entendre benoîtement parler d’opposition entre Orient et Occident dans le cadre d’une redéfinition du commerce international [1], laquelle définition s’appuie sur une représentation de l’Orient — l’Autre – et de l’Occident – le Soi, m’a rappelé combien n’allaient pas de soi les analyses d’Edward Said et les nôtres sur les rapports entre Orient et Occident et combien est nécessaire de ‘tenir le pas gagné’.
Aussi proposons-nous, pour cette première quinzaine de juillet, quelques séances de rattrapage à d’aucuns qui pensent avoir leur mot à dire sur ces questions.
Orient et Asie sont souvent confondus. En effet, alors que l’Asie correspond à un continent, l’Orient n’est qu’une direction (celle du soleil levant) qui n’a de sens, pour désigner l’Asie, que depuis l’Europe (en Amérique, l’Asie est plutôt à l’Ouest). Or le Maghreb, qui est au Sud de l’Europe, fait partie de l’Orient. Exemple, parmi d’autres, d’incohérence révélatrice. En fait, dès l’Antiquité gréco-romaine, l’Occident s’est constitué un double imaginaire appelé « Orient » qui était paré soit de toutes les vertus, soit de tous les vices, et qui se superposait plus ou moins à l’Asie réelle. De siècle en siècle et en dépit du fait que cet « Orient » coïncidait de moins en moins avec l’Asie (surtout à partir de l’expansion musulmane), Orient et Occident sont devenus des alter ego dans l’imaginaire européen, les deux faces d’un même « être ». Si bien que pour tout Européen contestant sa propre civilisation, l’Orient apparaissait comme un modèle fascinant ; au contraire, tout défenseur des valeurs de l’Europe chrétienne diabolisait un Orient jugé corrupteur. Finalement peu importait le contenu de ces Orients-là : l’ennemi oriental (ou l’idéal oriental) était tantôt musulman (du Maghreb comme de Perse), tantôt bouddhiste, confucianiste, taoïste (de l’Inde au Japon en passant par la Chine et l’Indochine), tantôt biblique (Jérusalem), tantôt drôlement chrétien (Byzance /Constantinople)... Quel point commun entre ces différentes facettes de l’Orient ? Quel rapport avec l’Asie ? L’Asie n’était souvent qu’un prétexte pour l’Occident à parler de lui-même en dressant devant lui un adversaire (l’Orient) contre lequel s’appuyer au bord du vide qu’il ressentait. Presque toute nouvelle perception de l’Asie en vint assez vite à se conformer au schéma binaire d’attraction et de répulsion. Ainsi l’Orient est-il une projection imaginaire dont l’Occident s’est servi au cours de l’Histoire pour donner le change à ses angoisses ou pour entretenir un espoir idéalisé, celui d’une identité rêvée : la sienne.
Bref, ce moment est venu et nous offre le magnifique recueil de nouvelles d’Anjana Appachana paru à l’enseigne de la bien nommée vierge-folle Zulma, sous le titre Mes seuls dieux (Incantations and Other Stories avant traduction par Alain Porte).
« Ma fille, elle dit que chez ces Britanniques, soit ils glorifient l’Inde, soit ils font radicalement le contraire. Soit ils écrivent sur les Maharajas et les tigres et les charmeurs de serpents, soit ils écrivent sur les bidonvilles et les gens qui chient en public. »
...
L’intérêt de cette correspondance, qui nous livre quelques belles pages, est surtout, me semble-t-il, de réunir ces deux figures emblématiques de la pensée européenne du XXe siècle, tant admirées et décriées mais pour le moins influentes.
...
Cette clôture d’une semaine de tables rondes et autres lectures, à l’instar de l’invitation faite à Alain Badiou l’an dernier, augurait, vu la réputation du philosophe allemand, d’un beau final. Il faut dire que la matinée avait été pour le moins décevante, la table ronde autour de « La folie à l’œuvre » ayant fait long feu. Des quatre auteurs invités, seuls deux avaient quelque chose à dire sur le sujet ; les deux autres considérant la ‘chose’ soit comme un objet extérieur propre à constituer un catalogue de fous, catalogue qui ne fait pas œuvre, soit comme prétexte à étaler un narcissisme boboïsant selon lequel les monstres et les fous – après un collier de clichés sur la folie monté en sautoir pour plateau télévisé – c’est la même chose cher public…
L’espoir renaissait donc avec la venue de celui que nous sommes nombreux à considérer comme un philosophe majeur de notre temps. Interrogé par Jean Birnbaum sur la pensée comme expérience de la déception et son rapport avec la littérature...
Son travail cinématographique s’est à plusieurs reprises appuyé sur la littérature. En toute subjectivité, nous retiendrons surtout, à dix-huit ans d’intervalle, l’adaptation de Malina (1971, adaptation 1990), roman d’Ingeborg Bachmann, et de Nuit de chien (Para esta noche, 1943, adaptation 2008) de Juan Carlos Onetti.
De Malina, Werner Schroeter a su garder la dimension hallucinée que l’Autrichienne avait donnée à son oeuvre. Comme l’affiche ci-dessous le rappelle, le scénario est de Elfriede Jelinek, grande admiratrice d’Ingeborg Bachmann. Jelinek a personnalisé jusqu’à l’apparence d’Isabelle Huppert sur cette affiche où l’on reconnaît sans peine la pose de la future Prix Nobel, cigarillo au coin des lèvres.
...
...
La plupart des représentations qui viendront à l’esprit de nos compatriotes brasseront, sans préjuger de l’ordre : des noms de constructeurs de matériel automobile ou électronique – ancien ‘dragon’ des années 1980 ; un pays dont la situation, héritée de la Guerre froide, en ferait une sorte d’Allemagne exotique ; pour les plus âgés, un théâtre de guerre éponyme ; et pour la culture : le pays du taekwondo ; des Jeux olympiques de 1988 ; de la coupe du monde de football de 2002 co-organisée par le Japon ; et enfin d’une vague coréenne cinématographique.
Pendant longtemps la Corée n’a pas été distinguée de la Chine, voire du Japon, dans l’esprit des Européens. Stéphane Bois rappelait encore récemment que les relations de voyage ‘à la Corée’, de même que les illustrations restaient rares [1] et se caractérisent surtout par les « altérations infligées à l’altérité ».
...
Bataille fut, comme on sait, l’un des premiers défenseurs de l’oeuvre de Nietzsche contre la falsification menée par Elisabeth Förster-Nietzsche en collusion avec les nazis. Mais après avoir mené ce combat pour Nietzsche, Bataille eut à le mener pour lui-même et dut se défendre contre les interprétations fascisantes de sa propre pensée. Michel Surya (Georges Bataille, La mort à l’oeuvre, 1992) et Jacques le Rider (Nietzsche en France, 1999) ont rappelé avec force que ce combat, Bataille eut à le mener contre les Breton, Sartre ou, plus récemment, Habermas. Chacun à sa manière trouva à disqualifier l’auteur de « La structure psychologique du fascisme ».
...
...
Rien de plus absurde pour ce qui concerne Mishima que d’accorder à son esthétique un traitement à part : lui qui plaça dans la bouche du Radiguet de son propre Bal du comte d’Orgel (Dorugeru haku no butôkai, 1948) les propos suivants : « mon œuvre devient ma propre morale » [3], considère la Beauté comme une question de premier ordre. Kinkakuji (Le Pavillon d’Or) prouve d’ailleurs que la Beauté n’a pour Mishima jamais autant de valeur qu’en vertu de sa destruction. « Ma seule source d’intérêt, mon seul problème, c’était la Beauté », affirme le jeune bonze du roman, avant d’ajouter : « Quand on concentre son esprit sur la Beauté, on est, sans s’en rendre compte, aux prises avec ce qu’il y a de plus noir en fait d’idées noires » [4].
Il s’agit de reprendre, ainsi que l’ont fait nombre de philosophes avec les
Présocratiques au XXe siècle, la réflexion à partir de leur situation, dont
les traits communs avec la nôtre sont évidents. Alors que nous mourons de retourner contre la nature les armes que nous en extrayons ; alors qu’il n’est pas possible, sauf cataclysme planétaire qui n’est pas à exclure, de se départir de ce qui fait l’humanité, à savoir le travail au sens d’un développement de la technique — le choix des Paléolithiques, confrontés à un problème de même nature, de faire émerger grâce à l’art les conditions d’une réconciliation avec le monde, doit nous inspirer. »
(lire la suite sur le site de l'Atelier géopoétique du Rhône)
On ne va certes pas prendre les déclarations d’un chef de l’état pour un état capital de la pensée, il n’empêche que d’entendre benoîtement parler d’opposition entre Orient et Occident dans le cadre d’une redéfinition du commerce international [1], laquelle définition s’appuie sur une représentation de l’Orient — l’Autre – et de l’Occident – le Soi, m’a rappelé combien n’allaient pas de soi les analyses d’Edward Said et les nôtres sur les rapports entre Orient et Occident et combien est nécessaire de ‘tenir le pas gagné’.
Aussi proposons-nous, pour cette première quinzaine de juillet, quelques séances de rattrapage à d’aucuns qui pensent avoir leur mot à dire sur ces questions.
Orient et Asie sont souvent confondus. En effet, alors que l’Asie correspond à un continent, l’Orient n’est qu’une direction (celle du soleil levant) qui n’a de sens, pour désigner l’Asie, que depuis l’Europe (en Amérique, l’Asie est plutôt à l’Ouest). Or le Maghreb, qui est au Sud de l’Europe, fait partie de l’Orient. Exemple, parmi d’autres, d’incohérence révélatrice. En fait, dès l’Antiquité gréco-romaine, l’Occident s’est constitué un double imaginaire appelé « Orient » qui était paré soit de toutes les vertus, soit de tous les vices, et qui se superposait plus ou moins à l’Asie réelle. De siècle en siècle et en dépit du fait que cet « Orient » coïncidait de moins en moins avec l’Asie (surtout à partir de l’expansion musulmane), Orient et Occident sont devenus des alter ego dans l’imaginaire européen, les deux faces d’un même « être ». Si bien que pour tout Européen contestant sa propre civilisation, l’Orient apparaissait comme un modèle fascinant ; au contraire, tout défenseur des valeurs de l’Europe chrétienne diabolisait un Orient jugé corrupteur. Finalement peu importait le contenu de ces Orients-là : l’ennemi oriental (ou l’idéal oriental) était tantôt musulman (du Maghreb comme de Perse), tantôt bouddhiste, confucianiste, taoïste (de l’Inde au Japon en passant par la Chine et l’Indochine), tantôt biblique (Jérusalem), tantôt drôlement chrétien (Byzance /Constantinople)... Quel point commun entre ces différentes facettes de l’Orient ? Quel rapport avec l’Asie ? L’Asie n’était souvent qu’un prétexte pour l’Occident à parler de lui-même en dressant devant lui un adversaire (l’Orient) contre lequel s’appuyer au bord du vide qu’il ressentait. Presque toute nouvelle perception de l’Asie en vint assez vite à se conformer au schéma binaire d’attraction et de répulsion. Ainsi l’Orient est-il une projection imaginaire dont l’Occident s’est servi au cours de l’Histoire pour donner le change à ses angoisses ou pour entretenir un espoir idéalisé, celui d’une identité rêvée : la sienne.
Bref, ce moment est venu et nous offre le magnifique recueil de nouvelles d’Anjana Appachana paru à l’enseigne de la bien nommée vierge-folle Zulma, sous le titre Mes seuls dieux (Incantations and Other Stories avant traduction par Alain Porte).
« Ma fille, elle dit que chez ces Britanniques, soit ils glorifient l’Inde, soit ils font radicalement le contraire. Soit ils écrivent sur les Maharajas et les tigres et les charmeurs de serpents, soit ils écrivent sur les bidonvilles et les gens qui chient en public. »
...
L’intérêt de cette correspondance, qui nous livre quelques belles pages, est surtout, me semble-t-il, de réunir ces deux figures emblématiques de la pensée européenne du XXe siècle, tant admirées et décriées mais pour le moins influentes.
...
Cette clôture d’une semaine de tables rondes et autres lectures, à l’instar de l’invitation faite à Alain Badiou l’an dernier, augurait, vu la réputation du philosophe allemand, d’un beau final. Il faut dire que la matinée avait été pour le moins décevante, la table ronde autour de « La folie à l’œuvre » ayant fait long feu. Des quatre auteurs invités, seuls deux avaient quelque chose à dire sur le sujet ; les deux autres considérant la ‘chose’ soit comme un objet extérieur propre à constituer un catalogue de fous, catalogue qui ne fait pas œuvre, soit comme prétexte à étaler un narcissisme boboïsant selon lequel les monstres et les fous – après un collier de clichés sur la folie monté en sautoir pour plateau télévisé – c’est la même chose cher public…
L’espoir renaissait donc avec la venue de celui que nous sommes nombreux à considérer comme un philosophe majeur de notre temps. Interrogé par Jean Birnbaum sur la pensée comme expérience de la déception et son rapport avec la littérature...
Son travail cinématographique s’est à plusieurs reprises appuyé sur la littérature. En toute subjectivité, nous retiendrons surtout, à dix-huit ans d’intervalle, l’adaptation de Malina (1971, adaptation 1990), roman d’Ingeborg Bachmann, et de Nuit de chien (Para esta noche, 1943, adaptation 2008) de Juan Carlos Onetti.
De Malina, Werner Schroeter a su garder la dimension hallucinée que l’Autrichienne avait donnée à son oeuvre. Comme l’affiche ci-dessous le rappelle, le scénario est de Elfriede Jelinek, grande admiratrice d’Ingeborg Bachmann. Jelinek a personnalisé jusqu’à l’apparence d’Isabelle Huppert sur cette affiche où l’on reconnaît sans peine la pose de la future Prix Nobel, cigarillo au coin des lèvres.
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La plupart des représentations qui viendront à l’esprit de nos compatriotes brasseront, sans préjuger de l’ordre : des noms de constructeurs de matériel automobile ou électronique – ancien ‘dragon’ des années 1980 ; un pays dont la situation, héritée de la Guerre froide, en ferait une sorte d’Allemagne exotique ; pour les plus âgés, un théâtre de guerre éponyme ; et pour la culture : le pays du taekwondo ; des Jeux olympiques de 1988 ; de la coupe du monde de football de 2002 co-organisée par le Japon ; et enfin d’une vague coréenne cinématographique.
Pendant longtemps la Corée n’a pas été distinguée de la Chine, voire du Japon, dans l’esprit des Européens. Stéphane Bois rappelait encore récemment que les relations de voyage ‘à la Corée’, de même que les illustrations restaient rares [1] et se caractérisent surtout par les « altérations infligées à l’altérité ».
...
Bataille fut, comme on sait, l’un des premiers défenseurs de l’oeuvre de Nietzsche contre la falsification menée par Elisabeth Förster-Nietzsche en collusion avec les nazis. Mais après avoir mené ce combat pour Nietzsche, Bataille eut à le mener pour lui-même et dut se défendre contre les interprétations fascisantes de sa propre pensée. Michel Surya (Georges Bataille, La mort à l’oeuvre, 1992) et Jacques le Rider (Nietzsche en France, 1999) ont rappelé avec force que ce combat, Bataille eut à le mener contre les Breton, Sartre ou, plus récemment, Habermas. Chacun à sa manière trouva à disqualifier l’auteur de « La structure psychologique du fascisme ».
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Rien de plus absurde pour ce qui concerne Mishima que d’accorder à son esthétique un traitement à part : lui qui plaça dans la bouche du Radiguet de son propre Bal du comte d’Orgel (Dorugeru haku no butôkai, 1948) les propos suivants : « mon œuvre devient ma propre morale » [3], considère la Beauté comme une question de premier ordre. Kinkakuji (Le Pavillon d’Or) prouve d’ailleurs que la Beauté n’a pour Mishima jamais autant de valeur qu’en vertu de sa destruction. « Ma seule source d’intérêt, mon seul problème, c’était la Beauté », affirme le jeune bonze du roman, avant d’ajouter : « Quand on concentre son esprit sur la Beauté, on est, sans s’en rendre compte, aux prises avec ce qu’il y a de plus noir en fait d’idées noires » [4].