Papers by Gabriel Lefevre

Études Océan Indien, 2008
En 1912, Rajaonah Tselatra publie dans le journal Vaovao frantsaymalagasy (Les Nouvelles franco-m... more En 1912, Rajaonah Tselatra publie dans le journal Vaovao frantsaymalagasy (Les Nouvelles franco-malgaches) des méditations sur les fleurs, Voninkazo 50 (50 Fleurs) 1. Écrivain prolifique, parfois critiqué pour son style jugé trop emphatique, il montre à travers ces dix textes, sortes de poèmes en prose, sa capacité à synthétiser l'esprit de plusieurs genres littéraires : le hainteny (joute poétique), le kabary (discours coutumier), le sermon, la poésie romantique, la prose morale du symbolisme floral, chrétien comme laïque. Nous verrons même qu'à l'occasion de ces pensées sur les fleurs, notre poète retrouve une logique du pouvoir des mots, qui est celle qu'on voit en oeuvre dans les rituels ancestraux et dans les incantations des devins-guérisseurs malgaches-et qui est aussi celle des récits bibliques de l'origine. Quelle est la position de la culture malgache vis-à-vis des fleurs ? Dans son célèbre essai sur La culture des fleurs, Goody (1994) avait relevé le contraste saisissant entre les références foisonnantes aux fleurs dans les civilisations de l'Asie et de l'Europe et l'absence quasi totale de ce trait culturel en Afrique. Ainsi on s'apercevait que l'attachement aux fleurs n'est pas universel. Dans la tradition malgache en tout cas, on ne peut pas dire que la figure poétique des fleurs soit absente. Mais l'intérêt porté aux fleurs n'est pas, comme c'est en général le cas en Europe, principalement visuel ; la fleur n'est pas considérée d'abord comme décorative. Il arrive bien que les expressions traditionnelles représentent la fleur 2 , mais c'est souvent en tant que préfiguration du fruit ou parce qu'elle est le signe et l'annonce des saisons. Ainsi, dans le hainteny (Paulhan 1913, rééd. 1991 : VI-15, p. 154) 3 : Ny akoholahy aza aty ambany aty Mahalala ny masoandro ho vaky Ary ny ambiaty an-tanety Mahalala ny ao am-pon'ny lanitra … … Le coq même qui est ici en bas Sait quand le soleil se lèvera Les fleurs de Tselatra Études océan Indien, 40-41 | 2008 1 Et l'ambiaty qui est sur la colline Sait quelles sont les intentions du ciel … …. la floraison de l'ambiaty (Vernonia appendiculata Less., Asteraceae) est évoquée parce qu'elle annonce le moment de faire les semailles du riz de printemps : comme le coq donne le signal du jour, l'ambiaty donne celui de l'an ou de la saison ; un autre hainteny dit de lui qu'il peut dompter, contraindre à l'obéissance l'année ou les saisons, mahafolaka am-bozona ny taona (Dahle 1877 : no 70, p. 22 ; rééd. Sims et Dahle 1962 : 234). On voit que ce qui intéresse ici la poésie traditionnelle, c'est, non la plante ou l'oiseau en eux-mêmes, mais leur mode de vie, leur inscription dans un ordre du monde, ce que le biologiste appelle leur écologie. D'autre part, on remarquera que la fleur peut occuper une place dans la question des senteurs, si importante à Madagascar 4 , comme on le voit, par exemple, dans le proverbe (Rickenbacher 1987 : no 7485) 5 : Voninkazo manitra anaty ahitra Hosihosena vao mamerovero Fleur parfumée perdue dans l'herbe C'est piétinée qu'elle embaume. On verra que Rajaonah Tselatra joue dans ses textes sur le vocabulaire du parfum et des odeurs, au point d'ailleurs que la traduction en français en devient parfois difficile : nous avons rendu hanitra par « parfum, fragrance, senteur » (dans l'évocation du sahamborozano, du telovoninahitra, du vahia et du datura), fofony par « odeur », mais fofony mandraraka par « effluves odoriférants » (pour le vahia), famerovero par « effluves » (pour le datura), mais fehiloha mamerovero par « couronne odorante » (pour le vahia encore). Cependant, on aurait tort de croire que le parfum est, comme c'est souvent le cas en Europe, relié surtout à l'idée de fleur. Le mot même de manitra, « parfumé, embaumé », s'applique dans les expressions ancestrales généralement à la bonne odeur des fruits ou à celle du riz qui finit de cuire en attachant au fond de la marmite, et surtout au fumet de la viande boucanée ou grillée, comme on le voit dans le proverbe (Rickenbacher 1987 : no 5812a ; Cousins et Parrett 1871 ; Domenichini-Ramiaramanana 1971, n° 2342) : Sabora raiki-molaly Na manitra aza mangidy Gras de boeuf recouvert de suie, Bien sûr il embaume, mais il est amer. On se souvient que le linguiste Dahl (1992), expliquant le nom divin Andriamanitra, littéralement « Prince-parfumé » y reconnaît le sens étymologique de la bonne odeur de la viande brûlée des sacrifices, qui monte jusqu'à Dieu. Dans l'usage traditionnel qui est fait des plantes, les senteurs sont souvent celles des fruits, des feuilles, des racines, des bois, des écorces, des résines, autant et plus que des fleurs. Cela se retrouve dans les figures de la poésie orale, comme dans le hainteny
La these en theologie protestante d’Adrienne R. Robivelo donne un eclairage sur la place des plan... more La these en theologie protestante d’Adrienne R. Robivelo donne un eclairage sur la place des plantes medicinales pour une chretienne malgache decidee a defendre leur usage. Le point de vue est d’autant plus interessant qu’il s’agit du temoignage de l’auteure elle-meme, a la fois convaincue du role que peuvent jouer les plantes medicinales dans l’economie de son pays, certaine de leur potentiel therapeutique, et decidee a demontrer que recours a la medecine traditionnelle et pratique de la foi...
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