Thesis Chapters by Alexandre Ruelle

À cheval sur les Alpes occidentales depuis l’An mil, le Piémont-Savoie occupe une place majeure s... more À cheval sur les Alpes occidentales depuis l’An mil, le Piémont-Savoie occupe une place majeure sur l'échiquier européen grâce à la maîtrise du riche commerce alpin et à une forte tradition militaire. À l’époque moderne, il offre un exemple de construction territoriale original et s’impose comme l’un des principaux États secondaires – ou puissances moyennes – de l’Europe d’entre-deux, terre de conflits entre France et Empire qui se prête parfaitement à l’élaboration de l ’« histoire d’une idée géopolitique » selon l’habilitation à diriger des recherches soutenue par François Pernot en 2011 . En effet, le Piémont-Savoie représente un bel objet d’analyse géopolitique : ce petit duché – un peu moins de 30 000 km² et environ 1,2 million d’habitants au milieu du XVIe siècle – est pris en tenaille entre les deux principales puissances hégémoniques de l’époque, la France et les Habsbourg – maîtres de l’Espagne jusqu’en 1700 et du Saint-Empire – qui se disputent le contrôle du massif alpin. Cette situation ne l’empêche pas de connaitre une ascension spectaculaire grâce à sa position géographique : en l’espace de deux siècles et demi, il devient un royaume ouvert sur les Alpes et sur la Méditerranée, et son souverain s’impose comme le premier prince italien capable de prendre part aux affaires continentales.
À cheval sur les Alpes occidentales, le Piémont-Savoie occupe une place majeure sur l'échiquier e... more À cheval sur les Alpes occidentales, le Piémont-Savoie occupe une place majeure sur l'échiquier européen à l'époque moderne. L’étude de la construction de cet État d’entre-deux propose d’envisager la géopolitique européenne à travers l’histoire d’une maison princière, celle de Savoie, de la restauration de son duché en 1559 à l’annexion de ses territoires francophones par la France révolutionnaire en 1792-1793. Elle s’articulera autour de trois axes : l’ambitieuse politique territoriale des Savoie, la diplomatie de cette dynastie et le jeu des grandes puissances.
Papers by Alexandre Ruelle

Les Cahiers de Framespa, 2024
- Au cœur des Alpes occidentales, la maison de Savoie fédère à l’époque moderne un ensemble terri... more - Au cœur des Alpes occidentales, la maison de Savoie fédère à l’époque moderne un ensemble territorial hétéroclite – Savoie, Nice, Piémont et Val d’Aoste – au sein duquel se juxtaposent et s’expriment des identités montagnardes éclatées du fait de particularismes linguistiques, culturels et politiques. Ces fragmentations internes en font un « État de frontières » qui, à l’échelle continentale, prend plutôt la forme d’un « État-frontière » coincé entre deux puissants voisins prétendant à l’hégémonie : la France et les Habsbourg maîtres de Milan. Incarnée par le concept de Piémont-Savoie, cette double dimension de la frontière amène à considérer l’espace alpin comme un riche laboratoire d’expérimentations politiques propice à l’étude de différents effets de frontières – guerres, conférences de limites et représentations mentales d’anciennes délimitations – conditionnés par les dynamiques régionales et les aléas de la géopolitique européenne.

De territoire de passage, les Alpes deviennent à la Renaissance un théâtre d’opération prioritair... more De territoire de passage, les Alpes deviennent à la Renaissance un théâtre d’opération prioritaire pour des capitaines français engagés dans toute une série de conflits alpins, des guerres d’Italie (1494-1559) à celles de Succession du Montferrat (1613-1631) en passant par celles de Saluces et de Savoie (1588-1601). Elles sont l’occasion d’expériences diverses propices aux rêves et s’apparentant à une formidable aventure. Guerroyer dans les montagnes revient à interroger les conditions des traversées en haute et moyenne montagne constituant un périple aussi palpitant que dangereux, ainsi que l’intensité des manœuvres dans les plaines rhodano-padanes où se déroulent les combats. S’inscrivant dans un long XVIe siècle, cet article ne vise pas à faire un récit de batailles mais propose des pistes de réflexions questionnant la pluralité des expériences alpines à travers la notion d’aventure telle qu’elle a pu être vécue et telle qu’on peut la définir actuellement. Il fait ainsi écho à une nouvelle histoire politico-sociale et anthropologique de l’imaginaire chevaleresque, ainsi qu’à une relecture récente des circulations et pratiques militaires en montagne. Malgré certaines difficultés tenant à la nature des sources, il s’agit de montrer que les ambitions personnelles de ces militaires, la dangerosité d’un terrain montagnard et l’incertitude d’une telle quête valident l’hypothèse d’une présupposée aventure à double tranchant.

Cahiers d'Agora, 2021
Régnant sur un duché alpin encerclé par deux grandes puissances, la France et l'Espagne, Victor-A... more Régnant sur un duché alpin encerclé par deux grandes puissances, la France et l'Espagne, Victor-Amédée II de Savoie aspire à exister sur la scène internationale en se risquant à la « bascule », une politique funambulesque visant à passer d’un camp à l’autre au gré des circonstances afin de créer un juste équilibre et de rallier le meilleur parti. De 1690 à 1713, dans le cadre des guerres de la Ligue d’Augsbourg et de Succession d’Espagne, il change d'alliances à quatre reprises, ralliant tantôt son cousin Louis XIV, tantôt les coalitions adverses chapeautées
par les Habsbourg et l’Angleterre. Cet article interroge la notion de trahison politique en temps de guerre à travers les discours dénonçant comme justifiant cet acte à première vue inacceptable. D'abord, il convient de revenir sur le contexte géopolitique des trois principaux revirements
d'alliances d'un duc félon dont les États, principalement Nice et la Savoie, sont envahis par les troupes françaises. Ensuite, il est question d'étudier la construction du discours de Victor-Amédée II qui justifie peu à peu la « bascule » comme une pratique indispensable pour survivre. Enfin, il s'agit d'analyser le(s) discours des victimes de la « bascule » qui dénoncent un traître impardonnable à travers toute une propagande. Pourtant, au moment du congrès d’Utrecht (1713), Anne Stuart, reine de Grande-Bretagne, offre la couronne de Sicile à un duc qui semble pardonné. Sans être réhabilitées, ces trahisons persistent dans la postérité mais ne paraissent plus déranger au sein de la Société des princes.

Ce dossier ambitionne de réinterroger la figure du traître en politique – au sens large du terme,... more Ce dossier ambitionne de réinterroger la figure du traître en politique – au sens large du terme, des affaires intérieures aux relations internationales – dans le temps long, de l’Antiquité à nos jours. Quelle place le traître a-t-il en politique ? Comment ceux qui nous dirigent ont-ils recours à la trahison ? Sont-ils tous susceptibles de devenir traîtres ou d’en être victimes ? Trahir est-il forcément un choix délibéré ou peut-il être un acte par dépit pour parvenir à ses fins ? Comment un individu devient-il traître aux yeux de ses semblables ? Historiens, sociologues, politistes, linguistes, civilisationnistes, philosophes et juristes tentent dans ce dossier de répondre à ces interrogations intemporelles d’autant plus légitimes qu’elles semblent ressurgir au coeur d’une actualité brûlante : scandales politiques, manifestations populaires – Gilets jaunes, antivax et anti-pass sanitaire – ou encore montée des populismes en Europe témoignent d’une défiance générale envers une élite politique discréditée et accusée de trahir les intérêts des peuples

À l’époque moderne, l’« Europe lotharingienne » est le champ de bataille où s’affrontent les rois... more À l’époque moderne, l’« Europe lotharingienne » est le champ de bataille où s’affrontent les rois de France et les Habsbourg. De cette conflictualité naît une nébuleuse de petits États d’entre-deux qui ont envisagé cette rivalité comme une opportunité pour défendre leur indépendance. A contrario, cette instabilité géopolitique a pu gommer plusieurs siècles d’histoire. À partir des exemples lorrain et piémonto-savoyard, il s’agit de montrer que la (dé)construction d’un État d’entre-deux est une affaire européenne résultant de la politique d’une dynastie souveraine aspirant à s’affirmer comme puissance moyenne, mais aussi des aléas du jeu de ses voisins soucieux de l’instrumentaliser, lors des guerres et des traités de paix, pour entraver toute tentative d’hégémonie et maintenir l’équilibre continental. Les évolutions territoriales de ces deux États d’autrefois, leur diplomatie, la guerre et, dans une moindre mesure, les rouages internes à leur étatisation constitueront les principaux critères de comparaison.

À cheval sur les Alpes, la construction territoriale des États de Piémont-Savoie s’accélère à la ... more À cheval sur les Alpes, la construction territoriale des États de Piémont-Savoie s’accélère à la suite des guerres d’Italie. Elle est conditionnée par la lutte entre France et Habsbourg pour le contrôle de la partie occidentale de l’arc alpin. En effet, l’évolution du rapport de forces entre ces deux puissances hégémoniques amène la maison de Savoie à envisager un avenir dans la plaine du Pô à coups de guerres et de traités. Incapable de s’agrandir vers le versant français, cette dynastie se détourne de son berceau historique, se recentre sur le versant italien, consolide son Piémont et s’étend enfin vers la Lombardie. À l’appui de cartes réalisées sur Inkscape, cette analyse géopolitique porte un regard nouveau sur la construction territoriale de cet État composite qui, en l’espace de deux siècles, glisse d’un versant à l’autre au gré des ambitions des Savoie soumises aux aléas du jeu européen.

Des guerres d’Italie à celles de Napoléon, le duché de Savoie et le comté de Nice, deux territoir... more Des guerres d’Italie à celles de Napoléon, le duché de Savoie et le comté de Nice, deux territoires d'entre France et Piémont, sont envahis puis occupés à des fins militaires en cas de conflit : à pas moins de huit reprises, elles passent sous domination d'une puissance étrangère qui souhaite s'assurer du contrôle des Alpes, sans pouvoir résister et sans être défendues par leur souverain. Le sentiment d’abandon se généralise parmi les Savoyards et les Niçois, peu à peu habitués à vivre sous occupation le temps de la guerre. Ceux-ci tissent des relations ambigües entre bienveillance, amitié, défiance et animosité avec les troupes étrangères, principalement françaises, mais aussi espagnoles et autrichiennes dont la présence bouleverse leur quotidien : d’un côté, la pression militaire génère des tensions, des mécontentements, voire des rébellions ; d’un autre, ce statut d’étranger n’empêche pas les envahisseurs d’échanger avec les locaux, voire de prendre part à leurs affaires. De fait, la perception de l’étranger chez les Savoyards et les Niçois varient selon les circonstances et les conditions d’occupation : les Gallispans et Autrichiens sont décrits comme d’abominables ennemis en raison de réquisitions insupportables, tandis que l’armée révolutionnaire est généralement considérée comme une amie libératrice. La séparation « ami/ennemi » n’est donc pas aussi tranchée. D'ailleurs, certaines occupations se pérennisent et toutes ont été un pré-requis indispensable au rattachement définitif de ces deux régions à la France en 1860. La perception, la représentation et la qualification de l’occupant étranger, tantôt ami, tantôt ennemi, restent complexes, voire difficiles à saisir au vu de la pluralité des situations et des points de vue.

À la Renaissance, les Alpes occidentales sont un lieu « de nulle part », un espace à la fois rêvé... more À la Renaissance, les Alpes occidentales sont un lieu « de nulle part », un espace à la fois rêvé et vécu par les hommes. De nombreuses sources renseignent sur les différents discours portant sur la montagne. D’un côté, les récits de voyage et les cartes anciennes traduisent l’émergence de regards exogènes de la part des humanistes et des soldats qui, lors de leurs traversées du massif, font l’apprentissage des réalités du terrain. D’un autre côté, les légendes et les discours princiers véhiculent des représentations tantôt terrifiantes, tantôt élogieuses d’un espace fantasmé par les autochtones, politisé par les souverains. Toutes ces sources poussent à reconsidérer la Renaissance comme une période de transition entre rêves et réalités, deux termes à mettre au pluriel tant les expériences et les pratiques dans les Alpes sont diverses. Par une approche plurielle – littéraire, culturelle, militaire et politique – de la montagne aux XVIe et XVIIe siècles, cet article entend montrer que les montagnes deviennent un espace faisant l’objet d’une appropriation à mesure que se construit un savoir géographie alpin, bien que persiste un imaginaire contredisant les pratiques empiriques du terrain.
Ce dossier L’État et son territoire : construction, déconstruction et reconstruction est issu des... more Ce dossier L’État et son territoire : construction, déconstruction et reconstruction est issu des actes de la journée d’études qui s’est déroulée le 15 février 2019 à Cergy Paris Université. À cette occasion, dix historiens, géographes et civilisationnistes rattachés à des universités
françaises mais aussi étrangère – en l'occurrence Turin – se sont réunis pour étudier les rapports que l’État entretient avec son territoire à travers les notions de construction, de déconstruction et de reconstruction.

Reigning over a state in the Western Alps, the House of Savoy uses the Po Valley as a hunting gro... more Reigning over a state in the Western Alps, the House of Savoy uses the Po Valley as a hunting ground to pursue a lifelong dream: to overcome the second-class status of their current prince and see him become the King of Lombardy, a prestigious title inherited from the former medieval kingdom. The “ Grand Dessein ” that Sully shared with Henri IV regarding the Italian Risorgimento, the conquest of the Milanese with the help of France – Savoy would then be surrendered – becomes the greatest ambition of a dynasty that would renounce its role as “gatekeeper of the Alps”, deconstruct its mountain state and rebuild it on a plain. Once the Lombard kingdom restored, Piedmont would become the outgrowth of a “Padan State” dominated by Milan, the House of Savoy likely preferring to move away from the mountains to reign from the first capital of the former Lombard kings, more prestigious than Turin. With time, the alpine identity of the house is doomed to disappear, or rather to “padanize” itself. This article discusses the close relationship that the dynasty had with its “alpino-padan” territory and reexamines the construction of its state: facing Milan for nearly three centuries, the House of Savoy eventually descends from the peaks to reign from the plains.
Régnant sur un État chevauchant les Alpes occidentales, la maison de Savoie fait de la plaine du Pô sa chasse gardée afin de poursuivre son rêve : dépasser son statut de prince de second rang en devenant roi de Lombardie, titre prestigieux hérité de l’ancien royaume médiéval. Du «Grand Dessein » que Sully prête à Henri IV à l’unité italienne, la conquête du Milanais avec l’aide de la France – à qui la Savoie serait alors rétrocédée – devient la grande ambition de la dynastie qui renoncerait alors à son rôle de « portiers des Alpes » et déconstruirait son État montagnard pour le reconstruire en plaine. En effet, le royaume lombard rétabli, le Piémont deviendrait l’excroissance d’un « État padan » dominé par Milan, les Savoie préférant sans doute s’éloigner de leurs montagnes pour régner depuis la première capitale des anciens rois lombards, plus prestigieuse que Turin. À terme, l’identité alpine de cette maison est vouée à disparaître, ou plutôt à se « padaniser ». Cet article s’appuie sur l’étroite relation que la dynastie entretient avec son territoire « alpino-padan » pour réinterroger la construction de son État : tournés vers Milan pendant trois siècles, les Savoie poursuivent un projet longtemps resté chimérique et finissent par descendre des sommets pour régner depuis les plaines.

Entre France et Espagne, le duché alpin de Piémont-Savoie a souvent recours à une diplomatie alte... more Entre France et Espagne, le duché alpin de Piémont-Savoie a souvent recours à une diplomatie alternant les alliances pour passer d'un camp à l'autre au gré des circonstances. En juin 1690, Victor-Amédée II rejoint la Ligue d'Augsbourg et entre en guerre contre son oncle Louis XIV qui a établi un protectorat dans ses États depuis un demi-siècle. Le Roi-Soleil dénonce alors ce revirement d'alliances dans un discours manichéen ici analysé à partir d'archives diplomatiques et militaires : il se présente en bon souverain victime de la trahison de son méchant neveu. Ce dernier répond à ces accusations par des arguments à la fois similaires et opposés à ceux de son oncle.
Between France and Spain, the alpine duchy of Piedmont-Savoy often uses a diplomacy alternating alliances to pass from one camp to another according to the circumstances. In June 1690, Victor Amadeus II joins the League of Augsburg and enters the war against his uncle Louis XIV who dominates his states for half a century. The Sun King denounces this flipping alliances in a Manichean discourse analyzed here from diplomatic and military archives: he presents himself as a good sovereign victim of the betrayal of his wicked nephew. The latter responds to these accusations by arguments at once similar and opposed to those of his uncle.
Tra Francia e Spagna, il ducato alpino di Piemonte-Savoia ha spesso ricorrere a una diplomazia alternando le alleanze per spostarsi da una parte all'altra secondo le circostanze. Nel giugno del 1690, Vittorio Amedeo II si uni alla Lega di Augusta ed entra in guerra contro suo zio Luigi XIV che ha stabilito un protectorate nel suo stato per mezzo secolo. Il Re Sole denuncia questa alleanza in un discorso manicheo qui analizzato da archivi diplomatici e militari : si presenta in buon sovrano vittimo del tradimento del suo cattivo nipote. Quest'ultimo risponde a queste accuse con argomenti allo stesso tempo simili e opposti a quelli di suo zio.
Rives méditerranéennes, 2019
Pendant près d’un millénaire, la maison de Savoie règne sur un État
alpin s’ouvrant sur le grand ... more Pendant près d’un millénaire, la maison de Savoie règne sur un État
alpin s’ouvrant sur le grand large, entre l’acquisition de Nice en 1388 et celle de la Ligurie en 1815. En effet, la mer joue un rôle important dans l’ascension de cette dynastie aux ambitions méditerranéennes que les historiens évoquent rarement, voire ignorent. Ainsi, elle semble étrangère à son destin, bien que les Savoie soient à la tête d’une puissance maritime au début du XIXe siècle. Cet article reconsidère la place périphérique de la Méditerranée dans la construction territoriale d’une
monarchie composite dirigée par une dynastie connue comme alpine mais qui, en réalité, est tout autant méditerranéenne.

Devenu Premier ministre de Louis XIII en août 1624, Armand Jean Du Plessis, cardinal de Richelie... more Devenu Premier ministre de Louis XIII en août 1624, Armand Jean Du Plessis, cardinal de Richelieu, convainc le roi de France d’intervenir contre la Pax hispanica en Italie. L’alliance du duc Charles-Emmanuel Ier de Savoie devient une priorité pour le cardinal-ministre car, à cheval sur les Alpes, l’État de Piémont-Savoie occupe une position géostratégique entre l’Espagne et la France. Maître dans l’art de tromper ses ennemis comme ses alliés par ses ruses, complots et autres stratagèmes politiques, Richelieu manipule le duc de Savoie dont il se méfie et charge le duc de Lesdiguières, connétable de France, de convaincre Charles-Emmanuel Ier d’envahir la république de Gênes, banquier de l’Espagne, pour faire diversion et pour diviser les forces espagnoles afin de faciliter l’intervention française en Valteline, une vallée alpine stratégique en Lombardie disputée par la France et l’Espagne. Convaincu d’avoir conclu une bonne alliance, Charles-Emmanuel Ier tombe dans une ruse de guerre du cardinal-ministre qui n’a jamais envisagé l’aider. Défait militairement à l’automne 1625, le duc tombe dans un second piège en mars 1626 : il est de nouveau trahi par Richelieu qui signe une paix secrète avec l’Espagne à Monzon une fois la Valteline sous son contrôle. Cette communication propose d’étudier la place de « l’art du piège » dans la politique de Richelieu à travers l’exemple de cet épisode méconnu de l’histoire diplomatique franco-savoyarde.

La région Savoie occupe une place stratégique instable sur l’échiquier européen. Berceau depuis l... more La région Savoie occupe une place stratégique instable sur l’échiquier européen. Berceau depuis l’an mil d’une dynastie « piémontisée », elle est délaissée par ses souverains dès 1563 lorsque Turin, devenu capitale, relègue Chambéry au rang de ville régionale. Cette région ouverte sur la France devient l'excroissance d'un Piémont expansionniste tourné vers la plaine padane. Elle a pour autant toujours un rôle à jouer, celui d’un précieux glacis qui, en plus de ralentir toute avancée ennemie, éloigne la France du cœur piémontais ainsi protégé par une ligne de défense doublant la barrière alpine. Cette région tient par ailleurs une position ambigüe pendant trois siècles de guerres franco-savoyardes. Occupée à pas moins de sept reprises entre 1536 et 1815, elle est à chaque fois perdue sans la moindre résistance et le sentiment d’abandon se généralise chez les Savoyards. Toute une littérature dénonce le rétablissement systématique, une fois la paix revenue, de la domination piémontaise. Plus que toute autre maison princière, « revenir » est le mot d’ordre des Savoie qui ne jamais totalement oublié leurs territoires « au-delà » des monts. Contrairement aux grands « retours de l’histoire », ceux des Savoie n’ont rien de glorieux, ils se répètent sans fin et marquent un retour à la case départ. Défaits militairement, ces princes récupèrent leur patrimoine familial uniquement parce que les grandes puissances n’ont trouvé d’autre solution, quand bien même elles savaient qu’il serait de nouveau perdu lors du prochain conflit. Loin d’être souhaités, attendus et encore moins rêvés, ces retours douloureusement subis par les Savoyards ne se font pas sans heurt, ni dans l’intérêt de tous. Certains ont par ailleurs tiré profit de ces « exils » forcés et temporaires ayant parfois soulagé, voire enthousiasmé. Ces retours complexes sont ainsi des instants uniques de l’histoire entre les Savoyards et leur maison princière.
En 1583, le duc Charles-Emmanuel Ier de Savoie et le roi Henri III trouvent un accord pour recons... more En 1583, le duc Charles-Emmanuel Ier de Savoie et le roi Henri III trouvent un accord pour reconstruire le pont François Ier reliant les deux communautés française et savoyarde de Pont-de-Beauvoisin. Mais, malgré une borne-frontière plantée au milieu du pont, des tensions subsistent entre les deux villes jumelles qui se disputent la propriété de ce pont franco-savoyard?
Une grande partie du commerce de la France et de la Savoie dépend du passage par Pont-de-Beauvois... more Une grande partie du commerce de la France et de la Savoie dépend du passage par Pont-de-Beauvoisin, lieu d'échanges incontournable entre ces deux « régions-frontières », du moins jusqu'à la fin du XVe siècle lorsque le pont en bois qui relie les deux villes jumelles est détruit par les redoutables crues du Guiers. Reconstruire ce pont devient une urgence, mais les tensions entre la France et le Piémont-Savoie retardent les travaux. Il faut alors attendre 1583 pour qu'un compris soit trouvé.
Conference Presentations by Alexandre Ruelle

Qu'il s'agisse d'États intermédiaires coincés entre deux puissances potentiellement rivales, de t... more Qu'il s'agisse d'États intermédiaires coincés entre deux puissances potentiellement rivales, de territoires à la croisée de plusieurs aires culturelles, de sociétés divisées ou encore d'individualités aux parcours fluctuants, la notion d'entre-deux, souvent assimilée à la frontière ou à la marche (dans sa conception médiévale), ne peut se réduire à ce flou conceptuel, quand bien même peut-on avoir l'impression que tout pourrait être caractérisé ainsi. Le terme d'entre-deux n'est pas nouveau. Son emploi est plutôt précoce en histoire. Pensons à René Taveneaux qui fait usage du syntagme de « pays d'entre deux » dès 1960 au sujet de la Lorraine de l'époque moderne. En géographie, si le concept a été formalisé au cours des années 1990, il faut attendre la décennie 2010 pour que les chercheurs le (re)mobilisent et l'emploient explicitement. Il faut dire que l'utilisation de la notion d'entre-deux diverge en fonction des disciplines. Dans une optique pluridisciplinaire déjà portée par une journée d'études-focalisée sur le monde anglo-saxon-qui s'est tenue en 2019, ce projet scientifique est né d'une réflexion entre historiens médiévistes et modernistes - travaillant sur des espaces de l'ancienne Lotharingie - vouée à s'élargir à d'autres champs disciplinaires et à d'autres horizons géographiques européens dans le temps long, de l'Antiquité à nos jours. En effet, il s'agit ici de questionner la singularité de ces « sociétés de frontières » pour en appréhender la pluralité des constructions et expériences (géo)politiques, géographiques, institutionnelles, sociales, culturelles ou encore linguistiques. Le projet part du postulat selon lequel l'entre-deux ne peut se penser à travers des normes tant il est producteur de territoires, de sociétés et d'individus singuliers car ceux-ci ne peuvent être réduits à une position de marginalité vis-à-vis des centres en fonction desquels ils sont censés se définir. Cet entre-deux constitue donc un objet à part entière, certes d'abord pensé et se pensant par rapport à son cadre géographique et historique dicté par des forces extérieures, en raison de caractéristiques et de mécanismes qui lui sont propres. Il s'agit aussi d'identifier les différentes interactions qui peuvent exister entre les hommes d'entre-deux et leur(s) territoire(s), relations déjà observables sous l'Antiquité : dans quelle mesure ces derniers peuvent-ils exercer une influence sur les parcours d'individus, sur leurs pratiques politiques, militaires, économiques et sociales ou encore sur la création d'identités hybrides, éclatées ? Si nous sommes sensibles à certains espaces -Piémont-Savoie, Lorraine, Bourgogne, Bretagne, Roussillon, Suisse, Europe slave… - et à des profils d'individus bien précis-nobles, hommes de guerre, diplomates, colporteurs, artistes, exilés politiques, migrants, voyageurs… -, les propositions peuvent concerner d'autres horizons européens et d'autres acteurs possibles de ces entre-deux. Dans une perspective transdisciplinaire et de trans-périodicité, nous invitons historiens, géographes, littéraires, sociologues, philosophes, politistes, civilisationnistes, juristes, linguistes ou encore géopoliticiens à proposer des communications d'une durée de 25 minutes s'inscrivant dans un ou plusieurs des axes suivants : conception/théorisation des situations d'entre-deux, expériences et expérimentations des entre-deux et enfin (dé)construction des représentations des entre-deux.

In the early Modern Age, Savoyards are in the middle of three centuries of rivalries between two ... more In the early Modern Age, Savoyards are in the middle of three centuries of rivalries between two expansio-nist powers, sometimes allies and sometimes enemies: the kingdom of France, geared towards Italy, and Piedmont where reigns their sovereign, the house of Savoy. Their everyday life was paced with wars, military occupations and alternate sovereignties. This paper is built around this hypothesis: the Savoyards' life can be summed up in a constant uncertainty conditioned by a cycle of wars, itself linked with the undetermined geopolitics' situation of a median territory, border between France and Piedmont. It aims to understand the decisions imposed on the Savoyards torn between their monarch, who abandons them to the slightest invasion , and the occupant, whose presence has never been categorically rejected because it seems better to that of a sovereign unable to protect them from the evils of war.
À l'époque moderne, les Savoyards se trouvent au coeur de trois siècles de rivalités entre deux puissances expansionnistes tantôt alliées, tantôt ennemies : la France, regardant vers l'Italie, et le Piémont depuis lequel règne leur souverain, la maison de Savoie. Leur quotidien a été rythmé par les guerres, les occupations mili-taires et l'alternance des souverainetés. Cette communication mêlant approches « par le haut » et « par le bas » se construit autour de l'hypothèse suivante : la vie des Savoyards peut se résumer à une incertitude constante conditionnée par un cycle de guerres, lui-même étroitement lié à la situation géopolitique indéterminée d'un territoire d' « entre-deux », frontière entre France et Piémont. Il s'agit de comprendre les décisions qui s'im-posent aux Savoyards tiraillés entre leur monarque, qui les abandonne à la moindre invasion, et l'occupant, dont la présence n'a jamais été rejetée de façon catégorique car elle semble préférable à celle d'un souverain incapable de les protéger des maux de la guerre.
Uploads
Thesis Chapters by Alexandre Ruelle
Papers by Alexandre Ruelle
par les Habsbourg et l’Angleterre. Cet article interroge la notion de trahison politique en temps de guerre à travers les discours dénonçant comme justifiant cet acte à première vue inacceptable. D'abord, il convient de revenir sur le contexte géopolitique des trois principaux revirements
d'alliances d'un duc félon dont les États, principalement Nice et la Savoie, sont envahis par les troupes françaises. Ensuite, il est question d'étudier la construction du discours de Victor-Amédée II qui justifie peu à peu la « bascule » comme une pratique indispensable pour survivre. Enfin, il s'agit d'analyser le(s) discours des victimes de la « bascule » qui dénoncent un traître impardonnable à travers toute une propagande. Pourtant, au moment du congrès d’Utrecht (1713), Anne Stuart, reine de Grande-Bretagne, offre la couronne de Sicile à un duc qui semble pardonné. Sans être réhabilitées, ces trahisons persistent dans la postérité mais ne paraissent plus déranger au sein de la Société des princes.
françaises mais aussi étrangère – en l'occurrence Turin – se sont réunis pour étudier les rapports que l’État entretient avec son territoire à travers les notions de construction, de déconstruction et de reconstruction.
Régnant sur un État chevauchant les Alpes occidentales, la maison de Savoie fait de la plaine du Pô sa chasse gardée afin de poursuivre son rêve : dépasser son statut de prince de second rang en devenant roi de Lombardie, titre prestigieux hérité de l’ancien royaume médiéval. Du «Grand Dessein » que Sully prête à Henri IV à l’unité italienne, la conquête du Milanais avec l’aide de la France – à qui la Savoie serait alors rétrocédée – devient la grande ambition de la dynastie qui renoncerait alors à son rôle de « portiers des Alpes » et déconstruirait son État montagnard pour le reconstruire en plaine. En effet, le royaume lombard rétabli, le Piémont deviendrait l’excroissance d’un « État padan » dominé par Milan, les Savoie préférant sans doute s’éloigner de leurs montagnes pour régner depuis la première capitale des anciens rois lombards, plus prestigieuse que Turin. À terme, l’identité alpine de cette maison est vouée à disparaître, ou plutôt à se « padaniser ». Cet article s’appuie sur l’étroite relation que la dynastie entretient avec son territoire « alpino-padan » pour réinterroger la construction de son État : tournés vers Milan pendant trois siècles, les Savoie poursuivent un projet longtemps resté chimérique et finissent par descendre des sommets pour régner depuis les plaines.
Between France and Spain, the alpine duchy of Piedmont-Savoy often uses a diplomacy alternating alliances to pass from one camp to another according to the circumstances. In June 1690, Victor Amadeus II joins the League of Augsburg and enters the war against his uncle Louis XIV who dominates his states for half a century. The Sun King denounces this flipping alliances in a Manichean discourse analyzed here from diplomatic and military archives: he presents himself as a good sovereign victim of the betrayal of his wicked nephew. The latter responds to these accusations by arguments at once similar and opposed to those of his uncle.
Tra Francia e Spagna, il ducato alpino di Piemonte-Savoia ha spesso ricorrere a una diplomazia alternando le alleanze per spostarsi da una parte all'altra secondo le circostanze. Nel giugno del 1690, Vittorio Amedeo II si uni alla Lega di Augusta ed entra in guerra contro suo zio Luigi XIV che ha stabilito un protectorate nel suo stato per mezzo secolo. Il Re Sole denuncia questa alleanza in un discorso manicheo qui analizzato da archivi diplomatici e militari : si presenta in buon sovrano vittimo del tradimento del suo cattivo nipote. Quest'ultimo risponde a queste accuse con argomenti allo stesso tempo simili e opposti a quelli di suo zio.
alpin s’ouvrant sur le grand large, entre l’acquisition de Nice en 1388 et celle de la Ligurie en 1815. En effet, la mer joue un rôle important dans l’ascension de cette dynastie aux ambitions méditerranéennes que les historiens évoquent rarement, voire ignorent. Ainsi, elle semble étrangère à son destin, bien que les Savoie soient à la tête d’une puissance maritime au début du XIXe siècle. Cet article reconsidère la place périphérique de la Méditerranée dans la construction territoriale d’une
monarchie composite dirigée par une dynastie connue comme alpine mais qui, en réalité, est tout autant méditerranéenne.
Conference Presentations by Alexandre Ruelle
À l'époque moderne, les Savoyards se trouvent au coeur de trois siècles de rivalités entre deux puissances expansionnistes tantôt alliées, tantôt ennemies : la France, regardant vers l'Italie, et le Piémont depuis lequel règne leur souverain, la maison de Savoie. Leur quotidien a été rythmé par les guerres, les occupations mili-taires et l'alternance des souverainetés. Cette communication mêlant approches « par le haut » et « par le bas » se construit autour de l'hypothèse suivante : la vie des Savoyards peut se résumer à une incertitude constante conditionnée par un cycle de guerres, lui-même étroitement lié à la situation géopolitique indéterminée d'un territoire d' « entre-deux », frontière entre France et Piémont. Il s'agit de comprendre les décisions qui s'im-posent aux Savoyards tiraillés entre leur monarque, qui les abandonne à la moindre invasion, et l'occupant, dont la présence n'a jamais été rejetée de façon catégorique car elle semble préférable à celle d'un souverain incapable de les protéger des maux de la guerre.
par les Habsbourg et l’Angleterre. Cet article interroge la notion de trahison politique en temps de guerre à travers les discours dénonçant comme justifiant cet acte à première vue inacceptable. D'abord, il convient de revenir sur le contexte géopolitique des trois principaux revirements
d'alliances d'un duc félon dont les États, principalement Nice et la Savoie, sont envahis par les troupes françaises. Ensuite, il est question d'étudier la construction du discours de Victor-Amédée II qui justifie peu à peu la « bascule » comme une pratique indispensable pour survivre. Enfin, il s'agit d'analyser le(s) discours des victimes de la « bascule » qui dénoncent un traître impardonnable à travers toute une propagande. Pourtant, au moment du congrès d’Utrecht (1713), Anne Stuart, reine de Grande-Bretagne, offre la couronne de Sicile à un duc qui semble pardonné. Sans être réhabilitées, ces trahisons persistent dans la postérité mais ne paraissent plus déranger au sein de la Société des princes.
françaises mais aussi étrangère – en l'occurrence Turin – se sont réunis pour étudier les rapports que l’État entretient avec son territoire à travers les notions de construction, de déconstruction et de reconstruction.
Régnant sur un État chevauchant les Alpes occidentales, la maison de Savoie fait de la plaine du Pô sa chasse gardée afin de poursuivre son rêve : dépasser son statut de prince de second rang en devenant roi de Lombardie, titre prestigieux hérité de l’ancien royaume médiéval. Du «Grand Dessein » que Sully prête à Henri IV à l’unité italienne, la conquête du Milanais avec l’aide de la France – à qui la Savoie serait alors rétrocédée – devient la grande ambition de la dynastie qui renoncerait alors à son rôle de « portiers des Alpes » et déconstruirait son État montagnard pour le reconstruire en plaine. En effet, le royaume lombard rétabli, le Piémont deviendrait l’excroissance d’un « État padan » dominé par Milan, les Savoie préférant sans doute s’éloigner de leurs montagnes pour régner depuis la première capitale des anciens rois lombards, plus prestigieuse que Turin. À terme, l’identité alpine de cette maison est vouée à disparaître, ou plutôt à se « padaniser ». Cet article s’appuie sur l’étroite relation que la dynastie entretient avec son territoire « alpino-padan » pour réinterroger la construction de son État : tournés vers Milan pendant trois siècles, les Savoie poursuivent un projet longtemps resté chimérique et finissent par descendre des sommets pour régner depuis les plaines.
Between France and Spain, the alpine duchy of Piedmont-Savoy often uses a diplomacy alternating alliances to pass from one camp to another according to the circumstances. In June 1690, Victor Amadeus II joins the League of Augsburg and enters the war against his uncle Louis XIV who dominates his states for half a century. The Sun King denounces this flipping alliances in a Manichean discourse analyzed here from diplomatic and military archives: he presents himself as a good sovereign victim of the betrayal of his wicked nephew. The latter responds to these accusations by arguments at once similar and opposed to those of his uncle.
Tra Francia e Spagna, il ducato alpino di Piemonte-Savoia ha spesso ricorrere a una diplomazia alternando le alleanze per spostarsi da una parte all'altra secondo le circostanze. Nel giugno del 1690, Vittorio Amedeo II si uni alla Lega di Augusta ed entra in guerra contro suo zio Luigi XIV che ha stabilito un protectorate nel suo stato per mezzo secolo. Il Re Sole denuncia questa alleanza in un discorso manicheo qui analizzato da archivi diplomatici e militari : si presenta in buon sovrano vittimo del tradimento del suo cattivo nipote. Quest'ultimo risponde a queste accuse con argomenti allo stesso tempo simili e opposti a quelli di suo zio.
alpin s’ouvrant sur le grand large, entre l’acquisition de Nice en 1388 et celle de la Ligurie en 1815. En effet, la mer joue un rôle important dans l’ascension de cette dynastie aux ambitions méditerranéennes que les historiens évoquent rarement, voire ignorent. Ainsi, elle semble étrangère à son destin, bien que les Savoie soient à la tête d’une puissance maritime au début du XIXe siècle. Cet article reconsidère la place périphérique de la Méditerranée dans la construction territoriale d’une
monarchie composite dirigée par une dynastie connue comme alpine mais qui, en réalité, est tout autant méditerranéenne.
À l'époque moderne, les Savoyards se trouvent au coeur de trois siècles de rivalités entre deux puissances expansionnistes tantôt alliées, tantôt ennemies : la France, regardant vers l'Italie, et le Piémont depuis lequel règne leur souverain, la maison de Savoie. Leur quotidien a été rythmé par les guerres, les occupations mili-taires et l'alternance des souverainetés. Cette communication mêlant approches « par le haut » et « par le bas » se construit autour de l'hypothèse suivante : la vie des Savoyards peut se résumer à une incertitude constante conditionnée par un cycle de guerres, lui-même étroitement lié à la situation géopolitique indéterminée d'un territoire d' « entre-deux », frontière entre France et Piémont. Il s'agit de comprendre les décisions qui s'im-posent aux Savoyards tiraillés entre leur monarque, qui les abandonne à la moindre invasion, et l'occupant, dont la présence n'a jamais été rejetée de façon catégorique car elle semble préférable à celle d'un souverain incapable de les protéger des maux de la guerre.
- Conceptualisation(s) and theorisation(s) of the 'in-between'. The aim is to identify the factors and/or concrete conditions that enable a person, a territory or even a society to be considered as “in-between”.
- Experiences and experiments of "the in-between". By confronting the visions from above and below, this paper focuses on the creation - both voluntary and involuntary - of unique and adaptable foreign bodies - both permanent and ephemeral.
- (De)constructions of representations of the "in-between" that seem to have settled into the collective imagination as unstable and uncertain constructs. This raises questions about the limits of this reductive concept.
Ce colloque propose de réviser la notion d’entre-deux souvent réduite à la frontière ou à la marche dans sa dimension médiévale. Un flou conceptuel donne l’impression que tout pourrait être caractérisé ainsi. Or, une prise en compte de la singularité et la pluralité des expériences (géo)politiques, géographiques, institutionnelles, sociales, culturelles ou encore linguistiques s’impose. En effet, ces espaces intermédiaires sont producteurs de territoires, de sociétés et d'individus qui ne peuvent être réduits à une position de marginalité vis-à-vis des centres en fonction desquels ils sont censés se définir. À partir des interactions entre les hommes d’entre-deux et leur(s) territoire(s), le colloque propose de mettre en valeur des pratiques politiques, militaires, économiques et sociales ou encore la création d’identités hybrides et éclatées à travers trois axes :
- Conceptualisation(s) et théorisation(s) des situations d’entre-deux. Il s’agit d’identifier des facteurs et/ou conditions concrètes permettant de considérer qu’un individu, un territoire voire une société, relève de l’entre-deux.
- Expériences et expérimentations d’entre-deux. En confrontant visions par le haut et par le bas, il convient de mettre en exergue la création, voulue comme subie, de corps étrangers à géométrie variable, permanents comme éphémères.
- (Dé)construction des représentations des « entre-deux » qui ont semblé s’imposer dans l’imaginaire collectif comme des constructions instables et incertaines. Il faut alors interroger les limites de ce concept réducteur.