Livres by Lise Foisneau

Les Roms de Provence sont un collectif fugitif. Circulant en France depuis 1870, ils ne sont pas ... more Les Roms de Provence sont un collectif fugitif. Circulant en France depuis 1870, ils ne sont pas libres de choisir les lieux où ils vivent. En les classant comme « gens du voyage », l’administration les oblige à habiter sur des « aires d’accueil » souvent situées aux abords de zones industrielles polluées. Malgré leur assignation à ces espaces contrôlés, à chaque halte, les Roms font naître un monde politique singulier, celui de la kumpania.
À travers une ethnographie en caravane sur les routes de France, l’anthropologue Lise Foisneau décrit au plus près la vie de ces compagnies. Elle raconte leur attachement aux lieux, les traumas invisibles de la guerre, la transmission de la mémoire, le règlement des conflits, l’attention aux enfants, la chine, les séparations et les retrouvailles. Mais aussi la traque policière et administrative, l’ouverture des « places », et la quête d’endroits où s’arrêter.
En dépit des persécutions du 20e siècle et de la privatisation croissante de l’espace public, les Roms de Provence ne cessent depuis 150 ans de reconfigurer leurs mondes. Kumpania en décrit la chair et la vivacité.

Klincksieck, 2022
La situation d’exclusion des « gens du voyage » en France aujourd’hui s’inscrit-elle dans la cont... more La situation d’exclusion des « gens du voyage » en France aujourd’hui s’inscrit-elle dans la continuité des persécutions subies par les « Nomades » pendant la Seconde Guerre mondiale ? L’ethnologue Lise Foisneau a fait de cette question le point de départ d’une enquête historique inédite.
Avec l’aide de Valentin Merlin, elle a recueilli la parole des derniers témoins et exploré de nombreux fonds d’archives pour tenter de comprendre pourquoi des gouvernements que tout opposait ont poursuivi une même politique de répression des « Nomades » entre 1939 et 1946. Au prétexte de la mise en œuvre d’un état d’exception, la IIIe République en guerre prit des mesures drastiques à l’encontre des « Nomades » qui se retrouvèrent soit assignés à résidence soit rassemblés dans des lieux spécifiques que les occupants allemands et le régime de Vichy transformèrent rapidement en des camps. Cette politique fut rendue possible par l’adoption préalable en 1912 de la catégorie administrative de « Nomade » dans laquelle furent regroupés des Roms, des Manouches, des Sinti, des Gitans, des Yéniches et des Voyageurs. L’arsenal législatif élaboré entre 1940 et 1944 continua d’être appliqué par le Gouvernement provisoire de la République française jusqu’en juillet 1946. Il n’y eut pas de Libération pour les « Nomades ».
Par sa méthode qui associe histoire, ethnographie et participation active des témoins à la recherche, ce livre renouvelle en profondeur une historiographie restée très lacunaire soixante-quinze ans après les faits. Il montre aussi comment l’immobilisation forcée des collectifs romani et voyageurs pendant la Seconde Guerre mondiale se mua en résistance : opposition à la législation anti-nomade et lutte partagée avec l’armée des ombres.
Cette étude pionnière est tissée de micro-récits qui déploient de multiples effets de savoir. Le croisement de la mémoire et des archives permet de restituer avec précision des pans entiers de l’histoire nationale jusqu’ici scellés.
Histoire by Lise Foisneau
Journal of Modern European History, 2025
This article seeks to shed light on the history of twentieth-century sedentarization policies in ... more This article seeks to shed light on the history of twentieth-century sedentarization policies in metropolitan France. It analyses the implementation of the so called 'Tsigane Hamlet', completed in the town of Plan-de-Grasse in the Alpes-Maritimes in 1966. This Hamlet concerned Roma and Sinti families that, even in the 1960s, were continuing to experience the harsh after-effects of the War and had been unable to reestablish their previous patterns of mobility and circulation. The first part describes the circulation patterns of the ancestors of Hamlet residents and discusses some of the World War II-era persecutions inflicted on them. The second part then analyses the principles of sedentarization on which this collective residential project was founded. This article reflects on the freedom of movement of Romani communities in postwar France.

L'Homme, 2024
Il y a des luttes qui passent inaperçues alors même qu’elles ne sont ni occultées, ni refoulées, ... more Il y a des luttes qui passent inaperçues alors même qu’elles ne sont ni occultées, ni refoulées, ni oubliées. Ce sont des batailles invisibles. La qualification des persécutions à l’encontre des collectifs romani et voyageurs pendant la Seconde Guerre mondiale en France est l’une d’entre elles.
Il ne sera pas ici question de l’absence de reconnaissance par l’État du « génocide des Tsiganes », laquelle n’a jamais eu lieu, mais de la saisie, par les historiens, de l’intention génocidaire qui sous-tend et anime la persécution des « Nomades » en France pendant la Seconde Guerre mondiale. Disons-le d’emblée, cette bataille invisible n’est pas sémantique. Le refus de qualifier de « génocide » les mesures anti-nomades appliquées sur le territoire français a eu et a encore des conséquences très concrètes sur la vie des survivants et de leurs descendants : parmi elles, l’absence de réparation matérielle et symbolique, le maintien du monde du voyage dans un régime de ségrégation territoriale et administrative, une mise sous tutelle étatique de citoyens français au prétexte qu’ils auraient un «mode de vie» différent et un paternalisme associatif empêchant l’émergence d’un front de lutte uni de Voyageurs.
Revue d'Histoire de la Shoah, 2022
This article focuses on a neglected phenomenon: the extralegal purges during the Liberation in Lo... more This article focuses on a neglected phenomenon: the extralegal purges during the Liberation in Lozère, where numerous Sinti, Gypsies, and Travellers were killed. Assigned to fixed places of residence in this department since April 1940, people belonging to the French administrative category of “Nomad” were victims of various exactions by Resistance fighters between July and September 1944. After tracing the events that led to arrests and executions, the article attempts to understand why such hatred fell upon on this category of the French population at that time.
Critical Romani Studies, 2022
Through a study of the historiography of the persecution of “Nomads” in France from 1939 to 1946,... more Through a study of the historiography of the persecution of “Nomads” in France from 1939 to 1946, this article offers a critical analysis of the methodological and thematic biases present in much historical research on the topic. Historical studies on “Nomads” have significant practical implications today: This article examines how the history of French Roma and Travellers during WWII was written. It shows how French institutions have relied on historical work to deny the racial character of the persecution of the so-called “Nomads”. The paper emphasizes that internment and enforced residence were not so much an absolute break, but rather part of a particularly virulent moment in the long history of persecution of “Nomads” in 20th-Century in France.
in C. Donert and E. Rosenhaft (éd.), The Legacies of the Roma Genocide in Europe since 1945, Routledge, p. 21-37. , 2021
Roma Resistance during the Holocaust and in its Aftermath, 2018
Présences tsiganes. Enquêtes et expériences dans les archives, 2018
Aires d'accueil des gens du voyage et résistances by Lise Foisneau
Health and Human Rights Journal, 2017
In France, gens du voyage ("people who travel" or "travellers") is a term used by the government ... more In France, gens du voyage ("people who travel" or "travellers") is a term used by the government to categorize various itinerant populations, the majority of which are diverse Romani groups. People categorized as gens du voyage are legally required to reside in particular locations called "dedicated caravan sites." Parliamentary debates about these dedicated caravan sites have clarified that one of the objectives of such sites is to help fulfill the gens du voyage's right to health. However, there is a significant gap between the officially stated goals of such sites and the reality of life within them. This paper draws on research finding that the conditions in most dedicated caravan sites do not conform with the rights of gens du voyage to acceptable sanitary conditions and other underlying determinants of health.
Études tsiganes, 2020
Cet article est la traduction française d'un texte publié dans une revue américaine en 2017. Il d... more Cet article est la traduction française d'un texte publié dans une revue américaine en 2017. Il définit un premier cadre d’étude des inégalités environnementales subies par les « gens du voyage ».
Ballast, 2021
Revenant sur six années d'enquête et de vie partagée avec les habitants des aires d'accueil de "g... more Revenant sur six années d'enquête et de vie partagée avec les habitants des aires d'accueil de "gens du voyage", cet article analyse les conséquences de l'incendie de Lubrizol sur les luttes voyageuses. Paradoxalement, les récentes batailles environnementales ont jeté un voile d'ombre supplémentaire sur les multiples atteintes aux droits fondamentaux subies par les collectifs romani et voyageurs. Depuis la fin de la Seconde Guerre mondiale, les "gens du voyage" n'ont cessé de combattre la condition qui leur est faite : interdictions de stationnement, expulsions, terrains désignés, destructions de lieux de vie. Comment les sciences sociales peuvent-elles objectiver leurs résistances à cet encampement ordinaire ?

in Philippe Aldrin, Pierre Fournier, Vincent Geisser et Yves Mirman (éd.), Terrains et chercheurs sous surveillance, Paris, Armand Colin, 2022
Premières lignes : Mener un terrain ethnographique en France dans le cadre de travaux universitai... more Premières lignes : Mener un terrain ethnographique en France dans le cadre de travaux universitaires ne prémunit pas contre l’action éventuelle de l’État visant à mettre un terme à l’enquête. Ainsi, le 18 mars 2016, un tribunal administratif a-t-il ordonné « l’évacuation sans délai » de l’emplacement de caravane que j’occupais légalement avec mon compagnon sur une aire d’accueil des gens du voyage. De tous les occupants de l’aire d’accueil, nous avons été les seuls à recevoir une telle décision de justice, qui nous enjoignait d’évacuer immédiatement notre emplacement sous peine de 50 euros d’amende par jour de retard et qui autorisait la société gestionnaire de l’aire d’accueil à faire procéder à notre expulsion par la force publique. Pourquoi, après un an de stationnement en caravane sur des aires d’accueil des gens du voyage, ce tribunal administratif a-t-il ordonné l’expulsion d’un terrain qui était aussi mon terrain ethnographique ?
Z : Revue itinérante d'enquête et de critique sociale, 2020
Depuis leur sortie des camps d’internement en 1946, les Voyageurs·ses n’ont cessé de subir l’arbi... more Depuis leur sortie des camps d’internement en 1946, les Voyageurs·ses n’ont cessé de subir l’arbitraire des administrations. Retour historique sur une assignation à résidence et sur les résistances qu’elle a suscitées.
Lundi Matin, 2019
Les révoltes voyageuses sont parmi les plus spectaculaires de la dernière décennie : Saint-Aignan... more Les révoltes voyageuses sont parmi les plus spectaculaires de la dernière décennie : Saint-Aignan, Moirans, Roye. Elles sont aussi celles qui ont été réprimées le plus durement et celles qui n’ont jamais réussi à attirer la sympathie du grand public. Pourtant, les raisons de ces révoltes tenaient à la vie et à la mort : l’assassinat d’un jeune homme par la police lors d’un contrôle routier ou encore la demande qu’un fils ou qu’un frère en prison puisse assister à des funérailles. Ce n’est que face à la mort, quand il n’y a plus rien à perdre, que l’action des Voyageurs devient directe.
Anthropologie by Lise Foisneau
Terrain, 2023
L’encastrement du collectif des Roms « Hongrois » sur le territoire de la France métropolitaine i... more L’encastrement du collectif des Roms « Hongrois » sur le territoire de la France métropolitaine indique une limite à l’hégémonie du modèle étatique. D’autres formes politiques que celle de l’État semblent ainsi persister au sein même des États-nations européens. C’est du moins l’hypothèse examinée dans cet article, prenant pour exemple le rapport à la territorialité de certains Roms dits « Hongrois », catégorisés comme « gens du voyage » par l’administration française. Alors que les espaces où ceux-ci peuvent installer leurs caravanes disparaissent du fait d’une longue suite de politiques publiques anti-nomades, les « compagnies des routes » retournent l’état de siège dans lequel ils se trouvent en art de résistance.
Ethnologie française, 2021
« Nous, on n’en parle pas » est-il un livre dorénavant orphelin ? Que devient un « terrain » une ... more « Nous, on n’en parle pas » est-il un livre dorénavant orphelin ? Que devient un « terrain » une fois l’ethnologue disparu ? C’est en partant à la rencontre des amis manouches de Patrick Williams que l’auteure de cet article a souhaité lui rendre hommage. Ce texte s’interroge sur l’héritage de l’anthropologue et se demande si des morts, vraiment, on n’en parle pas.

Tracés, 2016
« La crainte des Roms », est-ce celle que les Roms inspirent aux gadjé ou celle que les gadjé éve... more « La crainte des Roms », est-ce celle que les Roms inspirent aux gadjé ou celle que les gadjé éveillent chez les Roms ? Cet article procède d’observations issues d’un terrain partagé avec les Roms dits « Hongrois » dont les ascendants sont arrivés en France à la fin du xixe siècle. Il explore l’insistance de ces collectifs à se défier de tout. La défiance n’est pas seulement pour eux une tactique de résistance, mais aussi une pratique relationnelle constitutive des relations internes au collectif qu’ils forment. Loin d’être la source d’un immobilisme social, la méfiance constitue ainsi le socle d’une disposition politique à réinventer les relations sociales, qui trouve son origine dans des pratiques singulières, dont celle du « vrai-mensonge ». Se défier des apparences va ainsi de pair, chez ces Roms, avec une capacité à créer de nouvelles configurations du monde humain.
Ethnologie française, 2018
Les kumpanji de Roms dits Hongrois s’assemblent et se désassemblent dans un habile tissage qui en... more Les kumpanji de Roms dits Hongrois s’assemblent et se désassemblent dans un habile tissage qui entrelace les relations entre les personnes et la circulation entre les lieux. Les déplacements permettent tout à la fois de préserver la vie collective et de donner à cette dernière de nouvelles configurations. À travers l’étude de deux formes d’habitation, celle des aires d’accueil et celle des « places », cet article entend montrer, d’une part, comment, à chaque arrivée, se crée un nouvel assemblage des relations et, d’autre part, comment les différents modes de l’occupation de l’espace déterminent une position de soi dans un territoire hétérogène régi par le droit de propriété et les contraintes administratives qui l’accompagnent.
Études tsiganes, 2017
Un grand nombre d’ethnologues et de sociologues qui enquêtent sur des gens du voyage entrent en r... more Un grand nombre d’ethnologues et de sociologues qui enquêtent sur des gens du voyage entrent en relation avec eux par le biais d’une association ou en utilisant le prétexte d’un travail social. Or, la façon dont on commence une étude de terrain joue un rôle déterminant sur son déroulement : le chercheur peut facilement basculer du côté de ceux que les gens du voyage appellent les « surveillants », faisant de lui un auxiliaire involontaire des administrateurs. De tels modes d’entrée sur un terrain, autorisés et encadrés par l’administration, évoquent ceux de l’ethnographie de l’Afrique coloniale et ...
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Livres by Lise Foisneau
À travers une ethnographie en caravane sur les routes de France, l’anthropologue Lise Foisneau décrit au plus près la vie de ces compagnies. Elle raconte leur attachement aux lieux, les traumas invisibles de la guerre, la transmission de la mémoire, le règlement des conflits, l’attention aux enfants, la chine, les séparations et les retrouvailles. Mais aussi la traque policière et administrative, l’ouverture des « places », et la quête d’endroits où s’arrêter.
En dépit des persécutions du 20e siècle et de la privatisation croissante de l’espace public, les Roms de Provence ne cessent depuis 150 ans de reconfigurer leurs mondes. Kumpania en décrit la chair et la vivacité.
Avec l’aide de Valentin Merlin, elle a recueilli la parole des derniers témoins et exploré de nombreux fonds d’archives pour tenter de comprendre pourquoi des gouvernements que tout opposait ont poursuivi une même politique de répression des « Nomades » entre 1939 et 1946. Au prétexte de la mise en œuvre d’un état d’exception, la IIIe République en guerre prit des mesures drastiques à l’encontre des « Nomades » qui se retrouvèrent soit assignés à résidence soit rassemblés dans des lieux spécifiques que les occupants allemands et le régime de Vichy transformèrent rapidement en des camps. Cette politique fut rendue possible par l’adoption préalable en 1912 de la catégorie administrative de « Nomade » dans laquelle furent regroupés des Roms, des Manouches, des Sinti, des Gitans, des Yéniches et des Voyageurs. L’arsenal législatif élaboré entre 1940 et 1944 continua d’être appliqué par le Gouvernement provisoire de la République française jusqu’en juillet 1946. Il n’y eut pas de Libération pour les « Nomades ».
Par sa méthode qui associe histoire, ethnographie et participation active des témoins à la recherche, ce livre renouvelle en profondeur une historiographie restée très lacunaire soixante-quinze ans après les faits. Il montre aussi comment l’immobilisation forcée des collectifs romani et voyageurs pendant la Seconde Guerre mondiale se mua en résistance : opposition à la législation anti-nomade et lutte partagée avec l’armée des ombres.
Cette étude pionnière est tissée de micro-récits qui déploient de multiples effets de savoir. Le croisement de la mémoire et des archives permet de restituer avec précision des pans entiers de l’histoire nationale jusqu’ici scellés.
Histoire by Lise Foisneau
Il ne sera pas ici question de l’absence de reconnaissance par l’État du « génocide des Tsiganes », laquelle n’a jamais eu lieu, mais de la saisie, par les historiens, de l’intention génocidaire qui sous-tend et anime la persécution des « Nomades » en France pendant la Seconde Guerre mondiale. Disons-le d’emblée, cette bataille invisible n’est pas sémantique. Le refus de qualifier de « génocide » les mesures anti-nomades appliquées sur le territoire français a eu et a encore des conséquences très concrètes sur la vie des survivants et de leurs descendants : parmi elles, l’absence de réparation matérielle et symbolique, le maintien du monde du voyage dans un régime de ségrégation territoriale et administrative, une mise sous tutelle étatique de citoyens français au prétexte qu’ils auraient un «mode de vie» différent et un paternalisme associatif empêchant l’émergence d’un front de lutte uni de Voyageurs.
Aires d'accueil des gens du voyage et résistances by Lise Foisneau
Anthropologie by Lise Foisneau
À travers une ethnographie en caravane sur les routes de France, l’anthropologue Lise Foisneau décrit au plus près la vie de ces compagnies. Elle raconte leur attachement aux lieux, les traumas invisibles de la guerre, la transmission de la mémoire, le règlement des conflits, l’attention aux enfants, la chine, les séparations et les retrouvailles. Mais aussi la traque policière et administrative, l’ouverture des « places », et la quête d’endroits où s’arrêter.
En dépit des persécutions du 20e siècle et de la privatisation croissante de l’espace public, les Roms de Provence ne cessent depuis 150 ans de reconfigurer leurs mondes. Kumpania en décrit la chair et la vivacité.
Avec l’aide de Valentin Merlin, elle a recueilli la parole des derniers témoins et exploré de nombreux fonds d’archives pour tenter de comprendre pourquoi des gouvernements que tout opposait ont poursuivi une même politique de répression des « Nomades » entre 1939 et 1946. Au prétexte de la mise en œuvre d’un état d’exception, la IIIe République en guerre prit des mesures drastiques à l’encontre des « Nomades » qui se retrouvèrent soit assignés à résidence soit rassemblés dans des lieux spécifiques que les occupants allemands et le régime de Vichy transformèrent rapidement en des camps. Cette politique fut rendue possible par l’adoption préalable en 1912 de la catégorie administrative de « Nomade » dans laquelle furent regroupés des Roms, des Manouches, des Sinti, des Gitans, des Yéniches et des Voyageurs. L’arsenal législatif élaboré entre 1940 et 1944 continua d’être appliqué par le Gouvernement provisoire de la République française jusqu’en juillet 1946. Il n’y eut pas de Libération pour les « Nomades ».
Par sa méthode qui associe histoire, ethnographie et participation active des témoins à la recherche, ce livre renouvelle en profondeur une historiographie restée très lacunaire soixante-quinze ans après les faits. Il montre aussi comment l’immobilisation forcée des collectifs romani et voyageurs pendant la Seconde Guerre mondiale se mua en résistance : opposition à la législation anti-nomade et lutte partagée avec l’armée des ombres.
Cette étude pionnière est tissée de micro-récits qui déploient de multiples effets de savoir. Le croisement de la mémoire et des archives permet de restituer avec précision des pans entiers de l’histoire nationale jusqu’ici scellés.
Il ne sera pas ici question de l’absence de reconnaissance par l’État du « génocide des Tsiganes », laquelle n’a jamais eu lieu, mais de la saisie, par les historiens, de l’intention génocidaire qui sous-tend et anime la persécution des « Nomades » en France pendant la Seconde Guerre mondiale. Disons-le d’emblée, cette bataille invisible n’est pas sémantique. Le refus de qualifier de « génocide » les mesures anti-nomades appliquées sur le territoire français a eu et a encore des conséquences très concrètes sur la vie des survivants et de leurs descendants : parmi elles, l’absence de réparation matérielle et symbolique, le maintien du monde du voyage dans un régime de ségrégation territoriale et administrative, une mise sous tutelle étatique de citoyens français au prétexte qu’ils auraient un «mode de vie» différent et un paternalisme associatif empêchant l’émergence d’un front de lutte uni de Voyageurs.
A lire sur le site de La Vie des idée : https://laviedesidees.fr/Ari-Joskowicz-Rain-of-Ash
Patrick Williams, Tsiganes ou ces inconnus qu’on appelle aussi Gitans, Bohémiens, Roms, Gypsies, Manouches, Rabouins, Gens du voyage… PUF, 601 p., 27 €