Institut des Mondes Africains - IMAF

Despres Altaïr, « Les figures imposées de la mondialisation culturelle » À propos de la socialisation des danseurs contemporains en Afrique, Sociétés contemporaines, 2014/3 N° 95, p. 109-130. ---Distribution électronique Cairn.info pour Presses de Sciences Po. © Presses de Sciences Po. Tous droits réservés pour tous pays.

Longtemps absents de la scène chorégraphique contemporaine, les danseurs africains semblent bien avoir, depuis une vingtaine d'années, le vent en poupe. Ils sont désormais les invités des festivals et des théâtres internationaux les plus prestigieux, et leurs pièces sont saluées tant par le public que par la critique. C'est que, disent les commentateurs, la mondialisation culturelle est passée par là. Mais qu'est-ce, au juste, que cette mondialisation ? À partir d'une enquête de terrain, l'ouvrage d' Altaïr Despres revient sur l'émergence de la danse contemporaine sur le continent africain, en documentant en particulier le parcours de ces jeunes danseurs, depuis les quartiers populaires de Bamako et de Ouagadougou jusqu'aux planches des grands théâtres parisiens. Ce faisant, la mondialisation culturelle cesse d'apparaître comme un phénomène irrépressible et vague : elle devient une réalité des plus concrètes, une expérience pratique, dont on saisit tour à tour les ressorts politiques, esthétiques ou migratoires. On comprend ainsi que l'apparition d'une forme « contemporaine » de danse en Afrique repose sur la formation de réseaux institutionnels connectés à l'Europe, sur la construction opportune d'intérêts esthétiques pour le continent, sur l'appropriation par les danseurs africains d'un rapport nouveau à l'art – et finalement, sur la création de personnalités inédites de danseurs et de chorégraphes, qui en viennent à incarner, entre « ici » et « là-bas », l'art africain internationalisé. Au-delà, on saisit avec ce cas exemplaire ce que la mondialisation culturelle implique pour l'Afrique : composer avec la domination générale des pays du Nord sur ceux du Sud. Parfois pour s'y conformer au mieux, comme lorsque les danseurs trouvent l'équilibre juste entre « tradition » et « avant-garde » – suivant en cela le goût et les injonctions des programmateurs européens et des amateurs éclairés d'oeuvres venues d'ailleurs. Parfois au contraire pour subvertir cette domination, comme lorsque l'engagement dans la danse contemporaine est utilisé comme une ressource économique et migratoire, bien loin de la vocation artistique. Finalement, le portrait vivant qu' Altaïr Despres dresse de la danse contemporaine en Afrique nous parle de l'inégalité symbolique dans le monde d'aujourd'hui. Au-delà des visions heureuses du « métissage », qui peut prétendre à l'art et à la légitimité culturelle internationale ? Qui peut imposer son style, et qu'est-ce que cela implique pour les autres ? Comment penser ce pouvoir, sans le réduire à une affaire esthétique ?

Alors que les mobilités des femmes occidentales dans les pays du Sud sont souvent associées au « tourisme sexuel » et aux relations éphémères ou intéressées avec les populations locales, l'article rappelle, d'abord, que les pratiques et espaces touristiques constituent aussi le cadre de rencontres amoureuses et conjugales durables. Centré sur les trajectoires de femmes occi-dentales expatriées à Zanzibar, vivant en couple mixte avec un homme africain qu'elles ont rencontré en vacances dans l'archipel, l'article s'intéresse, ensuite, aux conditions sociales qui rendent possible et intéressante l'expatriation en Afrique. En l'espèce, il faut considérer l'expatriation de ces femmes à l'aune des rétributions affectives – retrouver un conjoint – et des rétributions professionnelles – se reclasser sur le marché de l'emploi local – qu'elle offre. Enfin, l'article insiste sur le rôle que joue la mixité conjugale dans les opportunités de mobilité sociale que connaissent les expatriées occidentales à Zanzibar.

This essay focuses on the history of the Danse l’Afrique danse! biennale. Created by the French Cultural Cooperation in 1995, this festival is now considered the most important pan-African contemporary dance event. It constitutes a privileged site through which to examine the development of such a choreographic discipline on the African continent, from both political and artistic perspectives. Based on an analysis of the French Ministry of Cooperation’s records, in-depth interviews with professionals and artists involved in the festival and the ethnography of two festival editions, this paper reveals how Western institutions have left their mark on the production of African contemporary dance. Drawing on Bourdieu’s theory of the ‘field’, I argue that, to conquer the international market, dancers have to connect the dominant and legitimate aesthetic currents of the field of contemporary dance that were created in the West with the staging of an urban African identity, in order to distinguish themselves in this very competitive art field. The effect of this, I show, is that African dancers were at times the anonymous instruments of the renewal of French contemporary dance.

Depuis l’avènement du tourisme à Zanzibar, les plages de l’archipel tanzanien sont le lieu de rencontres intimes fréquentes entre touristes et populations locales. Si l’intimité amicale entretenue par les beach boys avec les vacanciers constitue surtout une manière d’assurer des transactions commerciales dans un contexte marqué par l’incertitude de l’informalité, l’intimité sexuelle et amoureuse avec les vacancières fonctionne, quant à elle, comme un cadre efficace d’accumulation de capitaux, non seulement économiques mais aussi culturels. Au-delà, l’investissement affectif souvent important des femmes dans les "histoires de vacances" conduit à la formation de couples parfois durables. Là où la sexualité offre aux beach boys des rétributions nécessairement limitées, la conjugalité ouvre en revanche à des formes d’accumulation de capitaux sur le long terme, dont les effets se donnent à voir dans leurs trajectoires d’ascension sociale.

Mass tourism in Zanzibar has been accompanied by a virulent denunciation of the dress, bodily, and sexual practices of white women, who have been accused of perverting the local culture. More specifically, they have been held responsible for the emasculation and feminization of Zanzibar's male youth engaging in compensated intimate relations with them. In this article I argue that sexual relations between white women and Zanzibari men show the capacity of young Zanzibaris to recompose the balance between the two traditional axes in the construction of masculinity, namely economic power and sexual performance. While the economic power of Zanzibari men has suffered from capitalist globalization, sexual potency and expertise, as well as competition between men for access to women's bodies have become key aspects of affirming masculinity.