On ne peut pas faire parler le rêve ? On va donc essayer de faire rêver le discours. Jean-François Lyotard 1 Le penseur ne rêve que de ça… faire parler le rêve et faire rêver le discours : qu'il s'exprime et laisse entendre, librement...
moreOn ne peut pas faire parler le rêve ? On va donc essayer de faire rêver le discours. Jean-François Lyotard 1 Le penseur ne rêve que de ça… faire parler le rêve et faire rêver le discours : qu'il s'exprime et laisse entendre, librement sans contraintes. Sans vouloir, ni même vouloirdire, donner libre cours à la pensée, anonyme -que ça parle, le Ca, peut-être… Sans position prise, sans point de vue, sans 1 Jean-François Lyotard, Discours, figure, Paris, Klincksieck, 2002, p.253. sujet ni objet, sans savoir ni vouloir parler : en avant ! L'idée lyotardienne de « faire rêver le discours » annonce une nouvelle ère de la pensée, celle « du dehors », celle de la pensée hors structure, post-structuraliste, comme on dit. Hors toute structure, la pensée, en train de « se faire », à l'état de naissance, vise la pure création, le pur devenir -elle relève d'une pratique irrégulière, d'un mouvement pur de la pensé qui ne tient compte d'aucun savoir préalable, qui se débarrasse de son auteur, de son penseur. La pensée se dé-limite du savoir -Deleuze tient à écrire de la « sciencefiction », Foucault s'aventure dans des « livres-expériences » (« que des fictions », dit-il), la fiction s'insinue dans tout texte théorique, mais avec « l'écriture » derridienne qui devient « ex-criture » chez Jean-Luc Nancy, elle mettra littéralement « en oeuvre » la pensée. Quitter le domaine de la pensée consciente, se débarrasser de son psychisme pesant, penser en dehors du Cogito : on ne rêve que de Ca -cela dit d'un Réel plus que réel, plus que « vrai » que Lacan visera audelà toute structure psychique, qu'elle soit imaginaire ou symbolique. Que ça parle ! Le penseur quittera sa conscience lucide, il s'ouvrira à son dehors, à la lumière de son imaginaire rêveur. Aujourd'hui je me permets de vous signaler une entrée dans la pensée foucaldienne, une entrée plutôt inconnue, rarement desservie, qui serait ouverte par le rêve. Entrons donc dans l'oeuvre foucaldien par l'introduction à l'analyse du rêve, qui, paradoxalement, lui ouvrira une sortie du « sommeil anthropologique » des temps modernes, vers une pensée au-delà tout discours, en dehors du savoir humain. Nous allons voir, quand le discours arrive à rêver, le rêve s'ouvrira à parler -et la pensée sera prête à créer. le roman, Foucault fait allusion à une sorte de pensée qui sortirait de l'espace de la psyché. Chez les romanciers du Tel Quel il constate une certaine prédilection pour les expériences soi-disant « spirituelles », comme le rêve, la déraison, répétition, doublure, déroute du temps, etc., expériences qui forment une « constellation qui est probablement très cohérente », dont la ressemblance avec les expériences surréalistes le frappe. Seulement, les surréalistes ont placé ces expériences dans un espace qu'on pourrait appeler psychologique , « elles étaient en tout cas domaine de la psyché ; en faisant ces expériences ils découvraient cet arrièremonde, cet au-delà ou en-deçà du monde qui était pour eux le fond de toute raison » 11 . Les 11 Michel Foucault « Débat sur le roman ».